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D'Alembert persistait, et son royal correspondant

écrivait :

• Vous voulez donc que le Pape ait été empoisonné. Je sais de science certaine que toutes les lettres d'Italie qui arrivent chez nous se récrient contre le poison, et ne trouvent rien d'extraordinaire dans la mort de Ganganelli, à moins que ces Italiens n'aient double poids et double mesure, en écrivant en France ce qui peut y plaire, et ici ce qui nous convient le mieux (1). ■

L'historien de la Chute des Jésuites s'est efforcé d'établir que Clément XIV mourut empoisonné, et d'insinuer que ce fut de la main de ceux qu'il proscrivait. L'ingénieux écrivain s'aventure hardiment dans des assertions qui se démentent les unes les autres. Ainsi, Clément XIV qu'il nous montre obsédé par un entourage perfide (2) et jésuitique, il l'avait représenté un moment auparavant comme ne souffrant auprès de lui que le Frère Francesco et le P. Buontempi, deux Religieux qui appartenaient, ainsi que Ganganelli, à un Ordre rival des Jésuites.

Nous avons vu Ganganelli demandant la vie à l'in

lembert, tom. XVII, pag. 418.-L'auteur de la vie de Ricci, que nous avons déjà cité, ne dit pas un mot du poison, à propos de la mort de Clément XIV, pag. 65.

(1) Frédéric à d'Alembert (6 janvier 1775), tom. XVIII, pag. 8 des OEuvres de celui-ci.

(2) Saint-Priest, pag. 126.

flexible ministre des rancunes de Charles III; nous l'avons entendu s'écriant, sur la signature du Bref d'extinction des Jésuites, que cette suppression lui donnerait la mort. Peut-être que, dans les premiers moments, il se laissa étourdir par les louanges des philosophes, la restitution d'Avignon et de Bénévent, les félicitations empressées de la diplomatie. Mais une fois les jours d'ivresse écoulés, quand de toutes parts furent arrivées les lettres dans lesquelles l'épiscopat témoignait son douloureux étonnement, quand la maladie invita le malheureux pontife à faire un retour sur lui-même, alors quelles affreuses tortures morales!

<< Des fantômes le poursuivaient dans son sommeil ; au milieu de la nuit, il s'arrachait à des songes monstrueux, il se prosternait aux pieds d'une petite image de Madone qu'il avait détachée de son Bréviaire, et devant laquelle, depuis quarante ans, deux cierges brûlaient jour et nuit. Là, dans l'horrible croyance de sa damnation éternelle, il s'écriait avec des sanglots: Grâce, grâce! on m'a fait violence. Compulsus feci, compulsus feci (1)! »

En fallait il davantage pour tuer un vieillard de soixante-neuf ans? Aussi voyons-nous un de ses successeurs, Pie VII, attribuer la mort et les vertigineuses

(1) Saint-Priest, pag. 165.

épouvantes de Clément XIV, non pas au poison, mais au remords de s'être laissé arracher une fatale signature. Pie VII, inquiet sur un traité regrettable pour les intérêts de la religion, sur une signature qui lui avait été arrachée aussi, tomba dans une profonde mélancolie. Prisonnier à Fontainebleau, en 1814, il disait au cardinal Pacca, dans l'épanchement de sa douleur, « qu'il ne pouvait chasser de son esprit cette pensée cruelle, qu'il passait les nuits sans dormir, qu'il prenait à peine la nourriture suffisante pour vivre, et, ce sont ses propres paroles, - qu'il craignait de mourir fou comme Clément XIV (1). »

Les bruits d'empoisonnement qui purent courir dans Rome, à la mort de Ganganelli, doivent tomber devant le rapport officiel des gens de l'art chargés de faire l'autopsie du cadavre. Le docteur Salicetti, médecin du palais apostolique, ne voyait que des causes naturelles et ordinaires dans ce qui avait amené la rapide décomposition du corps de Clément XIV, et, de concert avec

(1) Il Papa proruppe in proposizioni di eccessivo dolore, conchiudendo che non poteva scacciar quel tormentoso pensiero, per cui non prendeva riposo la notte, e gustava appena tanto di cibo quanto bastava per tenerlo in vita, onde (sono sue parole) sarebbe morto pazzo come Clemente XIV. Memorie storiche del ministero del cardinale Bartolommeo Pacca; Roma, 1839, pag. 238. Voir dans M. Paul Lamache, pag. 202, quel usage M. de Saint-Priest a fait de ce passage.

