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vre les révélations du P. Brouet. L'avocat était bien sûr alors de ne pas recevoir un démenti du Jésuite : il plaidait en 1565, et le P. Brouet était mort en 1562.

En lisant ce récit, mot pour mot, extrait de la Correspondance, des Plaidoyers et du Catéchisme de Pasquier, on conviendra qu'il faut être bien avocat pour faire ainsi de l'histoire (1).

Nous venons de voir Etienne Pasquier écrivant l'histoire sur la foi de personnages morts; voyons de quelle manière de Thou lui-même l'arrangeait, lorsqu'il était question des Jésuites.

Hieronimo Conestaggio, gentilhomme génois, a composé un livre intitulé: Dell' unione del regno di Portogallo alla corona di Castiglia. Ce livre parut en 1585, et nous citons l'édition de Venise de 1592. Conestaggio n'est pas toujours exact; de Thou, qui le suit à la piste, ne l'est pas davantage; mais, quand il s'agit des Jésuites, de Thou se fait un devoir de le défigurer. Le plagiat est évident pour ceux qui comparent les deux auteurs; la mauvaise foi est aussi éclatante. Nous en citerons une preuve entre plusieurs autres.

(1) Crétineau-Joly, Histoire de la Compagnie de Jésus, tom. II, pag. 73.-Nous avons mis plus d'une fois les honnêtes scrupules des adversaires de la Compagnie de Jésus en parallèle avec leur conduite ou leur langage. A propos de l'auteur du Catéchisme, nous nous bornerons à ces quelques lignes: On sait les beaux vers, les vers touchants d'Etienne Pasquier, le célèbre avocat-général de Henri III, le défenseur intrépide de l'Université et l'adversaire des Jésuites; rien de plus galant et de plus amoureux que ses poésies légères. » Journal des Débats, 23 mars 1846.

L'auteur de poésies galantes et amoureuses, qui poursuit la morale relâchée des Jésuites, que vous en semble?

Conestaggio, après avoir dit que les Jésuites furent appelés Apôtres, en Portugal, à cause de leurs missions au-delà des mers, ajoute : « La corruption des mœurs occasionnée chez les Portugais par l'introduction des richesses de l'Asie, fut remarquée et combattue par les Pères Jésuites chargés de l'éducation du roi Sébastien. Ces Religieux, désirant de remédier à ce mal, ne négligèrent rien pour y réussir. Mais ni leurs efforts, ni une loi somptuaire publiée par les soins de quelques hommes zélés pour le bien public, ne purent être une digue suffisante. Au contraire, cette loi trop rigoureuse, et peu en rapport avec la corruption d'un corps affaibli, causa d'abord du mécontentement et des murmures, ensuite les dérisions et les mépris, manifestations funestes dans un Etat et symptômes alarınant d'une dissolution prochaine (1). »

L'auteur génois dit que ce furent quelques hommes zétés pour le bien public qui engagèrent don Sébastien à publier cette loi; il vient de parler des Jésuites, et il passe dans la même phrase à un autre ordre d'idées; donc, d'après Conestaggio, ce ne sont pas les Jésuites qui établirent cette loi somptuaire. Voici cependant de quelle façon le président de Thou dénature le récit de Conestaggio:

Les Pères Jésuites, dit-il, étaient désignés, en Portugal, sous le nom d'Apôtres, à cause de leurs missions dans les pays idolâtres. Mais désirant vainement de remédier à ce désordre, ils prirent de là l'occasion de s'immiscer dans le gouvernement de l'Etat,

(1) Livre I, pag. 8.

et se rendirent ridicules en publiant des lois somptuaires sur le modèle des lois de l'austère Lacédémone, semblables à ces médecins ignorants qui, pour décharger le corps d'un excès d'embonpoint, tâchent de le réduire à une maigreur extrême (1). »

Si quelqu'un se rend ici ridicule et odieusement injuste, c'est l'historien français. Chaque page de Conestaggio est ainsi défigurée par de Thou. Il suit la filière des évènements, telle que l'auteur génois la présente; mais, dès qu'il est question des Jésuites, pour lesquels, du reste, Conestaggio semble au moins indifférent, de Thou altère complètement la pensée et la narration de son guide. Il accuse les Jésuites, lorsque Conestaggio ne les met pas en scène, ou qu'il les décharge de l'accusation par le récit même des faits (2).

Quel nom faut-il donner à cette improbité historique?

Nous regrettons de rencontrer sur notre route, pour une altération faite encore au préjudice des Jésuites, un érudit habitué à traiter honnêtement et sérieusement l'histoire et les lettres, M. Victor Leclerc. En 1812, à une époque où les contestations qui se voient de nos jours, ne devaient pas égarer l'esprit d'un écrivain, M. Leclerc trouvait dans les Voyages de Montaigne une satyre des Jésuites, une condamnation de cette Société. Nous mettons en regard le texte du voyageur et les commentaires de son panégyriste, afin que l'on voie comment certaines questions peuvent égarer les meilleurs esprits.

(1) Tom. IX, pag. 630 de son Histoire, édit. de 1614. (2) Crétineau-Joly, tom. II, pag. 76.

EPERNAY.-M. de Montaigne accosta en laditte église, après la messe, M. Maldonat, Jhésuite, duquel le nom est fort fameux à cause de son erudition en theologie et philosophie, et eurent plusieurs propos de sçavoir ensamble lors et l'après dinée, au logis dudit sieur de Montaigne où ledit Maldonat le veint trouver! Voyages de Montaigne en Allemagne et en Italie en 1580 et 1581, p. 635, 2 co lonne de l'édition du Panthéon littéraire.

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En traversant l'Allemagne, il avait observé déjà l'adresse cauteleuse des Jésuites, et le pouvoir excessif qu'ils commençaient à s'arroger.

grand mouvement, et qui les fait haïr du peuple, pour avoir fait forcer les prestres de chasser leurs concubines. P. 660, 1re col.

ROME.Il y avoit un autre precheur qui prechoit au Pape et aux Cardinaux, nomé Padre Toledo (en profondeur de sçavoir en pertinance et en disposition, c'est un homme très rare); un autre très éloquent et populere, qui prechoit aux Jésuites, non sans beaucoup de suffisance (abondant sçavoir) parmi son excellence de langage; les deux derniers sont Jésuites. C'est merveille combien de part ce colliége tient en la chrétianté; et croi qu'il ne fut jamais confrerie et cors parmi nous qui tint un tel ranc, ni qui produisit enfin des effaicts tels que fairont ceus ici, si leurs desseins continuent. Ils possedent tantost toute la chrétianté. C'est une pepiniere de grans homes en toute sorte de grandur. C'est celui de nos membres qui menasse le plus les hérétiques de notre temps. P. 666, 1re col.

A Rome, il avance bardiment que si les desseins de cet Ordre continuent, jamais aucune Société, aucune Confrérie n'aura produit d'effets semblables. C'est, dit-il, une pépinière de grands hommes en toute sorte de grandeur; ils possèdent tantôt toute la chrétienté. Et l'évènement a justifié ses craintes. Rome était soumise au joug de ces heureux tyrans, ou de ceux qu'ils gouvernaient. J. V. Leclerc, Eloge de Montaigne; Paris, 1812, in-8°, pag. 92.

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