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sante pour la morale, puisqu'il ne s'agit que de transporter notre amour et nos espérances à cet être général et abstrait, qui est la substance commune de tous les individus, et qui s'appelle l'humanité. Cette ame qui habite mon corps et le fait vivre, ne doit me quitter un jour que pour en revêtir aussitôt un autre, et, selon que j'aurai été digne de colère ou de faveur, je renaîtrai philosophe ou prolétaire. La justice de M. Leroux est satisfaite à ce prix, et pourvu que, dans une autre vie, j'aie mérité les biens ou les maux de la vie présente, il n'importe que je le sache ou que je l'ignore: c'est peine ou récompense à mon insu.

. Cette théorie de la métempsychose n'est pas nouvelle; elle remonte jusqu'à Pythagore, et même jusqu'aux Indes et à l'Egypte, et M. Pierre Leroux prend soin de le déclarer : et quand on est disposé comme lui à voir dans le fratricide de Caïn l'énergique symbole par lequel Moïse flétrit l'établissement de la propriété; quand on ne sait aucune différence entre Moïse, Rousseau et Babœuf; quand on appelle la Pâque un repas égalitaire, il n'est pas bien difficile de montrer que la métempsychose remonte jusqu'à l'Egypte; seulement, pourquoi se borner à constater l'origine de cette théorie? Pour bien faire, il faudrait encore ajouter, ce qui est vrai, qu'elle y servait de base à la distinction infranchissable des castes. Comment parler, en effet, d'égalité? Comment même rappeler l'ancienne formule des temps féodaux, le hasard de la naissance? Il n'y a point hasard, mais justice dans l'inégale distribution des biens de ce monde; celui qui naît au dernier rang expie les fautes de sa vie passée; et je ne suis pas plus

tenu de partager avec lui mon bien-être, que de tirer les malfaiteurs de leur prison, êt de les établir avec moi dans une égalité des biens que la société nous procure. Les égalitaires qui travaillent avec M. Pierre Leroux à établir entre tous les hommes une communauté parfaite de toutes choses, ne seraient pas moins fous, à ce prix, que le bon chevalier de la Manche, qui délivra si généreusement les prisonniers de la SainteHermandad, et qui déjà prenait pour des géants et des sorciers, et pourfendait à grands coups de lances ces honnêtes agents de la tranquillité publique (1). ■

Voilà comment les philosophies rivales, toutes d'accord cependant contre l'Eglise, se traitent entre elles dans leurs jours de franchise et de colère, donnant ainsi gain de cause aux Catholiques, et renouvelant le spectacle de ce profond désaccord qu'un Père grec, Hermias, flagellait si rudement chez les philosophes de l'antiquité.

Laissons là un instant la philosophie, et revenons aux hommes d'Etat. Celui qui se présente tout d'abord, c'est le ministre des cultes, M. Martin (du Nord). Fautil chercher des griefs nombreux, quand c'est assez contre lui qu'il nous apparaisse comme un audacieux violateur de la loi? Or, voici ce qu'a dit le Siècle:

« Il trompe la religion du roi, pour en obtenir une ordonnance qui viole effrontément la loi sur le Conseild'Etat (19 juillet 1845). Par une jesuitique interprétation, il étend le cadre que le législateur avait voulu restreindre; et le nombre actuel des maîtres de requê

(1) Jules Simon, Revue des Deux-Mondes, 1843, tom. 1, p. 370.

tes, au lieu de s'abaisser successivement jusqu'à trente, s'élève, par une fournée, de 64 qu'il était, à 87 (1). »

Ce beau français du Siècle, sur la violation d'une loi, nous mène directement à un autre personnage, grand parleur de légalité, et dont la conduite équivoque fut aussi remarquée dans la question des maîtres de requêtes.

Quant à M. Dupin aîné, nous serons sobre, précisément parce que le sujet est riche, très-riche. Nous nous bornerons à quelques timides appréciations, et encore à de fort récentes.