Adinolfi, médecin ordinaire de Sa Sainteté, rédigea un rapport en ce même sens (1). Peu importent donc le visage livide, les lèvres noires, l'abdomen enflé, et tous les détails d'amphithéâtre reproduits par l'historien de la Chute des Jésuites (2). Les médecins que nous venons de citer observèrent ces phénomènes sur le cadavre même, et ils les attribuaient à des causes purement naturelles, Faut-il que l'histoire se rende complice de l'aveugle empressement que la foule apporte à expliquer par des causes anormales la mort des princes? Et parce que la Société de Jésus fut victime d'un Bref de Clément XIV, doit-elle aussi l'être des suspicions que l'amour de l'extraordinaire fit naître dans le puhlic ? La rapide extinction des héritiers de Louis XIV fit peser d'injustes soupçons sur la tête du Régent, lorsque le vertueux Dauphin, fils de Louis XV, fut enlevé prématurément aux espérances que la religion fondait sur

(1) M. Paul Lamache l'a mis dans sa Réponse à M. de SaintPriest, pag. 260-266.-De plus, le P. Louis-Marie Marzoni, Général des Conventuels et confesseur de Clément XIV, publia dans lą Gazette de Florence, le 9 septembre 1775, une protestation par laquelle il déclarait que jamais le Pape ne lui avait dit qu'on eût cherché à l'empoisonner. Voir Cancellieri, Storia de' Possessi de' Pontefici, pag. 409 et 415.-Novaes, tom. XV, pag. 211.

(2) Saint-Priest, pag. 166. Le même écrivain (page 167) nous parle de l'acqua tofana del Peruggia, comme s'il s'agissait de quelque inventeur de l'acquetla, et non pas de la ville de Pérouse, d'où elle venait, disait-on.

lui, la joie manifestée par les philosophes donna lieu à de sinistres commentaires sur l'opportunité de cette mort pour les ennemis de la monarchie et de la foi. Certes, on s'indignerait contre l'écrivain qui essaierait de donner à ces vagues rumeurs la consistance d'une preuve, ou seulement de la transformer en grave présomption. Est-ce trop de réclamer pour des Religieux, pour des Prêtres, la même réserve que l'équité prescrit à l'égard des encyclopédistes et de l'élève de Dubois (1)? D'ailleurs, les plumes calomnieuses qui cherchent à impliquer l'Ordre des Jésuites dans une accusation d'empoisonnement, devraient bien nous expliquer l'énigme de cette habileté si vantée, qui se borne aux représailles d'une stérile vengeance, tandis qu'il lui était mille fois plus aisé de prévenir une catastrophe, en précipitant le crime.

Après avoir cherché à faire peser sur les Jésuites cette grave incrimination, l'historien de leur suppression au XVIe siècle les a accusés d'avoir outragé la mémoire de Clément XIV, d'avoir bafoué, traîné dans la boue un Pape vertueux (2). A une affirmation sans preuve

(1) Lamache, Réponse, etc., pag. 195.

(2) Saint-Priest, pag. 176.-Rien de si honteux que ces assertions à l'appui desquelles on se garde bien de présenter des noms et des faits. Nous avons sous les yeux une Histoire des Papes, écrite en italien par le P. Joseph Novaes, patricien portugais, l'un des Jésuites qui furent victimes du Bref de Clément XIV. Le pontificat de ce Pape

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