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c'est celui de l'astronome de La Lande.

On me reproche d'être athée, disait-il, dans le Bulletin de l'Europe, d'être aussi laid que Socrate, de manger des araignées, d'appeler la duchesse de Gotha mon intime amie, de dire que Newton savait passablement la géométrie, d'avoir prédit une comète qui n'est point arrivée, d'avoir fait ma cour au Pape, d'avoir servi la messe d'un Jésuite. Tout cela ne vaut pas la peine d'y répondre ; mais le nom de Jésuite intéresse mon cœur, mon esprit et ma reconnaissance. On a beaucoup parlé de leur rétablissement dans le Nord; ce n'est qu'une chimère; mais elle a rappelé tous mes regrets sur l'aveuglement des gens en place, en 1762. Non, l'espèce humaine a perdu pour toujours, et ne recouvrera jamais cette réunion précieuse et étonnante de vingt mille sujets occupés, sans relâche et sans intérêt, de l'instruction, de la prédication, des missions, des conciliations, des secours aux mourants, c'est-à-dire, des fonctions les plus chères et les plus utiles à l'humanité.

«La retraite, la frugalité, le renoncement aux plaisirs, faisaient de cette Société le plus admirable assemblage de science et de vertu. Je les ai vus de près; c'était un peuple de héros pour la religion et pour l'humanité; la religion leur donnait des moyens que la philosophie ne fournit pas. A quatorze ans, je les admirais; je les aimais au point de demander mon admission, et je regrette encore de n'avoir pas persisté dans cette vocation, que l'innocence et le goût de l'étude m'avaient donnée.

Parmi les calomnies absurdes que la rage des Protestants et des Jansénistes exhala contre eux, je remarquai La Chalotais, qui porta l'ignorance ou l'aveugle

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ment jusqu'à dire, dans son Réquisitoire, que les Jésuites n'avaient pas produit de mathématiciens. Je faisais alors la table de mon Astronomie ; j'y mis un article sur les Jésuites astronomes; le nombre m'étonna. J'eus occasion de voir La Chalotais à Saintes, le 20 octobre 1773; je lui reprochai son injustice, il en convint; il fut assassiné le 20 juillet 1774 (1). Les crimes sont presque toujours punis :

Raro antecedentem scelestum
Deseruit pede pœna claudo.

Mais les Jésuites étaient perdus depuis long-temps. Deux ministres, Carvalho et Choiseul ont détruit sans retour le plus bel ouvrage des hommes, dont aucun établissement sublunaire n'approchera jamais, l'objet éternel de mon admiration, de ma reconnaissance et de mes regrets (2). »

La Lande ne s'est pas contenté de cet hommage à la Société tout entière; il a saisi l'occasion de rappeler en très-bons termes le P. Béraud, son maître. « Ce fut à ses leçons, en 1746, dit-il, que je pris le goût de l'astronomie, dont je me suis occupé toute ma vie. Montucla, Bossut, Fleurieu, et plusieurs autres élèves distingués

(1) La Lande se trompe. La Chalotais mourut de mort naturelle, à Rennes, le 13 juillet 1785.

(2) Ce témoignage se trouve dans l'Essai historique sur la suppression des Ordres religieux, par le P. Prat; - dans les Annales philosophiques, morales et littéraires de Mgr de Boulogne, tom. 1, an. 1800, pag. 228; dans les Nouvelles Considérations sur la Société des Jésuites, par Mgr Tharin; Versailles, 1817, pag. 33, et dans plusieurs autres ouvrages.

qui leur avait été promise. Les propriétés de cette Société célèbre ont disparu sans aucun profit pour l'Etat. Nous vous citerons, en preuve anticipée de vos mécomptes et de notre détresse, le déplorable exemple de ces instituteurs vraiment utiles, qui, devenus recommandables à tant d'autres titres, intéressaient encore infiniment la nation sous des rapports purement économiques; le salaire d'un seul professeur coûte quelquefois plus aujourd'hui que la dotation d'un collége tout entier de Jésuites (1). •

