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représente unie et compacte contre les principes du christianisme, on trouve des systèmes en littérature, des systèmes en histoire, des systèmes en philosophie. II n'y a pas douze ans, sous M. Cuvier et M. Geoffroy SaintHilaire, nous y avons vu des systèmes en anatomie; et, ce qui est autrement fort, sous M. Poinsot et M. Poisson, nous y avons vu des systèmes en algèbre.

L'Université n'a donc pas un corps de doctrines; et elle ne saurait jamais en avoir, puisque la libre investigation des faits et des idées est le fondement de sa constitution. Etudiez chacune des spécialités dans lesquelles se ramifient ses études: vous trouverez partout la division, la lutte, l'individualisme, enfin tout ce qui a fait donner à la société des lettrés et des savants le nom de république. En littérature, les vieux classiques y sont envahis déjà par les jeunes romantiques; en histoire, chaque homme y a son système celui de M. Thierry n'est pas celui de M. Michelet; celui de M. Michelet n'est pas celui de M. Lacretelle. Pour la philosophie, c'est pire encore. Croyez-vous que M. Cousin, l'homme le plus éminent, depuis Malebranche, qui ait traité en France les matières philosophiques, qui a autant d'analyse que Condillac, avec beaucoup plus d'ampleur et d'élévation dans la pensée, soit l'inspirateur de toutes les chaires philosophiques établies parmi nous? pas le moins du monde. Dans notre conviction intime, la meil leure de toutes les philosophies ne vaut rien, pas plus celle de M. Cousin que celle de Malebranche, que celle de Descartes ou celle de Platon; le but et la moralité des actions humaines, la nature et les fins de l'homme et des sociétés nous étant donnés par le christianisme, auquel nous croyons, sans en rien rabattre, nous trou

vons que la philosophie fait double emploi; et c'est pour cela que toute respectable et tout admirable qu'elle soit comme travail de l'esprit, nous ne saurions lui altribuer une valeur pratique, et par conséquent efficace. Mais enfin, pour ceux qui admettent l'utilité de la philosophie, celle qui est enseignée par M. Cousin avec infiniment d'éclat en vaut d'autres et des meilleures ; cependant, nous le répétons, loin d'être généralement adoptée, elle a, dans le corps enseignant, même en France, plus d'ennemis assurément que le clergé.

« L'Université, répétons-le, n'a pas de doctrines; elle n'en a jamais eu, elle n'en aura jamais il faudrait, pour en acquérir une, qu'elle adoptât le principe de l'autorité, comme l'Eglise; or, l'Université est fondée sur la liberté de penser prise dans son sens le plus absolu, sans reconnaître aucune orthodoxie, et par conséquent aucune hérésie (1). Il est donc inexact de représenter l'Université comme ennemie systématique du christianisme. Par suite de sa liberté d'allure, l'Université actuelle renferme au contraire un très-grand nombre de catholiques parfaitement soumis à l'Eglise. Seulement, l'Université actuelle est, en notable partie, fille du dix-huitième siècle; comme telle, elle a ses préventions, ses préjugés, ses erreurs. Elle crie contre les Jésuites et elle admire Voltaire; tout cela s'en ira :" ce n'est pas dans son essence, c'est dans son âge. Il faut savoir la prendre telle qu'elle est (2).

(1) Nous le croyons bien, mais là position n'est pas meilleure, puisqu'il y a la pire des choses, la chose qui tue, l'indifférence-totale.

(2) C'est-à-dire, admirer avec elle Voltaire même.

• Nous ne croyons pas au progrès indéfini de l'esprit humain ; pour nous, le progrès consiste à se rapprocher le plus possible de la loi de Dieu, révélée par lui-même, et par conséquent connue d'avance; nous avons donc une fort médiocre estime pour tous les chercheurs de nouveautés, quand ces nouveautés n'ont d'autre mérite que d'être nouvelles; par conséquent, la liberté indéfinie laissée à la pensée de chercher des systèmes inconnus, en toutes matières susceptibles d'en recevoir un, n'est pas pour nous un objet d'espérances bien grandes. Les philosophes ont beau jeter leur filet dans l'Océan sans fond des combinaisons idéales, nous n'attendons pas, pour dîner, le poisson qu'ils essaient de prendre; depuis trois mille ans qu'ils pêchent, ce qu'ils ont attrapé est trop peu rassurant et trop peu nutritif. Néanmoins, nous ne croyons pas qu'il fallût condamner la liberté de penser, même exagérée et sans but direct; si les penseurs ne trouvent pas tout ce qu'ils cherchent, ils acquièrent une force d'esprit qui suffit amplement à payer leurs peines. Ils sont comme les fils du père de famille, qui bouleversèrent le champ pour trouver un trésor enfour; ils ne trouvent pas de cassette, mais la terre fécondée par leurs efforts leur produit abondamment des fruits qui en tiennent lieu.

