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Le grand Corneille se rappelait avec reconnaissance, au milieu de ses triomphes, les maîtres qui avaient

attentivement et le plus constamment veillé sur l'Eglise, auraient donc été de connivence avec des Religieux qui travaillaient à corrompre la doctrine chrétienne! Voilà quelles absurdes conséquences il faut déduire des prémisses de certains logiciens!

Au surplus, beaucoup de savants, hors du monde ecclésiastique, témoignèrent aux Jésuites le même respect et la même affection. Le docte Charpentier, membre de l'Académie française, défendant, en 1683, contre le P. Lucas, une thèse bien souvent agitée, soutenait que les inscriptions des monuments publics doivent être, chez nous, en français et non pas en latin. Charpentier avait publié, à l'appui de cette opinion, un livre sur l'inscription de l'Arc de triomphe qu'on élevait à Louis XIV. Le P. Lucas prononça peu de temps après, au collége de Clermont, un discours imprimé depuis, sous ce titre De Monumentis publicis latine inscribendis.

« Son action fut grande, noble, applaudie de tout son auditoire composé de dix ou douze Evêques, de plusieurs conseillers d'Etat, et de tout ce qu'il y a de plus exquis dans le monde spirituel. Je me mèlai moi-même parmi la foule de ses auditeurs, » dit Charpentier, De l'Excellence de la langue françoise, tom. I, pag. 4-5. Ce savant Académicien écrivit un ouvrage curieux et piquant, dans lequel il se proposait surtout d'éclaircir la question. Il déclarait avec une honnête simplicité qu'il n'avait pas le dessein de critiquer l'excellent discours qu'un auditoire choisi avait écouté avec tant d'intérêt, ni de critiquer l'auteur, « dont j'estime infiniment, ajoutaitil, le mérite et la personne, et qui tient un rang très-considérable dans une Compagnie si pieuse, si savante et si utile à toute la Chrétienté. » De l'Excellence, etc., tom. I, pag. 17.

Nous voyons le docte Ménage protester de son affection pour les Jésuites au moment même où it vide une querelle littéraire avec un d'entre eux. A la dernière page de la préface de ses Observations sur la langue françoise, il disait : « Je finis ce discours, en suppliant les Révérends Pères Jésuites de ne point prendre de part dans ma Réponse au P. Bouhours, comme ils n'en ont point pris dans le Libelle du P. Bouhours, et en les assurant que l'injure que j'ai reçue de leur Confrère n'a rien diminué de l'estime et de la vénération que

façonné sa jeunesse, et il consigna d'honorables sentiments de gratitude en tête d'un de ses ouvrages :

PATRIBUS SOCIETATIS JESU

COLENDISSIMIS PRÆCEPTORIBUS SUIS,

GRATI ANIMI PIGNUS

D. D. PETRUS CORNEILLE.

Dii majorum umbris tenuem et sine pondere terram,
Qui præceptorem sancti voluere parentis

Esse loco.

L'abbé Cl. Fleury, le même que le gallicanisme invoque si volontiers et à bon droit, nous a laissé un petit poème latin sur la Bibliothèque du Collége de Clermont (Louis-le-Grand). Ce n'est autre chose qu'un hommage solennel à ses anciens maîtres, sous la discipline de qui il avait passé six ans. Il débute ainsi :

Sancta domus, quæ me studio complexa parentis
Fovisti gremio tenerum, senosque per annos
Quæ menti prosint æternum alimenta dedisti,
Quas ego pro tanto referam tibi munere grates?

Plus loin, le poète rappelle les savants Jésuites dont Ies portraits se trouvaient dans l'interstice des fenêtres de la Bibliothèque, et qui avaient été la gloire du collége de Clermont. Il nomme ainsi l'Espagnol Perpinien, Maldonado, Emond Auger, Fronton du Duc, Salliand,

j'ai toujours eue pour leur Compagnie.» II° partie, Paris, Barbin, 1676, in-8°.-Ajoutons, puisque nous en sommes sur ce chapitre, que la réconciliation fut sincère de part et d'autre.

Sirmond, Crésole, Petau et Caussin. Il termine son. poème par un témoignage de respectueuse admiration. au P. Cossart, son professeur, qui était alors préposé à la garde de cette riche Bibliothèque :

Salve igitur, sapiens custos et sancte magister,
Cossarti, neu nostra time te carmina laudent;
Audeat hoc tibi qui similis reperitur in orbe
Sublimes apto sermone expromere sensus,

Si quis is est. Super hoc nos adjiciemus: Honesto
Cum Domus hospitio primum te Clara recepit,
Ingens excelsis mens ædibus addita tunc est (1).