Après que l'abbé Maury eut ainsi évoqué le souvenir de la gloire et des malheurs de la Société de Jésus, les orateurs de la gauche firent la motion expresse que les Jésuites participeraient aux faveurs qu'on allait accorder aux Religieux sécularisés. Les Jésuites étaient malheureux et victimes de l'injustice; leur situation fournissait un texte abondant de condoléances philanthropiques et de déclamations contre le despotisme. C'est pourquoi l'abbé Grégoire s'écriait Parmi les cent mille vexations de l'ancien gouvernement qui a tant pesé sur la France, on doit compter celle qui a été exercée sur un Ordre célèbre, sur les Jésuites; il faut les faire participer à votre justice.» « Le premier acte de la liberté naissante, reprenait le protestant Barnave, doit être de réparer les injustices du despotisme. Je me propose une rédaction de l'amendement en faveur des Jésuites. » Déjà, dans une des séances précédentes, Lavie avait réveillé, par un sentiment profond de justice, de pitié, et peut-être de reconnais

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(1) Le P. Prat, Essal historique sur la Destruction des Ordres religieux en France, au xvш° siècle, pag. 272.

sance, un souvenir que le temps semblait avoir effacé. Au moment où les législateurs de la France décrétaient cette destruction universelle des Ordres religieux, il avait prononcé le nom des Jésuites; il avait rappelé leurs malheurs oubliés; il avait appris, en quelque sorte, à l'Assemblée nationale qu'il existait encore de ces infortunés qui avaient été sacrifiés, non pas à la liberté, non pas à la raison et à la patrie, mais à l'esprit de parti, mais à la vengeance, mais à des haines implacables (1). » D'après Grégoire, Barnave et Lavie eux-mêmes, la destruction des Jésuites fut donc une veration, une injustice du despotisme.

Grégoire disait encore, hors de la tribune :

• Les Provinciales et les décombres de Port-Royal (2) protesteront à jamais contre une Société à laquelle on ne peut contester d'avoir produit de grands hommes, el rendu de très-grands services, surtout pour l'éducation et les missions; à travers tous les dangers, les Jésuites sont allés porter l'Evangile et planter la croix dans les contrées les plus lointaines; par surcroît de zèle, ils en ont fait connaître les productions et les usages en servant la religion, ils ont encore été utiles aux sciences. Si leur conduite a pu nous fermer le Japon, leur activité nous a ouvert la Chine, et sans eux peut-être n'y aurait-on pas encore pénétré (3).

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(1) Journal de Paris, 1790, no 31, rédigé alors par Garat, Condorcet, Regnauld de Saint-Jean-d'Angély.-Voir le P. Prat, Histoire de la Destruction, etc., pag. 340.

(2) Les décombres doivent être imputés à qui de droit, au gouvernement de Louis XIV, dont on vante si fort l'arbitraire, quand il s'agit de l'affaire de la Régale et des articles de 1682.

(3) Les Ruines de Port-Royal, pag. 161, 2o édit., 1809.

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qui leur avait été promise. Les propriétés de cette Société célèbre ont disparu sans aucun profit pour l'Etat. Nous vous citerons, en preuve anticipée de vos mécomptes et de notre détresse, le déplorable exemple de ces instituteurs vraiment utiles, qui, devenus recommandables à tant d'autres titres, intéressaient encore infiniment la nation sous des rapports purement économiques; le salaire d'un seul professeur coûte quelquefois plus aujourd'hui que la dotation d'un collége tout entier de Jésuites (1). »

Après que l'abbé Maury eut ainsi évoqué le souvenir de la gloire et des malheurs de la Société de Jésus, les orateurs de la gauche firent la motion expresse que les Jésuites participeraient aux faveurs qu'on allait accorder aux Religieux sécularisés. Les Jésuites étaient malheureux et victimes de l'injustice; leur situation fournissait un texte abondant de condoléances philanthropiques et de déclamations contre le despotisme. C'est pourquoi l'abbé Grégoire s'écriait Parmi les cent mille vexations de l'ancien gouvernement qui a tant pesé sur la France, on doit compter celle qui a été exercée sur un Ordre célèbre, sur les Jésuites; il faut les faire participer à votre justice.» « Le premier acte de la liberté naissante, reprenait le protestant Barnave, doit être de réparer les injustices du despotisme. Je me propose une rédaction de l'amendement en faveur des Jésuites. » Déjà, dans une des séances précédentes, Lavie avait réveillé, par un sentiment profond de justice, de pitié, et peut-être de reconnais

(1) Le P. Prat, Essal historique sur la Destruction des Ordres religieux en France, au xv111° siècle, pag. 272.

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