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pas un moyen, c'est un but. Il s'agit de le garder et non de l'employer. A ses yeux, le meilleur, le plus sage, le plus grand des ministres, n'est pas celui qui fait les choses les plus grandes ou les plus utiles, c'est celui qui dure le plus. M. Guizot, en un mot, n'est pas un homme d'Etat : c'est un courtisan de la royauté quand il est ministre, et, quand il ne l'est plus, de la popularité, jusqu'à ce qu'il le redevienne.

«M. Thiers a plus d'un de ces traits communs avec M. Guizot, mais il a moins de solennité et moins de tenue extérieure. M. Thiers a passé sa vie à tromper et à être trompé, à être le jouet des chancelleries étrangères et à se faire un jouet de l'opinion publique. Qu'on prenne les discours de M. Thiers, on y trouvera le pour et le contre à foison, on y trouvera les avances aux carlistes et la haine des carlistes, l'homme révolutionnaire et l'impitoyable réacteur, l'amour de la nationalité dans les mots, le dédain de la nationalité dans les actes. Mais, au fond, on y verra toujours dominer l'esprit de despotisme et d'impérialisme. Heureusement, M. Thiers semble ne s'être pas pris lui-même au sérieux; personne n'a été plus souvent dupé que lui par les chancelleries étrangères, et personne ne s'est montré plus satisfait et plus glorieux d'avoir été trompé. Personne n'a été plus complaisant pour elles, et personne ne passe auprès d'elles pour être aussi brouillon. M. Thiers peut se vanter d'avoir fait à l'Europe plus de concessions que qui que ce soit, pour gagner son amitié, et il n'a conquis que ses répugnances. On ne se méfie pas de ses intentions, on redoute sa légèreté. On ne craint pas son patriotisme, on suspecte son caractère. Objet des inquiétudes du dehors et des méfiances du dedans,

:

M. Thiers n'a d'autre force que son inconsistance même. Aucun parti ne se refuse l'espoir de le posséder un jour. Il est peut-être le seul homme qui ait eu le privilége de se trouver premier ministre de deux gouvernements à la fois : ministre d'un gouvernement officiel à Paris, ministre d'un gouvernement insurrectionnel à Boulogne. Attaqué par tous les partis, par tous les hommes parlementaires, M. Thiers a été successivement avec tous les hommes et tous les partis. Le Constitutionnel l'attaquait jusque dans sa probité personnelle en 1834, aujourd'hui le Constitutionnel est son organe et son serviteur. M. Jaubert faisait contre M. Thiers, ministre des travaux publics, un rapport flétrissant quelques années après, M. Thiers et M. Jaubert entraient ensemble au ministère. Personne n'a autant honni, vilipendé, persécuté la gauche pendant sept ans; aujourd'hui, M. Thiers est le Dieu de la gauche. Enfin, jusqu'en 1840, M. Thiers se glorifiait d'incarner en lui l'alliance anglaise, et, en 1840, cette alliance se brisait dans ses mains. M. Thiers a tout essayé dans la politique et n'a réussi en rien. Il a recherché, sans la garder, la confiance de l'Autriche, de la Prusse, de l'Angleterre, et celle des centres et celle de la gauche; tantôt allié de force, et le lendemain ranimant la réaction contre elle; toujours inconstant, toujours mobile, mais toujours égoïste : né pour l'intrigue de chambre ou de palais, mais incapable de grande politique (1). »

Nous voici à M. Cousin, le grand-maître de la philosophie du xixe siècle. A une époque où la Revue des

(1) L'Esprit public, 3 mars 1846.

Deux-Mondes, toujours dirigée par le même personnage, n'était pas inféodée au pouvoir, elle s'en prit à M. Cousin, et ce fut M. Lerminier, professeur au Collége de France, qui se chargea de régenter non-seulement M. Cousin, mais encore l'Eclectisme en lui incarné. Il s'agissait de montrer l'impuissance et l'invalidité de la philosophie qui a fleuri sous la Restauration, PEclectisme proprement dit (1).

M. Lerminier, après avoir essayé de définir ce que c'est qu'une tête philosophique, et montré qu'il la reconnaît à des facultés primesautières et inventives, refuse ce don à M. Cousin.« C'est son caractère, dit-il, de n'avoir jamais pu trouver et sentir la réalité philosophique lui-même; îl la lui faut traduite, découverte, systématisée; alors il la comprend, l'emprunte et l'expose.» Heureux mortel, qui comprend une réalité qu'on lui a traduite !

