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ces amères et fiévreuses déclamations contre M. de Salvandy. Et, en vérité, il y a de quoi gémir, et nous n'avons guère le courage de nous en fâcher; car c'était un si beau royaume; c'était une si belle part de la souraineté publique, d'autant plus belle qu'elle s'exerçait sans contrôle et sans responsabilité; d'autant plus respectable, qu'elle s'exerçait à vie, et pouvait flatter les intérêts de l'homme de parti, en même temps que l'orgueil du philosophe.

« Et tout cela est maintenant rendu à l'autorité directe des Recteurs, à l'autorité consultative des Inspecteurs généraux, à l'expédition des bureaux et à la décision du ministre responsable! Oh! nous nous sentons, en vérité, pleins de commisération pour ces regrets dont le Constitutionnel se fait l'écho (1)! »

«En reproduisant aujourd'hui contre M. de Salvandy toutes les déclamations, toutes les injures dont ils poursuivaient, il y a deux ans, l'esprit éminent et politique qui présentait alors le projet de loi sur l'ins truction secondaire, M. Cousin et ses amis montrent qu'ils plaidaient alors comme aujourd'hui, non pas la cause de l'Université, ni celle de l'Etat, mais celle de leur domination personnelle. Nous n'en avons jamais douté, et personne n'en doutera désormais (2). »

M. Cousin est venu déclamer contre le décret de 1808, qu'il signalait, il y a deux ans, comme l'un des plus beaux chefs-d'œuvre de la sagesse humaine, et n'a plus voulu voir qu'une sorte de statut réglementaire

(1) La Pressse 22 décembre 1845.

(2) Ibid. 23 décembre 1845.

dans cette loi qu'il appelait autrefois la charte constitutive de l'Université.......

La Presse du 12 janvier 1846, après s'être ainsi exprimée, s'attache à flétrir les contradictions et les prétentions du philosophe éclectique, puis elle parle de ce a qui fait ses regrets, de ce partage d'attributions en vertu duquel M. Cousin administrait sous le nom du ministre responsable, et gouvernait despotiquement l'enseignement de la philosophie en France (2). »

Le journal des Fouriéristes jugeait ainsi, dans la même discussion, M. Cousin:

« Grâce à M. Cousin qui ne peut se résoudre à subir les récentes ordonnances sur le Conseil royal, les préliminaires de la discussion de l'adresse à la Chambre des Pairs ont absordé une seconde journée. L'honorable pair a tenté de se relever des atteintes qu'il avait reçues de M. de Salvandy, mais en vain. Pendant une heure et demie, il a parcouru toutes les notes de la gamme parlementaire, depuis les plus caverneuses jusqu'aux plus aiguës, avec accompagnement de la pantomime la plus dramatique, gestes incohérents, attitudes bizarres, coups répétés sur la tribune; rien n'y a fait. Son procès était jugé. La Chambre l'a écouté avec la politesse qu'elle ne refuse à aucun écart, même aux déclamations doctorales des professeurs: mais un mot quelconque d'approbation, elle le lui a refusé. Il a dû retourner à son banc au milieu du silence le plus glacial. Et c'était juste.

<< Comme orateur, à quel titre aurait-il obtenu un triomphe ou seulement un succès? La veille, du moins,

(1) La Presse, 12 janvier 1846.

son discours était écrit avec cette brillante précision qui le distingue; mais cette qualité disparaissait dans l'improvisation d'aujourd'hui, et dans tous ces grands mou. vements d'une éloquence bruyante on ne pouvait trou. ver, en allant au fond, qu'un plaidoyer d'avocat. Un moment nous avons cru assister à une audience de tribunal civil, quand M. Cousin discutait le point de fait et le point de droit, et les nullités, et quand il faisait appel aux magistrats pour les prendre à témoin sur des arguties de légiste. La querelle de légalité était son seul instrument d'attaque; et cependant sa hardiesse n'allait pas jusqu'à soutenir l'illégalité, l'inconstitutionnalité de l'ordonnance du 7 décembre. Il fallait donc soutenir que l'ancien système valait mieux que le nouveau, et cela même, il ne l'osait; car, au lieu de réclamer franchement le retrait pur et simple de cette néfaste or. donnance, il invoquait avec une énergie qu'on ne lui avait jamais connue en cette matière, quand il était ministre, une loi nouvelle pour régler et coordonner les éléments multipliés de l'éducation nationale. Toute la Chambre paraissait convaincue que sous l'ampleur de ces phrases à effet se cachaient de mesquines rancunes personnelles, et un tel sentiment eût suffi pour expliquer et justifier son indifférence.

