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changer une ville en plaine, un lieu agréable et commode, contre le haut et incommode rocher de SanBonifacio, où ils arrivèrent au mois d'août 1767 (1). Ils y passèrent par des souffrances indicibles (2).

Paoli écrivait, le 5 juillet 1767 : « On dit qu'il est arrivé à Bastia, le 1er du mois, par un courrier extraordinaire du cabinet de Versailles, l'ordre au comte de Marbeuf de faire évacuer par les troupes françaises Ajaccio, Calvi et Algajola, aussitôt que les Jésuites espagnols y seront débarqués. Je soupçonne que ce n'est qu'une menace pour faire renoncer la république de Gênes à l'opiniâtre dessein qu'elle montre de vouloir laisser dans les places où sont les troupes françaises, et non point dans ses Rivières ou bien à Bonifacio, les bons Pères de la Compagnie de Jésus chassés de la inonarchie d'Espagne. A cause de cet on dit, nos places fortes sont dans l'agitation, et si les faits répondent aux paroles, la patrie n'aura pas lieu de se repentir de les avoir reconnus pour fils, ni de les avoir admis à jouir des droits de la liberté, dans l'avant - dernière Consulta (3). »

(1) Monçon, Vila del P. Pignatelli, pag. 51-52.

(2) Ibid., pag. 53.

(3) Journal of a Tour to Corsica, in the year 1766. By the R. A. Burnaby, at that time Chaplain to the british Factory at Leghorn; with a series of original Letters from general Paoli to the Author. London, 804, in-1o, pag. 41.

Ces quelques lignes de Paoli inspirèrent à son correspondant et éditeur une note aussi honorable pour celui qui l'a écrite, que pour ceux qui en ont été l'objet. Quelle noble et touchante compassion que celle d'un anglais, d'un protestant, d'un ministre de la Réforme, qui s'attendrit sur les infortunes des fils exilés de saint Ignace, et va jusqu'à prendre leur défense contre l'iniquité des Cours catholiques! Le volume de Burnaby a été imprimé à un si petit nombre d'exemplaires, que c'est, en quelque sorte, un ouvrage inédit (1), et nous sommes le premier à payer ce juste tribut d'éloges à la mémoire du bon Chapelain.

« Jamais aucun gouvernement, dit-il, ne fit ou ne sanctionna d'acte plus cruel ou plus injuste, que l'expulsion des Jésuites du royaume d'Espagne. Ces infortunés, quelque reproche que l'on pût adresser à leur Ordre, au point de vue politique, ou bien à quelques individus, au sujet de transactions commerciales, étaient, en général, parfaitement irréprochables et innocents. Ils étaient entrés dans un Institut autorisé par leur gouvernement, aimé du Pontife de Rome, et protégé par la plupart des Etats catholiques d'Europe. Cependant, sans qu'ils eussent commis aucun crime, ou qu'on leur

(1) Il nous a été communiqué par M. Gregorj, Conseiller à la Cour royale de Lyon.

en reprochât un seul, ces malheureux furent tous pris au même moment, séparés de leurs amis, et jetés dans des pays déserts et inhospitaliers, où ils se virent exposés à périr dans une indicible misère, par la famine et la maladie. Quelques centaines d'entre eux furent débarqués aux plaines malsaines de la Corse, et dans ce nombre, il y en avait plusieurs qui, disait-on, descendaient des plus nobles familles d'Espagne. On leur offrit la permission de retourner dans leurs familles, s'ils voulaient renoncer à leur Ordre; mais ils répondirent, avec un dédain plein de dignité, que leurs frères n'étaient pas moins innocents qu'eux-mêmes ; qu'ils ne devaient pas les abandonner, et que, avec la résignation due à la volonté du ciel, ils partageraient leur sort et leurs malheurs.

En vertu de la même politique machiavélique, sous l'influence ou l'autorité de Sa Majesté Catholique, plusieurs des infortunées victimes de cet Ordre persécuté furent jetées à bord de felouques, au royaume de Naples et dans d'autres parties de l'Italie. Quelques-uns d'entre eux furent surpris par une épouvantable tempête, sur les côtes de Toscane, et forcés, pour éviter un naufrage imminent, de se réfugier dans le port de Livourne. Là, ils adressèrent au gouverneur, le marquis Bourbon del Monte, la plus touchante requête, le suppliant de permettre qu'ils descendissent à terre, tant

que le mauvais temps continuerait, et qu'ils pussent recevoir le secours et l'assistance que requérait leur situation, car ils étaient mourants de malaise et de détresse. Le gouverneur, quoiqu'il fût porté à écouter leur requête, et qu'il désirât le faire, ne le put cependant point, car il avait reçu de sa Cour l'ordre formel de ne pas souffrir qu'aucun des Jésuites expulsés abordât en Toscane. Comme dernière espérance et comme unique ressource qui leur restât, ils invoquèrent donc l'éditeur de ces Lettres qui, étant alors Chapelain à la factorerie britannique de Livourne, remplissait les fonctions de vice-consul, en l'absence du consul, retourné en Angleterre. L'éditeur de ces Lettres se mit en devoir d'intercéder pour eux, et se rendant chez le gouverneur, lui représentant quelle était leur profonde détresse, combien peu ensuite ce devait être l'intention de son gouvernement de fermer à des personnes échappées du naufrage les portes de la ville, au mépris de toutes les lois de religion et d'humanité, comme de toute civilisation, il eut assez d'empire sur le gouverneur pour obtenir que les proscrits missent pied à terre, qu'ils se rendissent à un hôtel anglais, où ils purent rester jusqu'à la cessation de la tempête, mais sans faire ni recevoir de visites, et ce fut l'intercesseur qui se rendit caution pour eux. Ils restèrent là environ trois jours, pendant lesquels ils se compor

tèrent de la façon la plus inoffensive, et, lorsque la mer fut devenue plus calme, ils se rembarquèrent, laissant après eux des milliers de bénédictions, des assurances réitérées de l'ineffaçable souvenir que leur gratitude garderait à l'humanité anglaise. »

D'Alembert, qui écrivait à Voltaire sur ces perpétuels ballottements de proscrits, ne fermait son cœur à la compassion qu'en supposant dans l'ame des exilés toute absence de sentiments généreux. « Que ditesvous de ces pauvres diables-là, qui courent la mer sans pouvoir trouver d'asile? On serait presque tenté d'en avoir pitié, si on n'était pas bien sûr qu'en pareil cas ils n'auraient pitié ni d'un Janséniste, ni d'un philosophe (1)..

Au milieu de leur indigence, on vit les pauvres bannis reprendre sur-le-champ leurs travaux, et chercher à se rendre utiles.

A Ajaccio, ils avaient été logés au séminaire épiscopal, qui était abandonné, et où le savant Mourin ouvrit aussitôt une école dans laquelle on donnait des cours de philosophie, de physique et de mathématiques. C'est par de tels travaux que des proscrits s'arrachaient aux douleurs de l'exil. Le P. Idiaquez, qui avait trouvé à Calvi un asile avec les Jésuites de Cas

(1) OEuvres de d'Alembert, tom. XVI, pag. 23 (14 juillet 1767.)

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