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de l'Université a un peu ce défaut; il est trop peu vivifié par l'idée, qui doit être le but et la fin de tout travail. Les professeurs savent beaucoup, mais à la façon des tables de matières. Or, un pareil savoir est difficile à communiquer, parce qu'il ne se résume en rien, et qu'on ne peut pas en présenter la formule. Aussi n'est-ce pas le professeur le plus instruit qui fait les meilleurs élèves : c'est celui qui met le plus de résultats généraux dans l'intelligence de ceux qui l'écoutent; car il ne suffit pas au semeur qui veut féconder son champ de le traverser, la main pleine de froment: il faut encore qu'il l'ouvre.

Ensuite, dans les établissements de l'Université, les classes sont trois ou quatre fois trop nombreuses. Comment serait-il possible d'instruire à la fois cinquante ou quatre-vingts élèves? On n'a le temps matériellement nécessaire ni pour corriger leur travail, ni même pour s'assurer qu'ils l'ont fait. Aussi, chaque professeur s'attache-t-il à cinq ou à six élèves d'élite; il les dirige, il les excite, il les forme; le reste fait ce qu'il peut ou ce qu'il veut. Ceci, qui est un mal général et immense, demanderait une subdivision considérable des groupes d'élèves; mais la réforme est à peu près impossible, dans l'Université; car il faut une classe d'une certaine étendue pour faire face au traitement du professeur (1).

D

(1) Granier de Cassagnac, Globe du 11 déc. 1843.

IV. Moralité de la littérature contemporaine, d'après la Revue des Deux-Mondes, - d'après la Presse.-Les romans, et, entre autres, les Mystères de Paris. — Prétentions de M. Sue à un enseignement moral; ce qu'il dit de l'Imitation de Jésus-Christ.-Portrait du romancier, par ses amis de la Démocratie pacifique.— Le Journal des Débats accusant d'immoralité l'enseignement des Séminaires diocésains. Ce même journal jugé par le National, le Siècle et le poète Barthélemy.-Belle idée que nos romanciers donnent du peuple français aux nations étrangères, selon M. Michelet.-Procès scandaleux dans lequel figurent des littérateurs.

Ce sont les écrivains qui impriment aujourd'hui le mouvement et la direction à ce courant d'idées bonnes ou mauvaises, qu'on appelle l'opinion publique. Indépendamment des livres, avec leur infinie variété, ils ont les journaux quotidiens et les Revues, et c'est là qu'ils émettent leurs pensées habituelles, leurs vœux, leurs espérances, leurs regrets et leurs récriminations.

Dieu sait si, dans ces derniers temps, beaucoup d'entre eux ont été sobres de diatribes sur la morale relâchée, sur le probabilisme et les horribles maux amenés dans le monde par la Compagnie de Jésus. On serait tenté de croire que ces vertueux déclamateurs, si âpres à la censure, n'ont rien de commun avec les misères d'ici-bas, et vivent dans une si profonde sagesse que nul n'y saurait prétendre. Entre frères et amis, il leur arrive, cependant, de s'estimer à leur juste valeur, et il en est quelques-uns pour imprimer au front des autres les stigmates de leur ignominie. C'est aux défenseurs de la justice outragée, de la vérité calomniée à recueillir les aveux qui échappent ainsi des rangs opposés, et à confondre les accusateurs.

Un journal qui offre l'expression la plus avancée,

comme la plus variable de notre littérature contemporaine, et dont l'histoire serait une des tristes choses de notre siècle, publiait en 1843 de sévères et fortes vérités sur la situation des esprits, montrant avec hardiesse quelles saturnales beaucoup d'écrivains font mener à leur intelligence. Mais le côté piquant de cette guerre aux mauvaises passions de la littérature, c'est qu'il est peu des écrivains ainsi flétris qui n'aient passé par le journal proscripteur. Il nous semble curieux de constater que, la même année, le même journal aboyant à la robe du Jésuite, se prenait au clergé tout entier, et répandait à travers le monde cette condamnation générale de ceux précisément qui font métier aussi de poursuivre de leurs déclamations épileptiques l'Eglise et le clergé. Voyons donc ce que l'on valait, il y a trois ans, dans les rangs pressés de ces écrivains si prompts à s'indigner contre la morale relâchée.

