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apporter la parole de Dieu, cette première pierre de la civilisation!

« Ainsi, il y a un premier reproche, très-réel et trèssérieux, à adresser à l'Université; et ce reproche est tiré de son intolérance. Il y en a un second tiré de son amour du gain.

Hâtons-nous de spécialiser ce reproche. En général, les professeurs de l'Université reçoivent un traitement très-modeste, dont un premier commis de magasin ne se contenterait pas. Ce traitement fait l'éloge de ceux qui s'en contentent, car il faut de la conduite, de la moralité et l'amour de l'étude pour faire vivre un mé nage et élever des enfants avec ce qui serait peu, même pour un seul. Ce n'est donc pas aux professeurs de l'Université que s'adresse notre reproche d'amour du gain; c'est à ces marchands de légumes, à ces vivandières de l'étude, qu'on appelle maîtres de pension. Inutile de dire, avant d'aller plus loin, qu'il y a beaucoup de maitres de pension irréprochables; toute règle a ses exceptions.

« L'industrie des maîtres de pension, qui ont pris cet état comme un autre, qui se sont faits les sommeliers et les grands-queux de la jeunesse, a des secrets merveilleux, inconnus du vulgaire. Son but est fort net: attirer du monde et faire que l'auberge soit remplie. Les prix du grand concours sont admirables pour atteindre ce but, parce qu'ils servent d'enseigne à l'hôtellerie. Aussi, dans un grand nombre d'institutions et de pensions, tout a-t-il été sacrifié à ces luttes, afin de pouvoir mettre dans les journaux, au mois d'août, que l'institution trois étoiles a eu tant de prix, tant d'accessits et tant de nominations au Concours général. La matière à lauréat

est fort prisée; on envoie des commis-voyageurs fouiller les colléges de province, pour découvrir les élèves forts en version, ou qui annoncent une grande aptitude à mettre les accents grecs. Ces élèves ne paient rien'; au contraire, on les paie, quand ils l'exigent. Tous les élèves ne sont pas aptes à devenir lauréats de concours; même les bons, surtout les bons. Dans les ateliers de l'industrie moderne, ou a procédé par une division extrême du travail. Ainsi, il faut cinq ou six ouvriers pour faire une épingle ou pour faire un chandelier. Chaque ouvrier travaillant toujours la même pièce, finit par la produire très-vite et très-bien, en s'approchant peu à peu du genre de perfection d'une machine, et du genre d'imagination qu'elle suppose. Quand un homme a fait pendant trente ans des bobèches, il n'est pas trèsloin de pouvoir en servir. Eh! bien, c'est par le même procédé qu'on fait des lauréats de Concours général. Lorsqu'on a reconnu à un élève une aptitude spéciale, on la développe d'une manière à peu près exclusive'; ainsi, le malheureux fait thème sur thème, ou version sur version, ou vers sur vers, suivant son aptitude particulière, et sans aucun égard pour les autres aptitudes, qu'il faudrait agrandir, précisément en raison de ce qu'elles seraient moindres, pour arriver à un équilibre de notions, qui est le vrai savoir de la jeunesse. On comprend donc que les manufactures de lauréats s'effraient immodérément d'une concurrence dans l'enseignement, qui se résoudrait, et c'est là que gît la question, en une concurrence dans le commerce des plantes légumineuses. Nous ne nions pas que ce ne soit là une difficulté; mais il en faut de plus grandes pour arrêter la liberté de l'enseignement.

Enfin, il y a un troisième reproche qu'on peut adresser à l'Université; mais il a besoin d'être détaillé pour être compris.

« L'Université offre un faisceau de lumières véritablement éclatant. Nul pays et nulle époque n'ont eu plus de savoir. Le seizième siècle, qui a été d'une érudition si solide, ne possédait pas des philologues plus éminents que ne le sont des hommes comme M. Letronne, comme M. Hase, comme M. Victor Leclerc, comme M. Guignault, comme M. Boissonade, comme M. Egger et beaucoup d'autres. C'est donc une justice à rendre à l'Université d'à-présent, qu'elle n'a jamais été plus instruite, et qu'il y a peu de chances pour qu'elle le soit jamais davantage. Cependant, prenez le Moniteur, aux comptes rendus sur l'instruction publique, et vous y verrez que, sur le nombre total des élèves qui terminent annuellement leurs études à Paris, PLUS DE LA MOITIÉ ne sont pas admis au grade de bachelier, parce qu'ils ne savent pas faire une version (1). Il y a donc là