Tout le monde sait, dit un journal de préfecture, combien peu d'importance s'attache au sentiment de M. Dupin, qu'il soit favorable ou contraire. Il y a aussi peu à compter sur les sympathies que sur les antipathies de l'honorable Procureur-général. On le compte aujourd'hui dans le centre gauche; il passera demain, à la gauche, si une épigramme lui offre une issue de ce côté. Les changements de M. Dupin n'ont pas d'autre raison que l'occasion d'un trait spirituel. Pour être juste, il faut convenir qu'il en fait beaucoup (2). ►

Ah le bel éloge du premier Procureur-général de France!

« C'est une nouvelle que nous devons à nos lecteurs, dit une feuille démocratique : M. Dupin a fait un acte de piété domestique. Un de ses neveux se trouve compris parmi les auditeurs au Conseil-d'Etat, qui viennent d'être nommés par M. Martin. L'oncle a été le Procureur - général. M. Dupin n'a plus le pouvoir de voter

(1) Le Siècle, 25 janv. 1846.

(2) Le Rhône, journal de Lyon, 31 décembre 1845.

contre un ministère qui viole toutes les lois; mais pour prouver à tout le monde qu'il n'en est pas moins le successeur de M. d'Aguesseau, il emploie son temps et sa science à fulminer des réquisitoires contre les cartes biseautées. Ce grand acte de courage ne sauve peutêtre pas la patrie; mais il sauve les journaux, qui devront une statue à M. Dupin (1). »

« M. Dupin aîné disait, le 22 août 1830, à l'audience de la Cour de Cassation: Il est résulté (de la révolution de 1830) une grande leçon pour les gouvernements; ils ne peuvent plus oublier que ce sont les lois franchement acceptées et franchement exécutées qui font leur force et leur légitimité. Très-bien! mais comment reconnaître cet énergique défenseur de la légalité dans ce magistrat-député qui, avant-hier, au palais Bourbon, s'esquivait couardement par une porte de derrière, au lieu de déposer, à propos de l'amendement FeuilladeChauvin, son vote contre un ministre notoirement convaincu d'avoir violé la loi ?

« M. Dupin ne se soucie plus apparemment de donner, sous ce rapport, des leçons aux gouvernants (2). » C'est un intrépide pourfendeur de Jésuites, que M. Dupin, quoiqu'il ait porté les cordons du dais à une procession de St-Acheul. C'est aussi un gallican passionné, par la même raison qui lui fait avoir si grande peur des disciples de saint Ignace. « Je ne sais, a dit un de ses collègues à la Chambre des Députés, mais il faut qu'il

(1) La Réforme, 26 janv. 1846.

(2) Charivari, 26 janv. 1846.-Nous ne voudrions pas prendre au sérieux les plaisanteries de ce journal; il se borne ici à constater un fait.

y ait quelque anachronisme dans son acte de baptême. Il a des respects, de la révérence pour les bonnets carrés de la basoche. Il enfourcherait une mule pour aller encore aux audiences de la grand'chambre du Parlement qui se tenaient l'an de grâce 1550, à sept heures du matin, si les juges d'aujourd'hui ne dormaient pas jusqu'à dix. Vous croyez que la vieille Sorbonne est morte, que les vieux Parlements sont morts; vous vous trompez, ils ne sont pas morts pour M. Dupin, ces intrépides champions des antiques et saintes libertés de l'Église gallicane. M. Dupin s'agenouille éjaculatoirement devant leurs perruques; il évoque, dans son oratoire, les mânes de cet ingénieux Pithou.Il lui demande de vouloir bien ne lui apparaître toujours qu'en compagnie de ses 83 libertés, ni plus ni moins d'une. Son tempérament ne lui laisse pas un moment de grâce. Presque toutes les nuits il voit le royaume de France en interdit, et, dans son patriotique effroi, il supplie, il conjure le Roi et les Chambres de se défendre bravement contre la régale, les componendes, les comtes palatins et les bâtards au temporel. Voilà l'état de l'ame de ce pauvre M. Dupin (1). »

Voyons encore M. de Salvandy, ministre de l'instruction publique, le lettré conséquemment qui se trouve chargé aujourd'hui de diriger les études de la jeunesse du royaume. Eh! bien, que va-t-on nous en dire?

Il est inquiet, turbulent, pompeux et vide, pas méchant, du reste, mais amateur de menus détails, grand faiseur de petites enseignes, s'agitant toujours pour

(1) Cormenin, Feu! Feu! pag. 55, 1re édit.

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