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soupçon, dit l'abbé Georgel, « si pour un crime de

cette nature on n'était pas en droit d'exiger les preuves les plus évidentes (1).

D

La prédilection marquée de l'historien de la Chute pour le ministre talon rouge lui suggère une appréciation neuve et originale de la conduite tenue par leur ennemi. «< Avec sa légèreté, Choiseul s'imagina, dit-il, rendre service aux Jésuites en demandant l'abolition définitive de la Société. Il les persécuta par pitié, et sollicita leur perte par humanité (2). » Ainsi, quand Choiseul expulse de la Corse, devenue province française, les Jésuites espagnols qui y avaient enfin trouvé un asile, il obéit à un sentiment de commisération envers ces viellards désarmés, dont les courses sur les mers et la pénurie l'avaient sincèrement affligé (3). » Quand il obsède le Pape pour obtenir la clôture des colléges florissants que la Compagnie possédait encore dans les Etats étrangers, c'est pour épargner aux bons Pères les fatigues de l'enseignement! Quand il arrache plus de vingt mille Religieux à une profession qui leur était chère et dans laquelle ils avaient fait vou de vivre et de mourir, ses touchantes sollicitudes ont pour

(1) Mémoires, tom. I, pag. 116 et 117.

(2) Saint-Priest, pag. 71.

(3) Page 72.

but de leur faire recouvrer la paix dans l'intérieur de leurs familles(1)! » On se passe aisément de ce genre de bienveillance ministérielle.

En cette affaire de passion, la conduite de Choiseul ne laissa paraître qu'une incroyable légèreté. Le 25 août 1769, il écrivait au Cardinal de Bernis une lettre (2) dans laquelle il paraît reconnaître que l'expulsion des Jésuites de la France et du Portugal est une mesure regrettable. « Ainsi, Choiseul blâmait une démarche dont il était l'auteur (3)! » A la vérité, les temps étaient changés. C'était pour plaire à Me de Pompadour que le duc de Choiseul s'était fait l'instrument des rancunes de la favorite contre les Jésuites. Mais, au moment où il écrivait au cardinal de Bernis, Mme de Pompadour n'était plus. Maintenant, rendu à lui-même, Choiseul exprime des doutes et laisse entrevoir des regrets ; il ne sait donner d'autres raisons de son opiniâtreté à poursuivre l'extinction totale de la Compagnie, que la crainte de heurter les préventions du roi d'Espagne et de compromettre l'honneur de son propre souverain, en laissant subsister ailleurs les Jésuites bannis de

(1) Saint-Priest, pag. 72.

(2) M. Lamache la donne avec les fautes de français du duc de Choiseul, pag. 255.

(3) Ibid., pag. 121.

France

faite (1).

c'est-à-dire, en laissant l'iniquité impar

Cependant, il y allait de l'honneur de la diplomatie de Choiseul et de l'Espagne d'obtenir de Clément XIV ce qu'on n'avait pas eu le temps d'arracher à la vieillesse du dernier pontife. Nous disons de l'honneur de la diplomatie, pour parler le langage des roués politiques dont le duc de Choiseul, dans ces négociations, se montra le type, et dont le cardinal de Bernis eut la faiblesse de rester l'agent plus ou moins actif. Il y allait de l'honneur de cette superbe et creuse diplomatie de parvenir à ses fins, car l'intérêt monarchique, l'intérêt gouvernemental étaient loin d'être engagés dans la querelle. En dernier résultat, le parti encyclopédique devait seul profiter de la victoire, et vingt ans après la monarchie réglait ses comptes avec la philosophie dont elle s'était faite la docile esclave.

Trafic des consciences vénales, menaces hautaines de d'Aubeterre, séductions prodiguées par le cardinal de Bernis, les princes Bourbons mirent tout en œuvre pour enchaîner l'indépendance de l'opinion et du conclave. L'historien de la Chute des Jésuites accuse les disciples de saint Ignace d'avoir opposé des intrigues

(1) Lamache, pag. 166. Et pour la lettre de Choiseul, pag. 255

aux efforts de leurs adversaires, mais il n'apporte aucune preuve à l'appui de cette accusation banale. En admettant la vérité d'un tableau qu'on dirait emprunté à une œuvre de fantaisie; en admettant que, « dès la pointe du jour, le P. Ricci, inquiet, essoufflé, hors d'haleine, parcourait les quartiers de Rome... au milieu de la foule grave des Transtéverins, de la tourbe bigarrée et curieuse des conducteurs de buffles, des bergers, des contadines, etc.; en admettant même, sur la foi de la simple assertion de l'auteur, « que les Jésuites de considération, les mains pleines de présents, s'humiliassent devant les princes et les dames romains (1); » de quel côté se trouverait le plus grave abus? Du côté des princes qui joignent l'intimidation à la force brute, pour placer sur le trône un vassal de leur orgueilleuse rancune, ou bien du côté des Religieux qui essaient de conjurer un péril non moins menaçant pour les libertés de l'Eglise que pour leur existence propre (2)?

Le cardinal Ganganelli fut élu, et prit le nom de Clément XIV. Caractère aimable, plein de bonté dans la vie privée, ami des arts et des lettres, héritier de plusieurs des vertus de son devancier, mais non pas

(1) Saint-Priest, pag. 89 et 90. (2) P. Lamache, pag. 173-5.

de son énergie, Clément XIV était réservé au triste destin d'immoler, sur un autel érigé par des mains ennemies, les plus dévoués défenseurs de l'autorité pontificale.

Clément XIV laissa voir, dès le commencement de son pontificat, l'intention de se rapprocher des souverains. On a imaginé nous ne savons quel pacte secret, par lequel ce Pape aurait promis dans le conclave d'anéantir la Compagnie de Jésus, et dont la récompense aurait été son exaltation sur le siége de saint Pierre. Cette ridicule fable ne repose sur aucune espèce de preuve (1). Il est permis de croire, sans doute, que les couronnes firent tout ce qui était en elles pour obtenir un Pape favorable à leurs vues; mais il y a loin de là à cette honteuse transaction que l'on prête à leurs partisans dans le conclave et à Ganganelli. Ce qui est vrai, c'est que, dès l'élévation de celui-ci, le ministre espagnol reprit ses instances pour la destruction. D'Aranda et de Roda, l'un président du Conseil de Castille, l'autre chargé des affaires ecclésiastiques, profitèrent de leur crédit pour renouveler les sollicitations. Charles III parut bien quelque temps vouloir se contenter d'une

(1) Voir Picot, Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique, tom. II, pag. 550.-Le P. Cahour, des Jésuites, 2o partie, pag. 258.—Lamache, Réponse à M. de Saint-Priest, pag. 176.

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