(1) M. Cousin (Défense de l'Université et de la Philosophie, p. 27) reproche aux Jésuites leurs petites comédies latines; il aurait pu dire encore mieux, leurs tragédies, leurs comédies latines et même françaises. On conviendra, du moins, que des élèves qui pouvaient suivre à la représention, des comédies écrites dans la langue de Plaute et de Térence, étaient dans le cas de savoir faire une version. M. Cousin ignore-t-il que ce n'était pas seulement chez les Jésuites qu on se proposait d'exercer la jeunesse, et de l'instruire agréablement par des exemples bien représentés, mais que c'était aussi dans les pays où la Réformation s'est établic? Un théologien protestant d'Heidelberg, Jean-Louis Fabricius, parle quelque part de ces exercices dramatiques, et ne les traite pas avec le superbe dédain du philosophe français. Voir le livre de Fabricius, intitulé: Aexdığıç de limitibus obsequii erga homines; Heildebergæ, 1684, in-40. Vouloir transpor

un vice, et le corps enseignant, qui a tant de savoir, ne sait pas ou ne peut pas le communiquer.

Nous disons qu'il y a là un vice; car le baccalauréat étant le couronnement de l'instruction classique, c'est preuve qu'on a reçu une instruction insuffisante, lorsqu'on ne peut pas y arriver; et, dans tous les cas, c'est un terrible argument contre les études faites dans

ter le xvi1° siècle au xix et le juger d'après nos habitudes, est-ce bien philosophique ?

Il est peu de personnes qui ne connaissent les Incommodités de la Grandeur, comédie du P. Du Cerceau, représentée par les élèves des Jésuites, d'abord devant le roi d'Angleterre, ensuite devant la duchesse d'Orléans, au collège Louis-le-Grand, et en présence du roi Louis XV, au château des Tuileries. Voici ce que l'auteur met dans la bouche de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne :

Un prince à qui le ciel destine un diadême,

Doit commencer, mon fils, par régner sur soi-même.
Comment à ses sujets donnera-t-il la loi,

S'il ne sait pas lui-même être maître de soi?
Mon fils, je vous l'ai dit, les sujets sont à plaindre,
Lorsque le Souverain ne sait pas se contraindre;

Et quand, à ses fureurs en esclave livré,

Il suit un vain orgueil dont il est enivré.

Il faut toujours qu'un prince ait la raison pour guide,

Qu'à tous ses mouvements la justice préside;

Et si, dans ce haut rang, il peut tout ce qu'il veut,

Il ne doit pas toujours vouloir tout ce qu'il peut (1).

Les Jésuites, comme le remarque avec raison un membre de l'Université, pouvaient bien envoyer leurs élèves jouer la comédie aux Tuileries, pour y faire entendre ce langage aux oreilles du jeune Roi (2). Cependant, on les a si souvent accusés d'être de vils adulateurs des souverains!

(1) Act. 1, sc. 2.

(2) Emond, Histoire du Collège Louis-le-Grand; pag. 127 et 442.

l'Université, que PLUS DE LA MOITIÉ de ses élèves ne sachent pas faire une version, après sept années de latinité.

• Nous disions un vice; peut-être bien y en a-t-il deux.

D'abord, le savoir de l'Université, tout réel et tout grand qu'il soit, est un peu dépourvu de cette façon générale et supérieure de voir les choses, qui donne à la mémoire un rôle moindre qu'à l'esprit. Nous assistions, il y a quelques jours, à un examen de bacheliers, dans une Faculté du midi de la France. On demanda à un élève quel avait été le premier dictateur romain, et il répondit: Cicéron. Eh! bien, nous n'aurions pas fait un grand crime à l'élève de cette balourdise, si d'ailleurs nous avions trouvé en lui de ce savoir qui résume des idées, au lieu de ce savoir qui résume des noms ou des dates. Puisqu'il y a des almanachs et des dictionnaires, c'est évidemment pour s'en servir. Or, il nous a toujours paru souverainement ridicule de mettre dans sa tête ce qu'on peut mettre dans sa poche. Le Journal de l'instruction publique fait connaître quelquefois les meilleures compositions des candidats pour les concours des agrégations d'histoire. Nous nous souvenons de l'une d'elles, qui était fort vantée par le Journal, et qui avait valu à son auteur le premier numéro du concours. C'était un morceau sur le seizième siècle, comprenaut au moins cent dates et cent noms propres. Si nous avions été le juge de ce candidat, nous l'aurions refusé; car un homme qui étudie l'histoire d'un siècle sans préméditation, et qui en retient cent dates et cent noms propres, est nécessairement un imbécile, car il n'y a vu que cela. Eh! bien, le savoir

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