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tablement ils n'ont jamais rencontré un adversaire plus redoutable. Cette réflexion est digne d'ètre méditée par les catholiques sincères qui, pour une cause ou pour l'autre, nourrissent d'injustes préjugés. Lorsqu'il s'agit de se former un jugement sur le mérite et la conduite d'un homme, c'est très-souvent un moyen sûr de se décider entre les opinions contraires, que de demander quels sont ses ennemis? »

« Un seul traité d'un professeur de l'Université, disait La Chalotais, a répandu plus de lumières sur les belles lettres, que toute la littérature dont la Société a été occupée depuis son établissement (1). » C'est assurément du Traité des Etudes que La Chalotais voulait parler; mais ignorait-il donc que ce livre avait été devancé par des ouvrages auxquels Rollin lui-même reconnaissait devoir beaucoup? En 1692, le P. Jouvency avait publié, à Lyon, son Ratio discendi et docendi (manière d'apprendre et d'enseigner); il avait été précédé par le P. Pomey (1668), dont il réimprima le Candidatus rhetorica (1720, in-12).

Nous pouvons faire les superbes et les difficiles, aujourd'hui que des ouvrages composés avec les recherches et les travaux de nos prédécesseurs sont arrivés nécessairement à une moindre imperfection; mais les contemporains de ces ouvrages délaissés en appréciaient le mérite, et c'est tout ce qu'il faut pour la cause que je défends. Voici, par exemple, en quels termes l'auteur des Nouvelles de la République des lettres, un écrivain protestant, annonçait un livre du P. Pomey :

(1) Pag. 155.

Les sieurs Henri Desbordes et Daniel Pain, marchands libraires d'Amsterdam, viennent de faire une nouvelle édition de l'Indiculus universalis du P. Pomey, en latin, en français et en flamand. Cet ouvrage est beaucoup meilleur que le Janua Linguarum. On sait que généralement tout ce que le P. Pomey a fait est excellent pour l'instruction des jeunes gens dans la langue latine. Il est auteur du Pantheum mythicum, des Particules françaises, du Dictionnaire royal et de quelques autres ouvrages de cette nature (1). »

Avant ces divers Religieux, le P. Caussin avait publié, à la Flèche, en le dédiant à Louis XIII, un cours d'éloquence sacrée et profane, sous le titre d'Eloquentiæ sacræ et humanæ Parallela (1619, in-f°), ouvrage réimprimé in-4° en 1623, 1630, 1637, 1651, et qui était une belle et savante introduction à l'étude des lettres. Eg 1725, le P. Le Jay, un des professeurs de Voltaire, donnait la Bibliotheca Rhetorum (2 vol. in-4°), dans laquelle se trouvait une rhétorique, l'ouvrage peut-être le plus méthodique et plus clair que nous ayons sur cette matière. Ce livre était devenu classique, et de 1809 à 1812, un professeur de l'Université, Amar, en donna un abrégé en deux volumes in-8°. En 1710, le P. Colonia, un des hommes les plus savants que la Société ait eus à Lyon, publiait une Rhétorique latine, bien souvent réimprimée, et aussi remarquable par l'excellence des préceptes que par le choix et l'application des exemples. Ce livre était à peu près tout ce que des éléments pareils pouvaient être en ce temps-là; du moins les écoles ri

(1) Août 1703, pag. 239.

vales n'avaient-elles rien à lui opposer. Nous pensons que la Rhétorique du P. de Colónia ne serait pas inutile à étudier, aujourd'hui encore.

Tous ces Eléments étaient écrits en latin, parce que chez les Jésuites, comme dans l'Université, c'était l'enseignement des langues mortes qui dominait; et, en 1740, lorsque Rollin publiait son Traité des Etudes, il ne se décidait qu'à regret à le donner en français, parce que la langue latine lui était plus familière que la sienne propre, faisait-il observer. Du reste, il savait rendre à ses devanciers et à ses rivaux plus de justice que n'en rendait La Chalotais; et voici ce qu'il écrivait dans sa Préface:

• Depuis que j'ai achevé ces trois premiers livres qui regardent la grammaire, la poésie et la rhétorique, j'ai lu un ouvrage composé en latin sur le même sujet, qui aurait pu me détourner de faire le mien dans la même langue, ne pouvant pas me flatter d'atteindre à la beauté du style qui y règne. C'est le livre du P. Jouvency, Jésuite, qui a longtemps enseigné la rhétorique à Paris avec beaucoup de réputation et de succès. Il a pour titre: De ratione discendi et docendi. Ce livre est écrit avec une pureté et une élégance, avec une solidité de jugement et de réflexions, avec un goût de piété, qui ne laissent rien à désirer, sinon que l'ouvrage fût plus long, et que les matières y fussent plus approfondies; mais ce n'était pas le dessein de l'auteur (1). »

Bien éloigné de la modestie et de l'équité de Rollin, c'est à La Chalotais que M. Cousin a pris encore ce que le Procureur-général de Rennes avait de paroles dé

(1) Traité des Etudes, tom. 1, pag Ixxiv, édit. in-4o de 1740.

h

daigneuses pour Jouvency. «Quel frivole bel esprit que le célèbre P. Porée, s'écrie donc le moderne apologiste de l'Université, et qu'est-ce Jouvency lui-même comparé à Rollin (1)? » Quand nous admettrions que c'est peu de chose, il resterait encore à savoir ce que M. Cousin entend prouver par la comparaison qu'il établit, Est-ce donc en mesurant un homme avec un homme, que l'on peut raisonnablement prouver l'infériorité absolue de telle ou telle corporation, à toutes les époques de sa vie? Nous pourrions dire, si cela était : Qu'est-ce que la Henriade comparée à la Jérusalem délivrée, et nous montrerions tout d'un coup la supériorité de l'Italie sur la France. Ce parallèle pourrait se continuer pour tous les pays et pour tous les genres de sciences; on arriverait à des résultats fort dignes de l'argumentation d'un philosophe comme M. Cousin.

Au reste, nous verrons un de ses collègue déclarer franchement que, depuis Rollin, on n'a pas fait un pas (2); que par conséquent l'Université, qui règne en souveraine depuis 1762, en est restée au point où elle en était alors. Faut-il se ranger à l'avis de M. Villemain, au risque de paraître injuste, ou bien constater simplement une inconséquence de plus dans nos grands hommes et dans ces passionnés détracteurs de la Compagnie de Jésus?

C'est M. Villemain qui, dans un rapport officiel sur l'instruction publique, a donné un tableau comparatif de la population des colléges en 1789 et en 1842. Le résultat mérite une attention sérieuse; car, malgré l'ac

(1) Défense de l'Université, pag. 27,

(2) Voir la page 164 de ce volume.

croissement de la population, la différence est de 33, 364 élèves en faveur de 1789 (1).

Il n'y a pas de quoi s'enorgueillir! C'est encore M. Villemain qui disait, nous ne savons si ce n'est point avec trop de raison: « Aujourd'hui, nous sommes tous profanes, même dans notre dévouement à l'instruction de la jeunesse ; notre esprit est préoccupé de mille autres pensées, ambition, vanité littéraire, succès du monde ou de parti (2). »

Nous ne voudrions pas reproduire ici toutes les critiques quelquefois brutales, dont le système de l'Université a été l'objet, dans ces derniers temps; nous mettrons toutefois sous les yeux du lecteur quelques piquantes observations d'un écrivain qui n'a pas mission, dans la presse, de censurer les institutions du Gouvernement. On trouvera ici certaines vérités qui peuvent servir de contrepoids à des enthousiasmes effrénés. Nous ne savons, mais il nous semble que les expressions vont parfois plus loin que la pensée de l'auteur.

<< Non, dit-il, l'Université n'a pas des doctrines arrêtées contre la religion et contre la morale: savez-vous pourquoi? c'est parce que l'Université n'a pas des doctrines, et ne saurait en avoir (3).

• Qu'est-ce que l'Université? un corps libre de penseurs, courant chacun selon ses forces, selon ses instincts, selon ses prédilections, l'un après la littérature, l'autre après l'histoire, celui-ci après la philosophie, celui-là après la science. Dans cette Université, qu'on

(1) Laurentie, Liberté d'enseignement; Paris, 1843, in-8°, pag. 31.

(2) Cours de Littérature française, tom. I, pag. 311.

(3) Un corps enseignant qui ne saurait avoir de doctrines!....

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