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amis, en témoignant avec bonté dans toutes les occasions combien il avait été frappé de mes offres (1). »

Qu'on nous montre beaucoup de sages conservant dans l'adversité cette résignation et ce calme chrétien !

Si donc on outragea Clément XIV, les outrages ne vinrent pas des Jésuites, et s'il y eut des amis de la Compagnie pour blâmer la conduite de ce Pape, ils ne furent pas seuls. « Les encyclopédistes exaltèrent le courage et la philosophie de Clément XIV, apothéose intéressée et factice, qui n'était qu'une tactique de parti. Ils ne prenaient pas leur grand homme au sérieux, et plus d'une fois, dans ses épanchements secrets avec le roi de Prusse, d'Alembert se moque de ce qu'il appelle la maladresse du Cordelier. Ce langage n'était pas public, mais ce fut très-hautement que, dans les cercles philosophiques, on blâma le Pape d'avoir exproprié les Jésuites sans assurer leur existence, de n'avoir pas su concilier l'humanité avec la justice, dureté d'autant moins excusable qu'on ne pouvait l'attribuer à la passion (2). »

Au nom même des intérêts de la France, il s'éleva

(1) Eloge historique du P. Béraud, par le P. Le Febvre, de l'Oratoire; Lyon, A. de La Roche, 1780, in-12. Nous avons fait réimprimer cette rare et curieuse notice dans le tome XX de la Revue du Lyonnais.

(2) Saint-Priest, pag. 160.

des réclamations contre l'abolition d'un Ordre qui, dans les missions du Levant, avait puissamment servi l'ascendant de notre politique. Le 10 novembre 1773, dans un mémoire diplomatique sur les moyens de conserver dans le Levant l'influence française, si étroitement liée aux progrès du catholicisme, on disait au duc d'Aiguillon :

« Le nombre des catholiques rajas est considérable à Smyrne. Les Jésuites y faisaient, comme ailleurs, beaucoup de bien. ›

Et plus loin:

<< Aucun de ces moines ne fait proprement la mission. Depuis long-temps les Jésuites étaient véritablement les seuls qui s'y employassent avec zèle. C'est une justice qu'on ne peut se dispenser de leur rendre, et qui ne saurait être suspecte, à présent qu'ils ne sont plus. On leur doit en très grande partie le progrès de la religion catholique parmi les Arméniens et les Syriens, ainsi qu'il en a été rendu compte dans le mémoire de l'année dernière. Dépositaires de la confiance des sujets du Grand-Seigneur, il importe de conserver les Religieux Jésuites dans leurs fonctions, pour ne pas compromettre les fruits qu'ils ont semés (1)..

(1) Extrait des manuscrits de l'abbé Brotier. Voir dans la Réponse de M. Lamache, pag. 214.

L'auteur de ce Mémoire est le chevalier, depuis comte de Saint-Priest, successivement ambassadeur à Lisbonne et à Constantinople, et mort Pair de France en 1820. Il aurait donc suffi à l'historien de la Chute des Jésuites d'interroger les traditions de sa propre famille pour apprendre à s'interposer entre les préventions du pouvoir ou de la multitude, et ces Religieux non moins utiles à la France qu'à l'Eglise (1).

Dès que Clément XIV eut fermé les yeux, l'ambassadeur d'Espagne alla trouver le cardinal Albani, Doyen du Sacré Collége, et lui dit que le roi, son maître, « entendait qu'on lui répondit des Jésuites alors détenus au château Saint-Ange, et qu'on ne les mît pas en liberté (2). »

Cette haine persévérante de Charles III embarrassa beaucoup le nouveau Pape, Pie VI, qui avait pris ce nom en l'honneur de saint Pie V, étant de la même famille que ce noble pontife.

Pie VI inaugura son règne par des actes de charité; il permit qu'on adoucit le sort du P. Ricci, et qu'on ouvrit quelques fenêtres de son appartement, pour lui donner un peu d'air (3). Il intercéda plusieurs fois au

(1) P. Lamache, pag. 214.

(2) L'Ami de la Religion, tom. XVII, pag. 274 et 275.

(3) L'auteur de la Vie de l'abbé Laurent Ricci, le même qui

près des puissances en faveur des Jésuites; il réitéra souvent les plus fortes instances pour obtenir leur consentement à la délivrance des pauvres prisonniers d'Etat renfermés au château Saint-Ange, et d'autant plus dignes de pitié qu'on n'avait désormais rien à craindre d'eux. Les ministres de la maison de Bourbon s'opposèrent d'abord à ce pieux désir; ensuite, ils souffrirent, quoique avec répugnance, qu'on relâchât quelques prisonniers; mais ils continuèrent d'exiger que la détention du Général fût perpétuelle.

Cependant, et il faut croire que c'était d'un commun accord avec les Cours, Pie VI avait enfin résolu de faire sortir le Général de prison; le cardinal Torrigiani, toujours zélé, lui avait déjà préparé un appartement dans son palais, et avait obtenu pour lui de la Chambre apostolique (Reverenda Camera Apostolica) une pension de 1,200 scudi. Le P. Lorenzo Ricci voyait donc arriver l'heureux moment de sa délivrance; mais, le 22 novembre de l'année 1775, il succomba à la fièvre et à l'oppression de poitrine, qui le prirent le 17 (1). C'était un autre genre de délivrance, plus désiré et plus doux. Le 26, il y eut un concours

constate ce fait (pag. 66), nous dit que l'appartement du Cénéral était décent et commode. Il y paraft bien !

(1) La Vie de l'abbé Ricci, pag. 67.—Journal historique et littéraire, tom. CXLIII, pag. 60.

extraordinaire de personnes de tout état, pour voir le corps exposé dans l'église de Saint-Jean des Florentins. Le soir du même jour, on le transporta en carrosse à l'église du Gesù, escorté de quelques officiers du château Saint-Ange et suivi de plusieurs carrosses, dans l'un desquels étaient le curé, le vicaire et le notaire qui, arrivés à l'église du Gesù, y consignèrent le corps avec les formalités ordinaires. On le mit ensuite dans le cercueil, et on le déposa dans la sépulture des Généraux de l'Ordre (1).

Cinq jours avant sa mort, le P. Ricci, près de recevoir son Dieu, prononça, en présence du gouverneur du château Saint-Ange, des officiers et des soldats, ces dernières et solennelles paroles, qu'une déclaration signée de sa main a transmises jusqu'à nous :

« L'incertitude du temps auquel il plaira à Dieu de m'appeler à lui, la certitude que ce temps est proche, attendu mon âge avancé, et la multitude, la longue durée et la grandeur de mes souffrances trop supérieures à ma faiblesse, m'avertissent de remplir d'avance mes devoirs, car il peut facilement arriver que la nature de ma dernière maladie m'empêche de les remplir à l'article de la mort.

(1) La Vie de l'abbé Ricci, pag. 67.-Journal historique et littéraire, tom. CXLIII, pag. 60.

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