Voltaire conserva long-temps de l'estime et même de l'attachement pour la Société ; il entretint des relations d'amitié avec le P. Porée, son ancien professeur de rhétorique. Il lui envoya Mérope, pour avoir son avis. La lettre du 15 janvier 1739 est d'un disciple tendre et respectueux. Nous en citerons quelques passages:

« Mon très-cher et révérend Père;

« Je n'avais pas besoin de tant de bonté, et j'avais prévenu par une lettre l'ample justification que vous faites, je ne dis pas de vous, mais de moi; car si vous aviez pu dire un mot qui n'eût pas été en ma faveur, je l'aurais mérité. J'ai toujours tâché de me rendre digne de votre amitié, et je n'ai jamais douté de vos bontés.... Je vous devais Mérope, mon très-cher Père, comme un hommage à votre amour pour l'antiquité et

(1) OEuvres de l'abbé Fleury, édition d'Aimé-Martin, pag. 620

pour la pureté du théâtre. Il s'en faut bien que l'ouvrage soit d'ailleurs digne de vous être présenté. Je ne vous l'ai fait lire que pour le corriger.... Songez seulement, mon cher Père, que ce n'est pas un lieu commun que la tendre vénération que j'aurai pour vous toute ma vie. Je vous supplie de conserver votre santé, d'être long-temps utile au monde, et de former longtemps des esprits justes et des cours vertueux. Je vous conjure de dire à vos amis combien je suis attaché à votre Société; personne ne me la rend plus chère que

vous.

« Je suis avec la plus tendre estime et avec une éterternelle reconnaissance, mon très cher et révérend Père, etc.... »

Nous ne croyons pas que, dans toute la correspondance de Voltaire, on trouve une lettre écrite avec cette effusion de cœur, et ces protestations d'estime et de respect. Si ce langage n'est pas sincère, l'auteur eût été dès-lors un hypocrite bien consommé, et nous répugnons à le croire. Nous savons bien que plus tard Voltaire publia de ces lettres destinées à tromper le public sur ses véritables sentiments. La lettre à un Académicien, en 1743; celle au P. de Latour, en 1746, étaient des lettres de grimace, de parade et de circonstance; il affecta de les répandre pour servir ses desseins, et s'aplanir les obstacles qui empêchaient son admission à l'Académie. Sa lettre au P. Porée était une lettre confidentielle, une lettre destinée à lui seul, et dont il ne paraît pas que Voltaire ait jamais cherché à faire usage. Il n'avait pas encore levé le masque, et ce témoignage

d'attachement envers un ancien maître, nous semble faire honneur à l'un et à l'autre (1).

Mais ceux qui se disent les fils de Voltaire (sauf l'héritage de son esprit), ont allégué contre les Jésuites un élève si fameux par son irréligion. Apparemment que l'on appréhende, M. Thiers surtout, lui qui a porté cette triomphante objection à la tribune nationale, que des Ecoles des Jésuites il ne s'élève quelque autre Voltaire. D'un côté, on se glorifie de marcher sous le drapeau de Ferney; de l'autre, on met en avant cette observation hypocrite (2). Oui, Voltaire fut élevé par les Jésuites, et ce n'est pas chez eux qu'il puisa cette incrédulité, qui ne fit que grandir jusqu'au moment où il fallut tomber aux mains de Dieu. Qui ne sait que le P. Lejay, sur une saillie irréligieuse du jeune écolier, lui jeta vivement cette prophétique apostrophe: Malheureux, tu seras un jour l'étendard du déisme en France (3)? « Quant à ses talents, c'était un don du ciel; mais, suivant l'observation d'un écrivain protestant, les particularités les plus notables de son caractère littéraire portent en elles l'empreinte de l'éducation des Jésuites, trésor dont il usa et abusa pour le tourner contre les Jésuites eux-mêmes et contre son Créateur; nous voulons parler de cette pureté de goût judicieuse, châtiée, délicate et plus qu'attique (4). »

Un plus curieux témoignage en faveur des Jésuites,

(1) De Boulogne, Ami de la Religion, tom. XIV, pag. 277. (2) Je la vois rappelée par M. Quinet; des Jésuites, pag. 213, première édition.

(3) Duvernet, Vie de Voltaire, chap. 2.

(4) Revue d'Oxford et Cambridge, sept. 1845.

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