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ne sont-ils pas également sacrés, puisqu'ils émanent de la même autorité et de la même foi? Devra-t-on sévir contre certains livres de Jean-Jacques et les faire brûler par la main du bourreau, au pied du grand escalier, parce qu'ils furent condamnés avec bien d'autres livres de philosophes? Devra-t-on poursuivre les imprimeurs et vendeurs des Provinciales, parce que le Parlement d'Aix fit défense à tous les imprimeurs d'en vendre ni débiter, à peine de la galère, conséquemment d'en prescrire l'étude, comme on a fait, pour les deux premières, dans les Manuels du baccalauréat ? Y a-t-il en France des gens qui se sentent quelque velléité d'aller aux galères pour avoir imprimé, vendu ou expliqué les Provinciales de Pascal? que ceux-là se présentent, qu'ils viennent prendre en main l'apologie des arrêts parlementaires.

Nous ne comprenons pas que, avec cette passion pour les despotiques volontés du duc de Choiseul et les rancunes d'une royale courtisane, on se montre si impi toyable, d'un autre côté, pour les persécutions religieuses de l'ancienne monarchie. Que de tendres apitoiements sur les ruines du Port-Royal! que de colères contre la révocation de l'édit de Nantes! Mais que les caprices du pouvoir, au lieu de fermer un refuge de Jansénistes, au lieu de proscrire des Protestants, viennent à fermer les maisons de la Compagnie de Jésus, et à jeter quelques milliers de prêtres catholiques sur le chemin de l'exil, aussitôt les clameurs sur le fanatisme et l'intolérance font place à un tolle universel et à une magnifique apologie de ce despotisme brutal. Pourtant, dans l'un et l'autre cas, c'est la liberté qui reçoit une cruelle atteinte; ce sont les droits de la conscience qui

donc n'a pas été proscrit, dans ces soixante dernières années? Faut-il applaudir à tant d'actes d'ostracisme? Cette année même a vu se lever pour sa liberté une nation vaillante et glorieuse, et quand cette malheureuse tentative a échoué, des sympathies éclatantes ont protesté en Europe contre le despotisme qui tue la Pologne. Pourtant, la Pologne n'eut, au dernier siècle, que le sort des Jésuites; la diplomatie employa son astuce et sa violence; trois souverains foulant aux pieds le droit en vertu duquel vit toute nation, ébranlant à jamais l'ordre social, dépecèrent entre eux un peuple de vingt millions d'hommes, avec autant de justice que des brigands se partageraient les dépouilles du voyageur qu'ils auraient assassiné. Cette infame spoliation s'accomplissait en 1773, en face de l'Europe silencieuse. C'était l'année précisément où trois autres souverains arrachaient à l'inutile résistance de Clément XIV son Bref de suppression contre les Jésuites.

Si l'on veut professer ce tendre respect pour tous les actes de le royauté, il faut aller jusqu'au bout, et ne plus distinguer entre proscription et proscription. Ce serait de la logique. Dès que la volonté de César vous est sacrée, elle doit l'être toujours.

A côté des rois, il y a, pour la France, les Parlements; et quand on a rappelé qu'ils proscrivirent les Jésuites, tout est dit. Mais les Parlements sont-ils donc notre législation moderne ? Est-ce que deux Révolutions faites au nom de la liberté n'auraient abouti qu'à nous replacer sous le gracieux régime des arrêts parlementaires? Ce xvшe siècle, représenté si souvent comme un siècle d'oppression politique et de tracasserie religieuse, doitil nous servir de modèle? Tous les arrêts des Parlements

ne sont-ils pas également sacrés, puisqu'ils émanent de la même autorité et de la même foi? Devra-t-on sévir contre certains livres de Jean-Jacques et les faire brûler par la main du bourreau, au pied du grand escalier, parce qu'ils furent condamnés avec bien d'autres livres de philosophes? Devra-t-on poursuivre les imprimeurs et vendeurs des Provinciales, parce que le Parlement d'Aix fit défense à tous les imprimeurs d'en vendre ni débiter, à peine de la galère, conséquemment d'en prescrire l'étude, comme on a fait, pour les deux premières, dans les Manuels du baccalauréat ? Y a-t-il en France des gens qui se sentent quelque velléité d'aller aux galères pour avoir imprimé, vendu ou expliqué les Provinciales de Pascal? que ceux-là se présentent, qu'ils viennent prendre en main l'apologie des arrêts parlementaires.

