صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

II. Abus de pouvoir dans les Souverains qui supprimèrent les Jésuites.-Juge ment d'un journal protestant sur cet acte de rébellion contre l'Eglise. — Les calomnies accumulées sur la Société des Jésuites ressemblent aux calomnies dont le Christianisme lui-même a été poursuivi.-Les Jésuites sont-ils nécessaires? réponse à cette objection. — Leur impopularité : réponse à cet argument.

Le dernier siècle a vu s'accomplir une des iniquités les plus monstrueuses que la justice humaine ait jamais provoquées et sanctionnées de son autorité. Si ce fut, de la part de Clément XIV, une faute, à peu près inévitable, du reste, que la suppression d'un Ordre religieux qui, depuis deux cents ans, rendait au monde et à la religion les plus éminents services, ce fut un affreux abus de pouvoir chez les divers souverains qui, pendant plus de dix ans, mirent en jeu toute leur diplomatie pour forcer la main à la papauté au profit des Jansénistes et des philosophes. Les premiers se laissèrent aller si ardemment à la joie du triomphe, que ceux-ci, qui n'avaient, au fond, nulle estime pour eux, songèrent dès-lors à tempérer cet enivrement et à comprimer ce turbulent orgueil. On en trouve surtout la preuve dans la correspondance de d'Alembert et de Voltaire ; leurs sentiments les plus intimes y éclatent à chaque page, à chaque ligne presque, et témoignent énergiquement de la fatale illusion à laquelle se livraient des princes qui jusque-là avaient protégé ce qu'ils renversaient aujourd'hui.

Avant la fin du siècle qui avait vu expulser les Jésuites, il y eut des voix pour prédire avec certitude le rétablissement de cette illustre Société. « Comment,

en effet, observe un journal protestant, des souverains restés catholiques, eux et leurs peuples, auraient-ils pu persévérer dans la proscription d'un Ordre qui n'était qu'un produit parfaitement légitime de la religion qu'ils professaient? La contradiction était trop choquante; elle ne pouvait durer. Il y a lieu même d'être surpris qu'on y fût tombé. Abolir un Ordre consacré par l'approbation des papes et par celle d'un Concile, n'était-ce pas, de la part des souverains catholiques du Portugal, de la France et de l'Espagne, l'acte de rébellion le plus manifeste contre l'Eglise? Aussi n'a-t-il pas fallu moins qu'une si singulière complication d'intérêts, de passions et d'idées pour amener un tel évènement (1).

Cet aveu est remarquable, et décèle dans un ennemi du catholicisme le sentiment profond des droits, comme de la sagesse des institutions que l'Eglise suscite et protége. Nous n'avons pas d'autre ambition que de prouver, par le récit des faits, ce qu'il y a d'exact et de sensé dans les courtes observations de l'écrivain protestant. Le sujet est vaste; mais, au xix siècle, après les cruelles expériences qui ont été faites dans toute l'Europe, nous sommes bien placé pour montrer la folie des illusions dont s'étaient bercées tant de gens qui croyaient posséder seuls la sagesse et avoir le secret de l'avenir.

C'est avec le vaste arsenal d'injures et de calomnies amassées contre les Jésuites, dès leur origine, que les adversaires de cette illustre Société leur font aujour

(1) Le Semeur, 30 oct. 1844, pag. 347.

d'hui, comme au xvin sièle, une guerre acharnée et déloyale. Si elles sont vraies, et qui donc oserait en douter? si elles sont vraies, ces prophétiques paroles de notre Seigneur Jésus-Christ: Vous êtes heureux, lorsqu'on vous aura injuries et persécutés, et qu'on aura dit toute mauvaise parole contre vous, à cause de moi, en mentant (1), oh! alors, les fils de saint Ignace de Loyola doivent s'estimer heureux, selon Jésus-Christ; entre tous ses disciples. Que leur a-t-il manqué de ce qui constitue, en ce point, la béatitude évangélique? Rien, que nous sachions, puisque, dans un certain monde, on a fait de leur nom même une injure (2).

