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bien maître chez lui de faire telle réforme qu'il jugerait à propos, sans que des hérétiques s'en mêlassent (1). »

Et toutefois, n'écoutant que ses inspirations person

nelles, il oubliait les clameurs des philosophes, les vives et assidues sollicitations de d'Alembert, pour adresser à son agent à Rome une dépêche très-explicite.

< Postdam, le 13 septembre 1773.

ABBÉ COLOMBINI,

» Vous direz à qui voudra l'entendre, pourtant sans air d'ostentation ni d'affectation, et même vous chercherez l'occasion de le dire au Pape, ou à son premier ministre, que, touchant l'affaire des Jésuites, ma résolution est prise de les conserver dans mes Etats, tels qu'ils ont été jusqu'ici. J'ai garanti au traité de Breslau in statu quo la religion catholique, et je n'ai jamais trouvé de meilleurs prêtres à tous égards. Vous ajouterez que, puisque j'appartiens à la classe des hérétiques, le Saint-Père ne peut pas me dispenser de tenir ma parole, ni du devoir d'un honnête homme et d'un

(1) Voltaire, tom. LXVIII, pag. 104.

roi. Sur ce, abbé Colombini, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

• Frédéric (1). »

Frédéric n'ayant pas permis de publier en Silésie le Bref qui portait suppression des Jésuites, annonçait par là même qu'il voulait les conserver dans toutes leurs fonctions et libertés, dans tous leurs droits et priviléges. Il traita conformément à cette première résolution ceux de ses Etats héréditaires où il y avait des Religieux de la Compagnie, et, en vertu d'une Ordonnance qu'il avait rendue à ce sujet, on expédia de Clèves, tant pour le duché de ce nom, que pour le comté de la Marck, une lettre circulaire, adressée à tous les chefs de justice, aux chapitres et officiaux de ces lieux, pour leur expliquer la conduite qu'ils auraient à tenir.

• Instruits, comme vous l'êtes déjà, disait le Roi, que vous ne devez laisser circuler dans nos Etats aucune Bulle, aucun Bref du Pape, sans en avoir próalablement obtenu notre agrément, nous avions lieu de

(1) Correspondance inédite entre Grimm et Diderot; Paris, 1829 in-80, page. 360.—M. Crétineau, tom. V, pag. 465, donne cette dépêche comme inédite. Elle a été souvent imprimée et se trouve dans le Journal historique et littéraire,

croire que vous ne contreviendriez pas à cette défense générale, surtout au cas que l'on vînt à faire passer dans l'étendue de nos juridictions le Bref du Pape portant extinction de l'Institut des Jésuites. Cependant, nous avons jugé qu'il était nécessaire de vous en rappeler le souvenir, et comme, pour de graves raisons, nous avons résolu à Berlin, le 6 de ce mois (septembre), de ne permettre dans aucun de nos Etats la publication du Bref dernièrement expédié de la Cour de Rome, et relatif à cette suppression, nous vous faisons savoir en conséquence notre gracieux Ordre sur ce point sus-mentionné, dans l'intention que vous observiez dans vos tribunaux et départements ce qui est de votre devoir, et que, à la réception de la présente, vous ayez, en notre haut et puissant trône, à refuser expressément à tous prêtres catholiques romains, répandus dans vos susdits départements, la permission de publier ledit Bref du Pape, portant suppression des Jésuites, sous peine d'une sévère punition pour chacun d'eux qui contreviendrait à notre présente Ordonnance. Vous veillerez exactement à son exécution, et nous vous donnons le soin de nous avertir, en cas que quelque supérieur ecclésiastique du dehors voulût introduire ce Bref dans nos Etats. Partant, Dieu vous ait en sa sainte et digne garde, et comptez sur notre affection.

Fait à Clèves, au Conseil de notre Régence, le 16 septembre 1773.

» De par S. M. le roi de Prusse,

» A. baron DE DANKELMANN. »

Cet ordre, intimé dans tous les Etats de S. M. prussienne, pouvait embarrasser les Jésuites, qui étaient forcés de manquer au roi, leur légitime souverain, ou bien au Pape, chef de l'Eglise universelle, et peut-être à tous deux, s'ils demandaient quelque modification. Quoique cette situation semblât critique pour les pères, on en vit quelques-uns, la plupart Silésiens, qui, se trouvant fixés dans d'autres provinces de l'Allemagne, revinrent dans leur patrie, pour y vivre sous la protection de S. M. Ils espéraient conséquemment trouver un asile parmi leurs confrères domiciliés dans la Silésie prussienne, où ils avaient de très-beaux colléges, spécialement à Breslau, à Brieg, à Schweidnitz, dont ils dirigeaient l'Eglise paroissiale et le séminaire, outre Jeur collége; à Hirschberg, à Lignitz où ils avaient collége et collégiale; à Glogau, Neiss, Sagan et Oppeln. Ces colléges, non plus que quelques autres maisons, n'étaient pas suchargés de sujets, n'ayant admis que peu de novices depuis l'an 1760.

Ce qu'il y eut en même temps de gracieux pour les

Jésuites de la Silésie, c'est que le roi de Prusse, pendant son séjour à Breslau, ayant reçu le Bref de suppression, daigna mander le Père Zeplichal, recteur du collége de cette ville, et lui déclara que ce Bref ne devait pas alarmer les Jésuites domiciliés dans ses Etats, aussi long-temps qu'ils se conduiraient avec la même décence et tranquillité; qu'il les prenait sous sa pro-, tection royale, et qu'ils pouvaient en conséquence se choisir entre eux un Supérieur général pour lui représenter ce qu'ils croiraient être utile à leur Société. Cette, généreuse conduite de S. M. prussienne tint comme en échec quelques Etats voisins des siens (1). Un des mo tifs qui avaient porté le roi à témoigner de la bienveillance au P. Zeplichal, c'était que ce Religieux avait en minéralogie des connaissances étendues. Frédéric l'envoya même, vers 1774, faire des recherches dans le comté de Glatz, sur les métaux qu'il pourrait y avoir (2).

D'Alembert ne se décourageait pas, et, comme le fait observer l'historien de la Chute des Jésuites, il en appelait au ciel, à la terre, à la philosophie, à la foi des serments, aux soupçons de la politique (3); il souhaitait que le roi ou ses successeurs ne vinssent ja

(1) Journal historique et littéraire, nov. 1773, tom. CXXXVIII, pag. 362.

(2) Journal historique et littéraire, avril 1774, pag. 295. (3) Saint-Priest, pag. 257.

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