Nous ne comprenons pas que, avec cette passion pour les despotiques volontés du duc de Choiseul et les rancunes d'une royale courtisane, on se montre si impi toyable, d'un autre côté, pour les persécutions religieuses de l'ancienne monarchie. Que de tendres apitoiements sur les ruines du Port-Royal! que de colères contre la révocation de l'édit de Nantes! Mais que les caprices du pouvoir, au lieu de fermer un refuge de Jansénistes, au lieu de proscrire des Protestants, viennent à fermer les maisons de la Compagnie de Jésus, et à jeter quelques milliers de prêtres catholiques sur le chemin de l'exil, aussitôt les clameurs sur le fanatisme et l'intolérance font place à un tolle universel et à une magnifique apologie de ce despotisme brutal. Pourtant, dans l'un et l'autre cas, c'est la liberté qui reçoit une cruelle atteinte; ce sont les droits de la conscience qui

sont impitoyablement méconnus. Qu'on nous dise d'où vient cette différence dans l'appréciation de faits qui se ressemblent à ce point!

Puisqu'on veut des lois rétrogrades, il en est d'autres que l'on pourrait invoquer avec autant de justice. Ainsi :

-21 septembre 1792, décret d'abolition de la royauté; -29 mars 1793, mise hors de la loi, pour quiconque arborera les insignes de la royauté ;

Même date: peine de mort contre les écrivains qui en provoqueront le rétablissement, à plus forte raison contre ceux qui en prêchent tous les jours les prérogatives et les bienfaits.

Quand ce n'est pas au nom de la sécurité des rois qu'on s'élève contre les Jésuites, c'est au nom de la civilisation menacée. Quelques nations, subissant ces alternatives de splendeur et de décadence par lesquelles tous les peuples passent à leur tour, ne font plus sur la scène du monde le bruit qu'elles y firent au temps de leur force et de leur majesté. L'Italie, par exemple, ne sent plus circuler dans ses veines la puissante vie qui la plaça jadis aux premiers rangs, et tout aussitôt des hommes qu'on voit se présenter comme de graves penseurs, jettent la faute de cette déchéance tantôt sur la papauté, tantôt sur la Société de saint Ignace. Fiers penseurs, en vérité, qui ne savent pas lire dans l'histoire que cette noble Italie, avant comme pendant l'existence des Jésuites, produisit les plus grands hommes et marcha vaillamment dans les voies de la civilisation humaine ! Ainsi, le premier poète épique moderne est italien, Dante. Le premier poète lyrique est italien, Pétrarque. Le premier conteur du monde est italien,

Boccace. Le premier romancier est italien, Arioste. Le premier statuaire du monde est italien, Michel-Ange. Le premier peintre du monde est italien, Raphael. Sur tous les degrés du temple du génie, vous trouverez debout un fils de cette Italie.

:

Nous sommes une grande nation, quand il faut parler contre les Jésuites les Jésuites veulent enlever la couronne au chevet de la France endormie; mais nous ne sommes plus rien, quand on oublie ce fantôme évoqué pour l'occasion, et qu'on est inspiré par les dissentiments politiques, en sorte que, des rangs mêmes des conservateurs et des progressistes, on entend s'échapper de sinistres paroles comme celles-ci, qui sont d'une date récente :

La politique terre à terre, la politique au jour le jour, cette pente insensible sur laquelle nous nous laissons nonchalamment glisser, nous fera vite passer de notre ancienne grandeur à une rapide décadence, si nous ne nous hâtons de nous arrêter. Déjà, il ne faut pas nous le dissimuler, nous avons fait un grand pas vers le déclin; notre impéritie et notre isolement sont manifestes; ils éclatent de toutes parts, aussi bien lorsqu'il s'agit de voter une indemnité au missionnaire Pritchard, sous le coup des arrogantes menaces du cabinet britannique, que lorsqu'il faut porter à la tribune nationale l'aveu que la France élèverait en vain la voix dans les conseils de l'Europe, pour réclamer à l'égard de la Pologne l'exécution des traités de 1815, de ces traités dont nous avons cependant payé assez chèrement les frais pour avoir le droit d'en demander la stricte observation.... Que sommes-nous maintenant en Europe, et où allons-nous ainsi? Nous allons où il plaît à l'Angle

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