صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

le passé desquels il faut toujours se taire. M. Lerminier est aujourd'hui le haut exécuteur des œuvres littéraires. Faisant la guerre à tous les piédestaux, depuis qu'il a vu le sien, élevé, dans une nuit, par surprise, s'abîmer le lendemain, il s'est attaqué à toutes les gloires établies, et a cherché à les immoler à sa jalousie peut-être, peut-être aussi à l'intérêt de ceux dont il subissait le patronage. Quoi qu'il en soit, cet auteur ne sera bientôt plus connu dans la littérature que par le nom de l'homme aux phases, non qu'on veuille rappeler par là que, après avoir brillé quelque temps, il mit un jour une sourdine à sa lanterne pour ne pas divulguer les lieux qu'il éclairait de son esprit, de peur que les chercheurs de fortune ne vinssent de son côté, mais tout simplement parce que, appliquant la science des Kepler et des Arago à l'observation de l'espèce humaine, il a trouvé qu'il en était de certains écrivains comme des astres..... Ne serait-ce pas que M. Lerminier, voyant chaque jour le ciel obscur de sa politique abandonné par les constellations qui l'éclairaient, veut, en frappant le premier, se soustraire à l'attaque, et qu'il applique, avec une héroïque audace, à d'autres écrivains, de peur qu'on ne l'applique à lui-même, ce mot de phase, qui doit souvent se présenter à lui, quand il fait un retour sur sa vie (1)? »

En 1831, M. Salvandy, actuellement ministre de l'Instruction publique, s'élevait contre les doctrines communistes de M. Lerminier. « La preuve, disait-il, que la politique révolutionnaire nous déborde, et que nous

(1) Revue indépendante, tom. XV, pag. 453-456.

allons rétrograder de plusieurs siècles, c'est que le dogme de la confiscation est repris et soutenu sans cesse. Un docte jeune homme, M. Lerminier, développe ce droit de la société d'exhéréder des minorités tout entières pour l'utilité générale. Il ne voit pas qu'il y a là dix blasphêmes, dix attentats. Après avoir développé la démonstration de cette vérité, M. de Salvandy ajoutait : « Eh bien, un savant professeur de droit pose philosophiquement ces maximes, et la France les entend sans s'étonner (1). . M. Lerminier n'est plus aujourd'hui ce révolutionnaire qui prêchait des doctrines tendant à la confiscation, et ce n'est pas nous qui le blâmerons d'être revenu de si loin, mais on voit par là s'il lui convient bien de faire passer les autres sous la verge de sa critique magistrale.

Ancien et fervent apôtre de Saint-Simon, M. Lerminier s'est résigné, depuis qu'il s'est vu déshérité de sa chaire, à être un des limiers de la Revue des DeuxMondes et de ses patrons. Sans avoir de doctrines religieuses qui soient fixes et arrêtées, sans professer des opinions politiques bien saisissables, il est venu successivement faire la leçon à M. de La Mennais, qu'il s'efforçait autrefois de précipiter dans les chemins de l'hétérodoxie; -à MM. Quinet et Michelet, qui ne diffèrent de M. Lerminier que par leur esprit aventureux et leur bravoure compromettante; à M. de Cormenin, que le versatile professeur n'a pas rougi de poursuivre jusque sur le terrain des variations politiques, comme

---

(1) Seize mois, ou la Révolution et les Révolutionnaires; Paris, 1831, in-8°, pag. 416-417.

tenu de partager avec lui mon bien-être, que de tirer les malfaiteurs de leur prison, êt de les établir avec moi dans une égalité des biens que la société nous procure. Les égalitaires qui travaillent avec M. Pierre Leroux à établir entre tous les hommes une communauté parfaite de toutes choses, ne seraient pas moins fous, à ce prix, que le bon chevalier de la Manche, qui délivra si généreusement les prisonniers de la SainteHermandad, et qui déjà prenait pour des géants et des sorciers, et pourfendait à grands coups de lances ces honnêtes agents de la tranquillité publique (1). •

Voilà comment les philosophies rivales, toutes d'accord cependant contre l'Eglise, se traitent entre elles dans leurs jours de franchise et de colère, donnant ainsi gain de cause aux Catholiques, et renouvelant le spectacle de ce profond désaccord qu'un Père grec, Hermias, flagellait si rudement chez les philosophes de l'antiquité.

