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férence, ce qui est la bonne manière de l'être (1), suivant le même écrivain; mais, en dépit de tout ce qu'on avait droit d'attendre de lui, il voulut garder les Jésuites, et causa ainsi une cuisante peine à leurs ennemis. Alors on s'efforça de le ramener vers de meilleures idées, et c'était là-dessus que, pour associer à ses tentatives le patriarche de Ferney, d'Alembert lui écrivait, le 26 décembre 1763 :

« Savez-vous à quoi je travaille actuellement? à faire chasser de la Silésie la canaille jésuitique, dont votre ancien disciple n'a que trop d'envie de se débarrasser, attendu les trahisons et les perfidies qu'il m'a dit luimême en avoir éprouvées durant la dernière guerre. Je n'écris point de lettres à Berlin où je ne dise que les philosophes de France sont étonnés que le roi des philosophes, le protecteur déclaré de la philosophie, tarde si long-temps à imiter les rois de France et de Portugal. Ces lettres sont lues au roi qui est très-sensible, comme vous le savez, à ce que les vrais croyants pensent de lui; et cette semence produira sans doute un bon effet, moyennant la grâce de Dieu qui, comme dit très-bien l'Ecriture, tourne le cœur des rois comme un robinet (2). »

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(1) OEuvres de d'Alembert, tom. XV, pag. 189. (2) Ibid., pag. 273. date de cette lettre,

M. de Saint-Priest, tout en donnant la en subordonne la teneur aux calculs et aux

Frédéric, sans cesser d'être ce qu'il avait été jusque là, un prince sans nulle croyance, comprenait cependant où aboutirait la ligue philosophique, et s'arrêta. L'historien de la Chute des Jésuites émet sur les causes probables de la conduite de Frédéric une pensée à laquelle, ce nous semble, il est difficile de ne pas se rendre. Tant que les écrivains irréligieux qui s'étaient armés contre Dieu et contre les premiers principes de la loi naturelle, se bornèrent à nier l'immortalité de l'ame, à se moquer du paradis et de l'enfer, à railler comme de stupides préjugés les vertus enseignées par le christianisme, tout alla bien; mais quand on eut assez amoncelé de ruines de ce côté-là, et qu'on en vint naturellement, par la simple force des choses, à déduire les conséquences des principes long-temps posés, à se jeter enfin dans les questions politiques pour y apporter le même esprit frondeur et sceptique, alors, un roi sur son trône put s'effrayer. L'école philosophique avait donné son fruit le plus amer, cet ignoble Système de la Nature sorti des salons du baron d'Holbach, et dans lequel on dépassait toutes les bornes. Frédéric, lui qui

sollicitations d'une lettre qui ne fut écrite qu'en 1774. Voir l'Histoire de la Chute des Jésuites, pag. 259. Il met sous la date du 11 juin 1776 une lettre du 4 janvier 1778, ne cite pas le texte très-exactement, et la rattache à l'affaire des Jésuites, bien que cette lettre ne s'y rapporte pas le moins du monde. Voir pag. 261.

avait dit, en résumant avec énergie ses entretiens familiers Si j'avais une province à chatier, je la livrerais à des philosophes (1), n'était pas tenté de livrer son royaume à des gouvernants de cette espèce, et ce fut pour préserver les générations nouvelles de l'atteinte des doctrines anarchiques et antisociales qu'il laissa aux Jésuites l'éducation de la jeunesse.

M. de Saint-Priest, qui semble prendre à tâche de ruiner par l'exposé même des faits les conclusions qu'il en déduit contre la Compagnie de Jésus, n'interprète pas autrement la conduite du roi de Prusse dans cette grave circonstance. C'est un bel éloge des Jésuites et une condamnation des principes de leurs adversaires.

M. de Saint-Priest signale un autre motif de la conduite de Frédéric II, l'intérêt qu'il prenait à l'éducation des jeunes catholiques de Silésie, le désir de gaguer les cœurs dans cette province nouvellement conquise, l'habileté des Jésuites à seconder les pouvoirs qui se déclaraient pour eux; enfin, le besoin de ménager leur influence en Pologne (2). » Voici d'abord qui repousse les trahisons et les perfidies dont parlait tout-à-l'heure d'Alembert, et représente les Jésuites comme d'habiles soutiens des Etats qui les protégent.

(1) Saint-Priest, pag. 276.

(2) Ibid., page 256.

Mais n'y ayant pas d'Etat au monde qui ne veuille et ne cherche son plus grand bien, on est à se demander, après avoir entendu l'historien de la Chute des Jésuites, comment tous les pouvoirs ne se ménageraient pas les secours qu'ils pourraient si justement espérer de cette Société (1)!

D'Alembert, cependant, pressait Frédéric au nom des intérêts les plus chers, et faisait briller à ses yeux la réalisation des projets formés par les encyclopédistes, c'est-à-dire, la ruine imminente et totale de la religion de Jésus-Christ.

« Voilà donc les Jésuites chassés de Naples; on dit qu'ils vont l'être bientôt de Parme, et qu'ainsi tous les Etats de la maison de Bourbon feront maison nette; il me semble que Votre Majesté a pris à l'égard de cette engeance dangereuse le parti le plus sage et le plus. juste, celui de ne point lui faire de mal, et d'empêcher

(1) M. de Saint-Priest observe que, «sans vouloir s'armer du passé. contre l'avenir, ce grand roi, ce grand monarque crut devoir opposer une digue au torrent trop débordé, et que ce fut moins encore dans l'intérêt de sa conquête de Silésie que dans une vue de politique générale qu'il essaya de neutraliser les Encyclopédistes, en soutenant de sa main puissante les restes de la Société de Jésus, pag, 286.» Voilàdonc ceux que Frédéric jugeait capables de mettre un frein aux principes révolutionnaires semés en Europe par les philosophes. D'autres, et M. de Saint-Priest lui-même, ont représenté les Jésuites comme dangereux pour les rois et les Etats, et on nous. montre cependant un héros, un grand homme qui essaie de guérir par eux le mal politique arrivé à son comble!

qu'elle n'en fasse; mais ce parti n'est pas fait pour tout le monde; il est plus aisé d'opprimer que de contenir, d'exercer un acte de violence qu'un acte de justice. Cependant, la cour de Rome perd insensiblemeut ses meilleures troupes, et *** (1) ses enfants perdus; il me semble qu'elle replie ses quartiers insensiblement, et qu'elle finira par suivre son armée, et par s'en aller comme elle (2). » « On assure que le Pape cordelier se fait beaucoup tirer la manche pour abolir les Jésuites; je n'en suis pas étonné: proposer à un Pape de détruire cette brave milice, c'est comme si on pro→ posait à Votre Majesté de licencier son régiment des gardes (3). »

Frédéric restant insensible à de telles séductions, mais ne voulant pas trop désoler d'Alembert, lui écri vait le 4 décembre 1772 : « J'ai reçu un ambassadeur du Général des Ignaciens, qui me presse de me déclarer ouvertement le protecteur de cet Ordre. Je lui ai répondu que, lorsque Louis XV avait jugé à propos de supprimer le régiment de Fitz-James, je n'avais pas cru devoir intercéder pour ce corps; et que le Pape était

(1) Ces trois *** veulent dire l'infâme. Voir la page 371 du tome XVII de d'Alembert.

(2) D'Alembert au roi de Prusse (14 déc. 1767). OEuvres de d'Alembert, tom. XVII, pag. 75.

(3) D'Alembert au roi de Prusse (7 août 1769). OEuvres de d'Alembert, tom. XVII, pag. 128.

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