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violer le secret de la correspondance du Cardinal, et de livrer à une Cour étrangère un secret d'Etat. Débutant par une de ces lâchetés, qui rendirent depuis son administration si fameuse (1), il communique au comte de Fuentes, ambassadeur d'Espagne, les dépêches de Bernis, qui montrent dans tout son jour la mollesse des poursuites du Cardinal contre les Jésuites. Le duc d'Aiguillon, en apparence protecteur de la Compagnie, promet à l'Espagne de donner des ordres sévères à Bernis, pour que leur expulsion se consomme, mais à la condition expresse que l'on gardera auprès du Cardinal le secret de la perfidie dont il venait d'user envers lui.

L'écrivain, qui a démêlé toutes ces honteuses intrigues, s'oublie ensuite jusqu'à représenter l'avènement du duc d'Aiguillon au ministère comme l'œuvre des Jésuites, et à leur donner Me Dubarry pour protectrice. On ne comprend pas que l'auteur ait oublié que, à l'époque de la chute de Choiseul, tous les Jésuites, moins quatre ou cinq qui avaient consenti à prêter un lâche serment de renonciation, étaient exilés de France et errants dans les pays étrangers. Ne sait-il pas que le Triumvirat qui, de concert avec Mme Dubarry, fit tomber le duc de Choiseul, se composait de Terray, de

(1) Saint-Priest, pag. 146.

Maupeou et du duc d'Aiguillon? Terray est connu : il fut un des plus ardents meneurs de la guerre contre les Jésuites. Maupeou était un parlementaire qui n'avait rien de commun avec eux. Quant à d'Aiguillon, il les avait estimés, il est vrai, mais on nous apprend que le premier soin de ce ministre fut de rassurer Charles III, en s'associant, comme avait fait Choiseul, à des poursuites obstinées contre l'Institut (1).

L'historien de la Chute des Jésuites se fourvoie dans ses souvenirs, quand il nous montre des plumes complaisantes et sacrées transformant la favorite en vertueuse conseillère du monarque (2). 11 s'est rappelé qu'un écrivain « avait abusé du privilége de la galanterie politique jusqu'à donner à la comtesse Dubarry le nom de la nymphe Egérie, qui dictait à Numa les lois vénérées des Romains (3); » mais il a oublié que cet écrivain était le patriarche de Ferney, le même qui avait brûlé son banal encens aux genoux de Mme de Pompadour, et non pas un des Religieux exilés (4), ni aucune plume sacrée.

La position de Clément XIV n'était plus tenable. Nous rencontrons ici une étrange imputation dirigée

(1) Saint-Priest, pag. 145.

(2) Ibid.

(3) Lacretelle, Histoire de France, Louis XV, tom. IV, pag. 304. (4) Lamache, Réponse à M. de Saint-Priest, pag. 179.

contre le Général des Jésuites, l'intrépide Ricci. Une paysanne, Bernardine Benuzzi, de Valentano, dans la marche d'Ancône, s'érigeait en prophétesse, et annonçait la vacance du Saint-Siège par la réunion d'initiales mystérieuses: P. S. S. V., ce qui signifiait presto sarà sede vacante. Le Général des Jésuites avait eu, disait. on, une entrevue avec la sorcière, chez l'avocat Achilli. Quel résultat avait amené cette entrevue? aucun. Cet incident, qui commence et finit là, est peu digne de l'histoire.

Charles III perdit patience. Il menaçait le pape de le déshonorer, en publiant cette lettre que lui avait fait écrire, malgré lui, le cardinal de Bernis qui s'en vante, et que la correspondance du Cardinal livrée au comte de Fuentes réduisait pourtant à sa juste valeur, aux yeux du roi d'Espagne. Mais la diplomatie de ce tempslà n'y regardait pas de si près. Clément XIV, accablé de honte, environné de terreurs, n'osait plus lever les yeux sur les ministres étrangers. Tantôt l'ambassadeur espagnol, Moniño, devenu comte de Florida Blanca, le force à entendre un projet d'abolition; tantôt il lui fait craindre que l'Espagne ne relâche les liens de sa soumission au Saint-Siége. Ganganelli essaye encore de démontrer que, sous le coup d'une dissolution, les Jésuites sont plus redoutables que jamais, et il supplie Florida Blanca d'attendre la mort du P. Ricci.

Non, Saint-Père, lui répond durement l'ancien procureur fiscal de l'Espagne; c'est en arrachant la racine d'une dent qu'on fait cesser la douleur.- Craignez, ajoute-t-il pour surcroît de despotisme, que le roi mon maître ne supprime tous les Ordres religieux à la fois.- Ah! s'écrie douloureusement Clément XIV, c'est là qu'on en veut venir! On voulait plus ! on voulait la ruine du catholicisme, et l'heure de la démolition, du côté de la France, s'avançait.

Rien ne pouvait attendrir l'inflexible espagnol. Le Saint-Père parlait de santé, et, rejetant en arrière une partie de ses vêtements, il montrait ses bras nus, couverts d'une éruption menaçante. Il demandait la vie (1). Cependant, au milieu de son profond découragement et de son effroi, Clément XIV retrouva plus d'une fois la dignité d'un chef de l'Eglise. Un jour, Florida Blanca, appuyant ses instances d'un argument intéressé, garantissait au Pape la restitution d'Avignon et de Bénévent aussitôt après la promulgation du Bref; mais le vicaire de Celui qui chassa les vendeurs du Temple, répondit noblement Apprenez qu'un pape dirige les ames et n'en trafique point. Après ces mots, il rompit la conférence et se retira indigné. Dès qu'il fut rentré dans son appartement, sa douleur s'échappa en

(1) Saint-Priest, pag. 153-4.

sanglots, et il s'écria: Dieu le pardonne au roi très-catholique (1)!

Clément XIV, en désespoir de cause, imagina de faire dépendre du consentement de la cour de Vienne le Bref d'abolition. Le comte Mahoni, ambassadeur d'Espagne à Vienne, eut ordre de suivre l'affaire, et la cour de France donna la même commission au prince Louis de Rohan, coadjuteur de Strasbourg, ambassadeur auprès de l'impératrice. Charles III écrivit d'abord à Marie-Thérèse, qui commença par résister, et ne se rendit qu'aux importunités de son fils, le jeune empereur Joseph, qui prenait peu de part à l'affaire des Jésuites en elle-même, mais qui convoitait leurs biens avec une avidité impatiente (2). La cour de Vienne ne consentit à faire cause commune avec les Bourbons, qu'à la condition expresse de disposer arbitrairement des Jésuites, sauf à compenser les pertes des individus par des pensions. Il fallut même des instances du souverain Pontife près de Marie-Thérèse, et il alla jusqu'à lui faire un cas de conscience de ses refus (3). Néanmoins, on eut de la peine à vaincre la répugnance de l'auguste impératrice. Parmi les moyens mis en usage,

(1) Saint-Priest, pag. 155.

(2) Ibid., pag. 156.

(3) Picot, dans l'Ami de la Religion, tom. XVII, pag. 241 et

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