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ni d'interpréter les volontés du souverain (1). Le prince déclarait que, dans la mesure qu'il prenait, il cédait uniquement aux mouvements de sa clémence royale (2). Il défendait que les Jésuites fussent jamais reçus dans ses Etats; quiconque aurait le dessein de les ramener, serait puni comme perturbateur du repos public. Lès Jésuites devaient recevoir une pension fixée à 100 piastres pour les prêtres, et à 90 pour les frères; mais ils perdraient cette pension, s'ils sortaient des Etats du Pape, ou bien s'ils donnaient quelque sujet de mécontentement, soit par leurs discours, soit par leurs écrits. Il était même dit que tous les Jésuites perdraient à la fois leur pension, si un des membres de la Compagnie publiait, sous prétexte d'apologie, le moindre écrit qui serait contraire au respect dû à la volonté du roi. Tous ceux qui entretiendraient correspondance avec les Jésuites, ce qui était généralement et absolument défendu, devaient être punis suivant la gravité du délit. Un Jésuite, même sécularisé, ne pouvait rentrer dans le royaume sans une permission spéciale, et il ne devait l'obtenir qu'en promettant de n'avoir aucune communication avec les membres de la Société ; même dans

(1) Art XVI. Il est bon de noter, en passant, cette maxime de sauvage tyrannie chez des ministres, à qui pourtant les démocrates n'épargnent pas les éloges.

(2) Art. II.-L'absurdité continue d'être mêlée à la cruauté.

ce cas, il ne pourrait exercer aucune fonction du ministère ecclésiastique. Les novices qui voudraient suivre les profès, n'auraient aucune pension.

Tel était cet édit émané de la clémence royale ! L'exécution y répondit.

Au jour fixé, à l'heure désignée, la foudre éclata en même temps sur tous les points de l'Espagne. L'heure suprême fut devancée pour Madrid et les environs de la capitale. Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 1767, les troupes cernèrent les six maisons des Jésuites de cette ville. Au coup de minuit, elles y entrèrent avec les officiers de justice, dont l'un devait rester auprès du supérieur, et ne pas le perdre de vue. On éveilla la communauté, on plaça des sentinelles à toutes les issues. Dès que les Religieux furent réunis, on leur notifia les ordres du roi, en leur défendant absolument toute communication avec les personnes du dehors. Joachim Navarro était recteur du collége impérial. Comme on lui demanda s'il se soumettait aux ordres du roi Nous sommes prêts, répondit-il, à souffrir non-seulement l'exil, mais ce qu'il y de plus dur, pour prouver notre respect et notre soumission au roi. • J.es gardes furent frappés de son noble courage. Partout la résignation des victimes fut la même; nulle part il n'y eut l'ombre d'une tentative de résistance. On eut d'ailleurs l'extrême générosité de laisser aux Jésuites

les vêtements à leur usage et leurs livres de prières ; mais tous leurs autres livres et papiers furent saisis. Des voitures étaient préparées d'avance; on y fit monter tous les Religieux, et on leur fit prendre la route de Carthagène, sous une forte escorte. Personne, avant six heures du matin, n'était instruit de l'expulsion des Jésuites, et à cette heure-là il n'y en avait déjà plus dans la capitale, tant le comte d'Aranda était expéditif.

Telle fut la marche suivie par ce ministre; il la,regardait comme le chef-d'œuvre d'une politique profondément combinée, et aimait encore à en parler longtemps après l'évènement. Ce secret ne fut pas confié au duc de Choiseul, dont on craignait la légèreté, l'indiscrétion et les épanchements d'amour-propre, surtout auprès des femmes attachées à son char (1).

La même mesure fut répétée dans toute la Péninsule, et les Jésuites, arrêtés tous la nuit, se virent jetés dans des voitures et dirigés vers le port le plus voisin. L'âge, la réputation, les services, rien ne pesa dans la balance. Il y avait parmi ces proscrits Pierre de Calatayud, missionnaire connu par ses travaux dans toute l'Espagne, homme apostolique, auteur de beaucoup de livres de piété, et alors âgé de 78 ans (2);

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François-Xavier

(1) Georgel, Mémoires pour servir à l'histoire des évènements

de la fin du XVIIIe siècle, tom. I, pag. 104.

(2) Le P. Caballero, Biblioth. Scrip. Soc. Jesu Supplem. Romæ,

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Idiaquez, fils aîné du duc de Grenade, savant et ami des lettres (1); Joseph Pignatelli, des comtes de Fuentes (2); - Antoine Mourin, personnage consommé en science, en sagesse, en piété, et qui avait joui de toute Gabriel la confiance du feu roi Ferdinand VI (3); Bousemart, vieillard de 80 ans; - des professeurs habiles, des théologiens, des orateurs, des directeurs éclairés; tous subirent la loi commune.

Un d'entre eux, Matthieu Aimerich, du diocèse de Grenade, charmait nos ennuis par de pieux entretiens, dit un autre de ces proscrits, et nous exhortait à prier pour le roi, ce que nous fimes souvent el de grand cœur (4). On avait soigneusement séparé les novices d'avec les profès, afin de les préserver de la séduction, disaient leurs proscripteurs. Mais il y en eut qui aimèrent mieux suivre des exilés que d'abandonner un corps dans lequel ils avaient remarqué les plus hautes vertus. Un jeune

(1) Caballero, pag. 159. Il mourut dans l'exil à Bologne, en 1790. (2) Ibid., pag. 224.

(3) Ibid., pag. 194.

(4) Hominum posteritati testatum summopere cupio me Matthæo nostro solatium maximum debuisse luctuosissima illa nocte diei 31 martii, anni 1767, dum in idem carpentum invecti simul cum Xaverio Ablitas et Gabriele Bousemart, qui octogesimum vitæ annum compleverat, in Carthaginem iter arripimus. Matthæus noster plurimis sanctissimisque verbis mœroris atrocitatem minuere satagebat, et pro incolumitate et felicitate Regis orandum nobis vehementer suadebat; quod omnes sæpe ex animo fecimus. Le P. Caballero, Bibliotheca Script. Soc. Jesu, pag. 77.

homme de seize ans, Gonsalve-Hinojosa Adorno, d'une famille noble de Xerez de la Frontera, résista à toutes les instances, et voulut s'embarquer avec les Pères (1). Joseph de Silva, âgé de dix-sept ans, se cacha, et monta secrètement à Cadix sur le bâtiment qui portait ses maitres (2). Un jeune protestant suédois, Laurent-Ignace Thiulen, converti par le savant Iturriaga, renonça, pour le suivre, à sa fortune et à son pays, et s'embarqua en secret pour l'Italie, où il prit les ordres sacrés (3). De pareils traits d'estime et de dévouement répondaient assez aux accusations de la haine.

Il existait en Espagne cent dix-huit maisons de Jésuites, sans parler de celles de l'Amérique et des Indes. Celles-ci ne furent point épargnées, et les Jésuites y eurent à subir, quoique plus tard, le même traitement. Ces missions si célèbres et si florissantes furent renversées; le Paraguay, la Californie virent disparaître ces Réductions, dans lesquelles une civilisation fondée sur la religion avait répandu ses bienfaits. On enleva aux Indiens leurs pasteurs, leurs chefs, leurs amis, leurs pères, sans que ceux-ci usassent de leur influence pour se soustraire à des traitements iniques. Des missionnaires qui avaient vieilli dans les travaux apostoliques,

(1) Caballero, pag. 76.

(2) Ibid., pag. 260.

(3) Ibid., pag. 268,—Ami de la Religion, tom. XXXIII, pag. 183.

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