<< Mais il y a des motifs d'un ordre plus élevé qui, sous d'autres rapports, légitiment cette réprobation. Depuis quinze ans, M. Cousin exerce en France une influence souveraine sur l'enseignement universitaire. De quels bienfaits le pays lui est il redevable? d'aucuns. Autrefois, disciple de Platon, il avait, dans sa chaire de philosophie, mérité les suspicions du pouvoir, pour avoir parlé à la jeunesse de liberté. Devenu arbitre sou

verain des hautes études, au lieu de passionner les générations nouvelles pour le bien idéal, pour l'ordre suprême, pour la noble liberté, il les a laissées se perdre dans l'insouciance de la vertu et le dédain des grandes pensées. C'est à l'éclectisme, science du moi solitaire, source funeste d'égoïsme et de scepticisme, qu'il faut attribuer cet abaissement général des caractères que l'on déplore aujourd'hui dans les classes moyennes. Si elles ont remplacé l'amour désintéressé du progrès par l'amour des places et de l'or, l'éclectisme surtout en est coupable. On pouvait espérer du moins que M. Cousin, qui devait sa réputation au culte indépendant de la philosophie, montrerait quelque bienveillance aux censeurs qui le suivraient dans cette voie. Tout au contraire, jamais despote ne s'imposa avec plus de raideur que M. Cousin. On a pu citer des professeurs qui ont expié pendant des années entières le tort d'avoir voulu s'affranchir de ses idées. Qu'il expie à son tour, dans un délaissement universel, le tort de son infidélité à la mission que lui assignait un beau talent. Seul il a régné, seul il tombera. Dès aujourd'hui sa chute est accomplie, et M. Chambolle peut chercher pour son ministère un autre chef de l'instruction publique.

N'oublions pas de dire, comme trait de mœurs parlementaires, qu'avant l'ouverture des débats, M. Cousin a échangé les plus chaudes poignées de main avec MM. de Salvandy et Guizot (1). »

Le Siècle du 17 décembre 1845 attaquait l'évêque de Chartres, comme coupable d'avoir méconnu le mérite de M. Cousin, qui a si bien battu en brèche la morale

(1) Démocratie pacifique, 10 janvier 1846.

de l'intérêt, et là-dessus on offrait à l'admiration publique un passage de ce plaidoyer contre la morale perverse dont il s'agit.

Mais la même année, ce même journal recevait dans son feuilleton une nouvelle Némėsis d'un poète qui avait préconisé, par une Némėsis moins jeune, le désintéressement de M. Cousin, et offert ainsi le curieux parallèle de la pratique et de la théorie chez le chef de l'éclectisme.

M. Cousin, le volontaire royaliste, le philosophe libéral d'autrefois, s'étant donné sans réserve au justemilieu, qui l'a fait pair, et lui a octroyé diverses fonctions assez lucratives, voici ce qu'inspirait à M. Barthélemy le malheureux sort du vertueux proscripteur de la morale de l'intérêt:

Dans notre siècle athée, heureux qui se confie
Au modeste repos de la philosophie!
Heureux qui lit Platon mieux qu'un Grec de Péra,
Danse aux joyeux salons où le monde l'invite,
Professe un cours public que le public évite,
Et se macère à l'Opéra !

Ah! que tes devanciers de Rome ou de l'Attique
Avaient bien mal compris la pensée éclectique,
Grand Victor! Ils jeûnaient de misère à leurs cours;
Sur les fonds de l'Etat ils n'avaient point de rentes;
Des disciples suivaient leurs doctrines errantes,
Et payaient bien mal leurs discours.

Pour apaiser leur faim, digne des temps d'Homère,
On leur donnait parfois une laitue amère;
On glissait, dans la nuit, sous leurs modestes toits
L'huile dont les écrits sentent toujours l'empreinte,

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