Peut-être se trouve-t-il dans les rangs des Chrétiens beaucoup de personnes que tant de haine trouble et émeut, en sorte que ces grands courages se laissent aller à faiblir devant la calomnie, et à croire que, après tout, il serait assez sage de sacrifier des Religieux qui ont été ou qui sont encore l'objet d'antipathies, de récriminations passionnées, et dont la cause, confondue avec celle du clergé, de l'Eglise même, ne peut que compromettre le catholicisme tout entier. De tels myopes sont à prendre en pitié, car la barque de Pierre serait encore allégée de ces importuns passagers, qu'elle ne se verrait pas moins assaillie par la fureur

(1) Matth., V, 11.

(2) Aux écrivains universitaires qui ont cru voir là une façon d'argument, nous rappellerions, si besoin était, l'origine d'une autre injure. Mouchi, recteur de l'Université, s'étant fait l'espion du cardinal de Lorraine, ce fut pour ce délateur qu'on inventa le sobriquet de mouchard. Voltaire, tom. XXII, pag. 92, édit. Beuchot. Ceux qui aiment à tirer de grandes conclusions des petites choses, peuvent ici exercer leur esprit.

des flots, et obligée de crier au pilote divin: Sauveznous, nous périssons. Le chrétien qui s'étonne que des Religieux, ardente milice de l'Eglise, soient comme un point de mire auquel s'adressent les traits les plus acérés, celui-là nous semble peu comprendre la destinée du christianisme et les luttes qu'il est appelé à soutenir. On s'afflige, sans doute, d'une si douloureuse nécessité; mais capituler, en quelque sorte, avec les aveugles passions du siècle, c'est ne pas se rappeler l'histoire de l'Eglise ni le sort du nom chrétien, pour le passé comme pour l'avenir.

A son apparition dans le monde, il fut un crime irrémissible. Le divin auteur de ce nom mourut sur une croix, du supplice des esclaves. Les Apôtres étaient des hommes pestiférés et qui excitaient des séditions (1); Rome chassa de ses murs les Chrétiens qui, sous l'impulsion du Christ, fomentaient des séditions perpétuelles (2). L'historien Tacite parle de cette funeste superstition qui avait bien été réprimée, mais qui éclatait de nouveau (3). Enfin, du milieu des édits impériaux et des flots de sang versés par les persécutions, nous entendons s'élever la voix des apologistes qui venaient prêter à un nom abhorré la force de leur savoir et de leur éloquence.

Tertullien, sur le seuil du Ie siècle, disait aux Césars et au peuple païen : « Maintenant donc, puis

(1) Act. XXIV, 5.

(2) Sueton. in Claud. cap. XXV.

(3) Reos, per flagitia invisos, vulgus Christianos appellabat. Auctor nominis ejus Christus.... Repressa in præsens exitiabilis susperstitio rursus erompebat. Annal. XV, 44.

qu'il y a haine du nom, quel est le crime d'un nom De quoi accuser un mot, à moins que ce mot ne signi, fie quelque chose, ou de barbare, ou de sinistre, ou de calomniateur, ou d'impudique (1)? » Voilà pour le nom de chrétien.

Quant aux forfaits qui mettaient sous le coup des édits impériaux et des proscriptions tous ceux que Jésus-Christ avait honorés de ce nom, c'est dans les apologies des Pères de l'Eglise et dans les Actes des martyrs de la foi qu'on apprend à en connaître l'horreur. Un des moindres vices des Chrétiens, c'était d'être inutiles au monde, infructueux dans les choses humaines (2); ils étaient les ennemis des dieux, des très-augustes Empereurs et de la République ; ce n'était qu'une vile secte d'adultères, d'incestueux; ils avaient des réunions nocturnes dans lesquelles s'opérait une hideuse promiscuité des sexes; ils mangeaient enfin de jeunes enfants dans leurs sanglantes agapes.

Tels furent nos ancêtres, et cela pendant plusieurs siècles. Leur scélératesse n'était guère douteuse pour les magistrats d'alors et pour les beaux esprits qui avaient le privilége d'agir sur la pensée des peuples. Voilà d'où nous venons, de cet abîme de malédictions et de calomnies.

Et maintenant l'on s'étonnera que des Religieux institués par un Saint qui est honoré d'un culte public dans l'Eglise, que des prêtres élevés à l'honneur du sacerdoce au même titre que tous les autres prêtres, se voient poursuivis avec cette frénésie et ces ardeurs

(1) Tertull. Apologet., cap. III.

(2) Infructuosi negotiis vestris. Ibid., cap. XLI.

« السابقةمتابعة »