Ainsi, c'est accidentellement (1), et non par une conséquence logique de son institution, que l'Université, considérée comme corps savant, est hostile au elergé. Formée d'hommes du monde, elle a les préju

(1) On ne nous dit pas comment cet accident pourra cesser d'être dans une pareille agrégation.

gés du monde. Que la pensée publique change, et elle changera.

« C'est plutôt comme corps professionnel, comme corps exerçant une industrie que l'Université est hostile au clergé, en tant que le clergé réclame le droit de fonder une industrie pareille. A ce point de vue, la rancune de l'Université s'explique, si elle ne s'excuse pas; et c'est ici que commencent ses torts réels.

« Sans doute, il est dans la nature de toute corporation d'être envahissante et exclusive; il ne faut pas làdessus faire spécialement la guerre aux Jésuites, car il faudrait la faire, au même titre, à toutes les sociétés, à commencer par la société universitaire. Cependant, si une corporation est mal placée pour défendre logiquement ses instincts envahisseurs et exclusifs, c'est l'Université; car fondée sur la liberté illimitée de penser, elle refuse cette liberté, même restreinte, aux autres.

• Rousseau et bien d'autres avaient prédit que si jamais les philosophes venaient à bout de détruire l'intolérance du clergé, ils la remplaceraient par leur intolérance, à eux, qui serait infiniment plus grande. L'é vènement a prouvé qu'il connaissait bien les philosophes; car, depuis un demi-siècle, ces messieurs font tout ce qu'ils peuvent pour étouffer la liberté de discussion autour d'eux. Ils s'en prennent même, pour éviter de répondre aux interpellations, aux prétextes les plus étranges, et que, en d'autres temps ou sous d'autres noms, on trouverait les plus ridicules. Ainsi, les philosophes ne veulent pas admettre que leurs contradicteurs aient la tête rasée, avec une couronne de cheveux; et, au lieu de leur répondre, ils leur crient: A bas les Dominicains! Ils ne veulent pas admettre que leurs

contradicteurs aient une longue barbe et une corde à la ceinture; et ils leur crient: «A bas les Capucins ! » Ils ne veulent pas admettre que leurs contradicteurs soient habillés de drap noir, et ils leur crient : « A bas les Jésuites!» Cependant, les philosophes, s'ils étaient de bonne foi, et s'ils voulaient s'instruire, au lieu de vouloir dominer, admettraient la discussion, qui est le fon-dement de leur doctrine, quelles que fussent la forme et la couleur de l'habit de leurs adversaires. La barbe ou les cheveux ne font rien à l'affaire, et la vérité ne dépend ni du barbier, ni du tailleur.

C'est donc à la fois, il faut bien le dire, un ridicule et une honte, que l'Université, fondée sur la liberté de la pensée, veuille constituer à son usage une sorte de tribunal du Saint-Office, et établir à son profit l'Inquisition de la philosophie, après avoir renversé l'Inquisition de la foi. C'est un ridicule et une honte, en un temps où, à force de s'habiller librement, on ne s'habille plus décemment, que les philosophes, les libres penseurs prétendent interdire la parole, et par conséquent la pensée, à ceux qui portent du drap gris et du drap noir, à ceux qui rasent leur tête au lieu de raser leur menton, à ceux qui portent une soutane au lieu de porter un habit. C'est un ridicule et une honte, qu'en un temps où la France est ouverte à tous les émeutiers, à tous les brouillons, à tous les estafiers politiques que les révolutions manquées lui envoient de la Pologne, de l'Ita lie, de l'Allemagne, de l'Espagne, elle n'ose pas, de peur de blesser ce qui reste de voltairiens, ouvrir les portes de ses villes et les chaires de ses cathédrales à de saints prêtres, à de pieux missionnaires, qui viendraient

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