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Vos philosophes, ou plutôt soi-disant philosophes, sont de froids personnages; fastueux, sans être riches; téméraires, sans être braves; prêchant l'égalité par esprit de domination; se croyant les premiers hommes du monde, de penser ce que pensent tous les gens qui pensent; orgueilleux, haineux, vindicatifs ; ils feraient hair la philosophie (1). »

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On m'attribue un bon mot sur les philosophes modernes, dont je ne me souviens point, mais je l'adopterais volontiers. On disait que le roi de Prusse ou le roi de Pologne vantait beaucoup nos philosophes d'avoir abattu la forêt des préjugés qui nous cachent la vérité; on prétend que je répondis: Ah! voilà donc pourquoi ils nous débitent tant de fagots (2). » — « A l'égard de vos philosophes modernes, jamais il n'y eut d'hommes moins philosophes et moins tolérants; ils écraseraient tous ceux qui ne se prosternent pas devant eux (3). J'ai mis beaucoup d'impartialité dans la guerre des philosophes; je ne saurais adorer leur Encyclopédie, qui peut-être est adorable, mais dont quelques articles que j'ai lus m'ont ennuyée à la mort. Je ne saurais admettre pour législateurs des gens qui

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(1) Mme du Deffand à Voltaire, 5 janvier 1769. Lettres, tom. IV, pag. 294.

(2) Ibid.. à Walpole, tom. I, pag. 222. (3) Ibid., à Voltaire, tom. IV, pag. 267.

n'ont que de l'esprit, peu de talents et point de goût; qui, quoique très-honnêtes gens (1), écrivent les choses les plus malsonnantes sur la morale; dont tous les raisonnements sont des sophismes, des paradoxes. On voit clairement qu'ils n'ont d'autre but que de courir après une célébrité où ils ne parviendront jamais; ils ne jouiront pas même de la gloriole de Fontenelle et la Motte, qui sont oubliés depuis leur mort (2). »

La spirituelle femme que l'orgueil et la vaine science de la philosophie révoltaient si fort, n'avait pas échappé à leurs sophismes, et dans la même lettre où elle se raille d'eux auprès de leur patriarche, Me Du Deffand dit avec une dédaigneuse gravité : « Qu'est-ce que la foi? c'est de croire fermement ce que l'on ne comprend pas. Il faut laisser le don du ciel à qui il l'a accordé (3).. Comment le bon sens d'une femme d'esprit ne lui disait-il pas qu'il y avait dans ces quelques mots un des plus absurdes paradoxes des encyclodédistes? Car enfin, si l'homme ne voulait croire que ce qui lui est démontré, il ne croirait à rien, et la raison irait se heurter contre les nombreux mystères de notre existence physique. Au surplus, l'écrivain qui raisonnait ou déraisonnait ainsi, nous semble avoir été profondément à

(1) Pas trop, après tout ce que Mme Du Deffand en a dit plus haut. (2) Lettre de Mme du Deffand, tom. IV, pag. 136, 225. (3) Ibid., tom. IV, pag. 266.

plaindre. Il ne lui eût fallu peut-être qu'un autre entourage pour croire et aimer. « Je ne suis point faite pour ce monde-ci, écrivait-elle ; je ne sais pas s'il y en a un autre; en cas que celui-ci soit, quel qu'il puisse être, je le crains (1).

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Ailleurs, elle se reprend, et dit à Walpole: « Ce que l'on ne comprend pas peut exister, sans doute; aussi je ne le nie pas; je suis comme un sourd et un aveuglené; il y a des sons, des couleurs, il en convient; mais sait-il de quoi il convient; s'il suffit de ne point nier, à la bonne heure, mais cela ne suffit pas...... Si je ne crois pas ce qu'il faut croire, je suis menacée d'être mille et mille fois plus malheureuse après ma mort que je ne le suis pendant ma vie. A quoi se déterminer, et est-il possible de se déterminer ? C'est des nouvelles de l'autre monde qu'il faut m'apprendre, et me dire si nous sommes destinés à y jouer un rôle (2). » « Tous les philosophes sont ou dispersés ou ennemis les uns des autres, disait Voltaire à d'Alembert. Quels chiens de philosophes! ils ne valent pas mieux que nos flottes, nos armées et nos généraux. Je finirai ma vie en me moquant d'eux tous (3). Et, en effet, il se moquait

(1) Lettres, tom. I, page 144.

(2) Ibid., pag. 315.

(3) OEuvres de Voltaire, tom. LVIII, pag. 205.

d'eux; il se permettait même quelque chose de plus, mais au fond on le lui rendait bien.

Dans l'opinion de Voltaire, J.-J. Rousseau est un misérable. « Sa conduite fait honte à la philosophie. Ce petit monstre n'écrivit contre vous et contre les spectacles, que pour plaire aux prédicants de Genève; et voilà ces prédicants qui obtiennent qu'on brûle son livre, et qu'on décrète l'auteur de prise de corps. Vous m'avouerez que le magot s'est conduit comme un fou (1). >> «Vous avez vu, sans doute, la belle lettre que Jean-Jacques a écrite à son pasteur, pour être reçu à la sainte table je l'ai envoyée à frère Damilaville. Vous voyez bien que le pauvre homme est fou (2). » D'Alembert écrivait à Voltaire, au sujet de Rousseau; Je plains le malheur que sa bile et ses persécuteurs lui causent; mais s'il a besoin, pour être heureux, d'approcher de la sainte table, et d'appeler sainte, comme il le fait, une religion qu'il a vilipendée, j'avoue que je rabats beaucoup de l'intérêt. Au reste, je ne suis surpris ni que vous lui ayez offert un asile, ni qu'il l'ait refusé; il eût été trop inconséquent d'aller demeurer chez le corrupteur de son pays, car c'est ainsi que vous m'avez mandé qu'il vous a appelé (3). » -a « C'est

(1) OEuvres de d'Alembert, tom. XV, pag. 205 (12 juillet 1762). (2) Ibid., pag. 218 (15 sept. 1762).

(3) Ibid., pag. 221 (25 sept. 1762).

un étrange original, disait à son tour Voltaire, et il est triste qu'il y ait de pareils fous parmi les hommes (1). »

« Il faut avouer que, de tout ce qu'il dit à Christophe de Beaumont pour et contre l'Evangile, il serait difficile d'en conclure ce qu'il en pense réellement. Je ne dirai pas qu'il est de mauvaise foi, comme beaucoup de gens le prétendent, dans les éloges qu'il donne à la religion; je crois bien que dans le temps qu'il n'était pas brouillé avec les philosophes, l'Evangile lui aurait paru moins divin qu'il ne le trouve aujourd'hui, et même tant soit peu absurde; mais il est mécontent de ses amis, il a contre eux de l'humeur, il ne veut être que le moins qu'il est possible en communauté d'opinions avec eux; son ame commande à son esprit, et son esprit croit de bonne foi tout ce que lui dicte sa position actuelle. Ce qui est certain, c'est que, après tout ce qu'il a dit, dans son Emile et dans ses lettres, sur l'absurdité de la révélation, sur celle du péché originel sur la sottise des miracles et de ceux qui y croient, il me semble que l'Evangile lui paraît un livre divin à très-bon marché (2). »

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« C'est dommage pour la philosophie que Jean-Jacques

(1) D'Alembert, tom. XV, pag. 244.

(2) Damilaville à d'Alembert.- Euvres de ce dernier, tom. V, pag. 403.

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