Laissons là un instant la philosophie, et revenons aux hommes d'Etat. Celui qui se présente tout d'abord, c'est le ministre des cultes, M. Martin (du Nord). Fautil chercher des griefs nombreux, quand c'est assez contre lui qu'il nous apparaisse comme un audacieux violateur de la loi? Or, voici ce qu'a dit le Siècle :

« Il trompe la religion du roi, pour en obtenir une ordonnance qui viole effrontément la loi sur le Conseild'Etat (19 juillet 1845). Par une jésuitique interprétation, il étend le cadre que le législateur avait voulu restreindre; et le nombre actuel des maîtres de requê

(1) Jules Simon, Revue des Deux-Mondes, 1843, tom. I, p. 370.

tes, au lieu de s'abaisser successivement jusqu'à trente, s'élève, par une fournée, de 64 qu'il était, à 87 (1). »

Ce beau français du Siècle, sur la violation d'une loi, nous mène directement à un autre personnage, grand parleur de légalité, et dont la conduite équivoque fut aussi remarquée dans la question des maîtres de requêtes.

Quant à M. Dupin aîné, nous serons sobre, précisément parce que le sujet est riche, très-riche. Nous nous bornerons à quelques timides appréciations, et encore à de fort récentes.

Tout le monde sait, dit un journal de préfecture, combien peu d'importance s'attache au sentiment de M. Dupin, qu'il soit favorable ou contraire. Il y a aussi peu à compter sur les sympathies que sur les antipathies de l'honorable Procureur-général. On le compte aujourd'hui dans le centre gauche; il passera demain, à la gauche, si une épigramme lui offre une issue de ce côté. Les changements de M. Dupin n'ont pas d'autre raison que l'occasion d'un trait spirituel. Pour être juste, il faut convenir qu'il en fait beaucoup (2). ►

Ah! le bel éloge du premier Procureur-général de France !

« C'est une nouvelle que nous devons à nos lecteurs, dit une feuille démocratique : M. Dupin a fait un acte de piété domestique. Un de ses neveux se trouve compris parmi les auditeurs au Conseil-d'Etat, qui viennent d'être nommés par M. Martin. L'oncle a été le Procureur-général. M. Dupin n'a plus le pouvoir de voter

(1) Le Siècle, 25 janv. 1846.

(2) Le Rhône, journal de Lyon, 31 décembre 1845.

s'il n'y avait pas des bornes que l'apostasie même devrait ne jamais franchir!

La Revue des Deux-Mondes voulut répondre par une salve d'honneur aux avances de la Revue indépendante, et écrivit sur le fondateur de ce recueil les gracieusetés que voici :

<< Examinez la philosophie de M. Pierre Leroux. A coup sûr, s'il existe quelque part un démocrate sincère et radical, c'est bien lui; et lorsque, après avoir prêché à Lyon la doctrine Saint-Simonienne, puis rompu ouvertement avec la religion nouvelle, et tenté de fonder l'école humanitaire, il livra enfin au public, après dix années, son grand ouvrage, on pouvait craindre d'y trouver des traces de cette vie aventureuse qui l'avait d'abord poussé des bancs de la Sorbonne, où il applaudissait M. Cousin, dans la chaire des prophètes SaintSimoniens; mais on devait s'attendre à n'y trouver rien de contraire au principe de l'égalité, que les plus immoraux des ennemis de M. Leroux, les éclectiques euxmêmes, ne songent pas à contester.

« Et cependant qu'arriva-t-il ? Que l'on suive un instant l'enchaînement de son système. Selon M. Pierre Leroux, tout l'homme est dans ces trois phénomènes, sensation, sentiment, connaissance; il n'est pas question de la liberté : ces trois phénomènes sont inséparables des phénomènes corporels, d'où il résulte que l'existence de l'ame séparée du corps est une abstraction, ou un pur rien. S'ensuit-il que tout périt avec nous, et que le système de M. Pierre Leroux ne diffère en rien de la vieille doctrine matérialiste? Loin de là chacun de nous est immortel, non comme individu, mais comme espèce; et c'est une base suffi

:

« السابقةمتابعة »