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soit fou, mais il est encore plus triste que ce soit un malhonnête homme. La lettre insolente et absurde qu'il m'écrivit au sujet des spectacles à Ferney, était à la fois d'un insensé et d'un brouillon. Il voulait se faire valoir auprès des pédants de Genève qui prêchaient contre la comédie par jalousie de métier; il prétendait engager avec moi une querelle. Le petit magot, boursoufflé d'orgueil, fut piqué de mon silence (1).»--« Ce malheureux Jean-Jacques a fait un tort effroyable à la bonne cause. C'est le premier fou qui ait été malhonnête homme; d'ordinaire les fous sont honnêtes gens (2).

Au fond, le pauvre Jean-Jacques est fou; il y a cinq ou six ans qu'il mettait Genève à côté de Sparte, et aujourd'hui il en fait une caverne de voleurs. Il faudrait, pour toute réponse, faire imprimer l'éloge à côté de la satire, et y mettre pour épigraphe ce vers de je ne sais quelle comédie :

Vous mentez à présent, ou vous mentiez tantôt (3). >

Jean-Jacques fait un peu tort à la bonne cause; son esprit est faux et son cœur est celui d'un malhon

(1) Voltaire à d'Alembert, tom. XV, pag. 340 des OEuvres de celui-ci.

(2) Le même au même, ibid., pag. 342,
(3) D'Alembert à Voltaire, ibid., pag. 358,

nête homme (1). » — « Rousseau n'est qu'un fou et un plat monstre d'orgueil (2)..

<< Jean-Jacques est un jean f....., qui écrit tous les quinze jours à ces prêtres (les ministres de Genève), pour les échauffer contre les spectacles. Il faut pendre les déserteurs qui combattent contre leur patrie (3). — « Je crois que la chienne d'Erostrate ayant rencontré le chien de Diogène, fit des petits, dont Jean-Jacques est descendu en troisième ligne (4). »

D'Alembert opinait dans le même sens. « Pour le coup, Jean-Jacques s'est bien fait voir ce qu'il est, un fou et un vilain fou, dangereux et méchant, ne croyant à la vertu de personne, parce qu'il n'en trouve pas le sentiment au fond de son cœur, malgré le beau pathos avec lequel il en fait sonner le nom; ingrat, et qui pis est, haïssant ses bienfaiteurs, c'est de quoi il est convenu plusieurs fois lui-même, et ne cherchant qu'un prétexte pour se brouiller avec eux, afin d'être dispensé de la reconnaissance (5). »

• Il eût été à désirer, pour l'honneur de ce saint homme, si honnête et si conséquent, qu'il n'eût pas

(1) Voltaire à d'Alembert, ibid., pag. 359.
(2) Le même au même, ibid., pag. 412.
(3) Voltaire, tom. LX, pag. 23 (20 oct. 1761).
(4) Ibid., pag. 333.

(5) D'Alembert, Œuvres, tom. XV, pag. 415.

déclaré, écrit et signé pardevant un nommé Montmolin, son curé huguenot, qu'il ne demandait la communion que dans le ferme dessein d'écrire contre le livre abominable d'Helvétius. Vous voyez bien que ce n'est pas assez pour Jean-Jacques de se repentir, il pousse la vertu jusqu'à dénoncer ses complices et à poursuivre ses bienfaiteurs; car, s'il avait renvoyé quelques louis à M. le duc d'Orléans, il en avait reçu plusieurs d'Helvétius. C'est assurément le comble de la vertu chrétienne de se déshonorer et d'être un coquin pour faire son salut (1). >

« Quoi! vous répondez sérieusement à ce fou de Rousseau, à ce bâtard du chien de Diogène (2)! »

Jean-Jacques est fou; il a été fou à Genève, à Paris, à Motier-Travers, à Neufchâtel; il sera fou en Angleterre, à Port-Mahon, en Corse, et mourra fou. Or, la folie fait grand tort à la philosophie, et c'est de quoi j'ai le cœur navré (3).

« C'est précisément, écrit Diderot, parce que cette Profession de foi (du Vicaire savoyard) est une espèce de galimatias, que les têtes du peuple en sont tournées. La raison, qui ne présente aucune étrangeté, n'é

(1) Voltaire à d'Alembert, ibid., pag. 378.

(2) Voltaire à d'Alembert, mai 1759. OEuvres de d'Alembert, tom. XV, pag. 98.

(3) Voltaire à d'Alembert, ibid., pag. 387.

tonne pas assez, et la populace veut être étonnée. Je vois Rousseau tourner autour d'une capucinière, ой il se fourrera quelqu'un de ces matins. Rien ne tient dans ses idées; c'est un homme excessif, qui est ballotté de l'athéisme au baptême des cloches. Qui sait où il s'arrêtera (1)? >

à

« On sent qu'il a aimé les femmes, et qu'il les aime encore à la fureur, et les détails de convoitise sont, mon gré, ceux où il réussit le mieux. C'est de tous les philosophes, passez-moi cette expression, le plus concupiscent. Il n'y a pas grand mal à cela (2). » Honnête d'Alembert!

On écrivait dernièrement chez nous, au sujet de Voltaire, que « cette grande renommée n'a rien à craindre dans la haute sphère où l'ont placée l'admiration et la reconnaissance de l'Europe (3). » D'autres disaient, vers le même temps, que « Voltaire, à qui on peut beaucoup pardonner, parce qu'il a fait beaucoup pour l'humanité, était le poète ordinaire de toutes les grandes comédiennes, depuis Mme de Pompadour jusqu'à Mie Sallé (4). » Le beau titre, en vérité !

(1) Mém. corresp. et OEuvr. inédites de Diderot, tom. II, p. 101. (2) D'Alembert, Jugement sur l'Emile, pag. 377, tom. V, OEuvres philosophiques, historiques et littéraires.

(3) Journal des Débats, 1 décembre 1844.

(4) Le Constitutionnel, 24 novembre 1844.

Il n'y a pas grand mérite ni grande difficulté à convenir que Voltaire avait prodigieusement d'esprit, et que, lorsqu'il pouvait imposer silence à ses préjugés et à ses passions, il était doué du bon sens le plus exquis. Mais en politique, en morale et en législation, il n'avait que de l'esprit. Ces brillantes [facultés de l'intelligence ont servi trop souvent et auprès de trop de gens à faire oublier les vices de cœur et l'abjection morale du grand écrivain. Quelques vérités utiles jetées au milieu de beaucoup d'erreurs, l'appel à de sages réformes par l'organe d'un homme égoïste, mais surtout cette haine vivace et toujours croissante pour la religion chrétienne : voilà ce qui recommande principalement Voltaire à l'admiration et à la reconnaissance de la foule. Mais ce dieu, qui se moquait de tout, comme il rirait en lui-même des louanges que l'on fait monter vers sa mémoire ! Si haute que soit la sphère dont on nous parlait tout à l'heure, nous oserons envisager le grand homme et produire quelques-uns de ses titres à la reconnaissance du genre humain.

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Amour de la vérité. Voltaire écrivait à Thiériot : « Le mensonge est un vice, quand il fait du mal; c'est une très-grande vertu, quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un

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