« Une des plaies les plus inhérentes à la littérature actuelle, c'est assurément la fatuité; Byron, qui en recélait une bonne dose dans son génie, l'a inoculée ici chez beaucoup, et d'autres en avaient déjà attiré e germe. Depuis lors, la plupart des gens de talent en vers et en prose sont fats plus ou moins, c'est-à-dire, affichent ce qu'ils n'ont pas, affectent ce qu'ils ne sont pas, même les critiques, ce qui devrait sembler assurément de moindre nécessité. Prenez des noms, je ne m'en charge pas, mais essayez (1). C'est d'un pom

(1) Se rappeler, par exemple, certains feuilletons des Débats, le Critique marié, rendant compte de ses noces au bout de quelques jours, parlant des yeux bleux de son épouse et du jappement de la jeune famille. C'est le chef-d'œuvre du genre auquel on fait ici allusion.

peux, ou d'un pimpant, ou d'un négligé, ou d'un discret, ou d'un libertin affecté. Oh! qu'on me rende la race de ces honnêtes gens de talent qui faisaient tout bonnement de leur mieux, avec naturel, travail et sincérité!.....

« La fatuité combinée à la cupidité, à l'industrialisme, au besoin d'exploiter fructueusement les mauvais penchants du public, a produit, dans les œuvres. d'imagination et dans le roman, un raffinement d'immoralité et de dépravation qui devient un fait de plus en plus quotidien et caractéristique, une plaie ignoble et livide, qui chaque matin s'étend. Il y a un fond de De Sade masqué, mais non point méconnaissable, dans les inspirations de deux ou trois de nos romanciers les plus accrédités : cela gagne et chatouille bien des simples. Pour les femmes, même honnêtes, c'est un ragoût; elles vont, elles courent dès le réveil, sans le savoir, à l'attrait illicite et voilé !....

« L'improbité est un mot bien dur à articuler : il ne demeure que trop constant néanmoins que cette qualification flétrissante pourrait, sans trop d'impropriété, s'appliquer à bien des actes et des relations où des gens de talent obérés s'engagent et se dégagent tour à tour. Les vrais rapports de l'éditeur et de l'auteur sont rompus, et il semble trop souvent que c'est à qui des deux exploitera l'autre. L'influence de cet ordre de causes secrètes et intestines sur les idées et sur les œuvres est incalculable;

Le vers se sent toujours des bassesses du cœur ;

le vers plus que la prose, mais la prose elle-même aussi.....

« L'argent, l'argent, on ne saurait dire combien il est vraiment le nerf et le dieu de la littérature d'aujourd'hui. On suivrait le filon et ses détours jusqu'en de singuliers détails. Si tel écrivain habile a, par places, le style vide, enflé, intarissable, chargé tout d'un coup de grandes expressions néologiques ou scientifiques venues on ne sait d'où, c'est qu'il s'est accoutumé de bonne heure à battre sa phrase, à la tripler et quadrupler (pro nummis), en y mettant le moins de pensée possible on a beau se surveiller ensuite, il en reste toujours quelque chose. Un homme d'esprit, qui avait trempé autrefois dans le métier, disait en plaisantant que le mot révolutionnairement, par sa longueur, lui avait beaucoup rapporté. Si tel romancier à la mode résiste bien rarement à gâter ses romans encore naissants après le premier demi-volume, c'est que, voyant que le début donne et réussit, il pense à tirer l'étoffe au double, et à faire rendre au sujet deux tomes, que dis-je? six tomes, au lieu d'un. Au théâtre, ce qui décidera un spirituel dramaturge à lâcher cinq actes assez flasques, au lieu de trois bien vifs, c'est qu'il y a plus forte prime pour les cinq. Toujours, et au fond de tout, l'argent, le dieu caché.

« Une plaie moins matérielle, et en même temps plus saisissable, plus ostensible, qui tient de près à l'ambition personnelle des hommes de talent et à leur prétention d'être chacun un roi absolu, c'est la façon dont ils s'entourent, dont ils se laissent entourer. Tous les scrupules à cet égard ont disparu, toute répulsion a cessé. Autour des noms les plus honorés, il n'est pas rare de trouver, comme des clients sous le patron, les plumes les plus abjectes et les plus viles, flattant ici

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