Mais M. Lerminier continue ses démonstrations : « Nous sommes forcé d'induire que M. Cousin n'est pas, à proprement parler, un philosophe.... En Allemagne, on se prend à sourire si quelque Français, fraîchement arrivé, parle de notre compatriote comme d'un véritable métaphysicien. »

Là-dessus arrive un exposé des travaux de M. Cousin et de ses tâtonnements, de ses évolutions philosophiques et même politiques. Vous voyez, écrit l'auteur des Lettres, que « M. Cousin a été écossais, kantiste, alexandrin, hégélien, éclectique; il nous reste à chercher s'il a jamais été et s'il est philosophe.

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(1) L'article sur M. Cousin se trouve réimprimé dans les Lettres à un Berlinois; Paris, Paulin, 1813, in-8°.

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C'est une question que M. Lerminier ne résout nullement à l'avantage de M. Cousin. Abordant ensuite un point très-sérieux et très-grave, M. Lerminier continue :

« On m'a demandé quelquefois si M. Cousin était panthéiste; j'ai répondu que je l'ignorais, et je crois qu'il n'en sait rien lui-même. Quel est, en effet, le sens exact de cette phrase: Le dieu de la conscience n'est pas un dieu abstrait, un roi solitaire, relégué, par-delà de la création, sur le trône désert d'une éternité silencieuse et d'une existence absolue qui ressemble au nėant même de l'existence; c'est un dieu à la fois vrai et réel, à la fois substance et cause, toujours substance et toujours cause, n'étant substance qu'en tant que cause, et cause qu'en tant que substance; c'est-à-dire, étant cause absolue, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l'être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c'est-à-dire à la fois dieu, nature et humanitė.

Que pouvons-nous en conclure, si ce n'est que M. Cousin est déiste en tant que cause, et panthéiste en tant que substance? Je sais qu'ailleurs il s'est élevé éloquemment contre le panthéisme, mais quelle est sa théodicée positive?

M. Lerminier continue à presser M. Cousin.

« Et le christianisme, dit-il! M. Cousin a-t-il pris làdessus un parti sérieux et définitif? Sans doute, il a reconnu, dans l'esprit humain, l'autorité des autorités; mais a-t-il toujours déduit et pratiqué les conséquences de ce principe? N'a-t-il pas quelquefois formé le plan d'une philosophie qui ne serait que la doublure de la

tradition? N'a-t-il pas quelquefois cherché à concilier les honneurs de l'indépendance avec les sûretés de l'orthodoxie? »

Il nous resterait à suivre M. Lerminier dans tout ce qu'il objecte de sensé contre la philosophie dont M. Cousin a voulu se faire le créateur et le patron, philosophie qui n'en est pas une, car elle n'est qu'un centon, qu'un assemblage de systèmes et de fragments de systèmes. Nous ne voulons pas regarder ici M. Lerminier comme plus important qu'il n'est; un catholique doit se souvenir que ce philosophe ex-saint-simonien, ex-radical, est un des hommes qui ont le plus préconisé la raison aux dépens de la révélation, insulté et travesti nos croyances, méconnu les sublimes enseignements de l'Evangile, jusqu'à repousser d'un ton superbe la sainte vertu d'humilité, sous le beau prétexte qu'elle nous ravale par trop. Nous devons nous rappeler d'un autre côté, et ceci a bien son enseignement, que tout le bruit philosophique de M. Lerminier et son radicalisme se perdirent un jour dans une place de conseiller d'Etat. C'est précisément parce que M. Lerminier ne saurait être suspect et qu'il n'est pas des nôtres, que l'on ne pourra pas nous contester un jugement que nous formulons sur M. Cousin par la bouche de M. Lerminier, l'oracle de la Revue des Deux-Mondes. Voilà ce que le parti libéral et philosophique pensait et écrivait de M. Cousin en 1833. A présent, que l'on s'irrite contre les catholiques, lorsqu'ils ne veulent pas d'une pareille philosophie! Sont-ils si injustes et si mal fondés?

M. Cousin, il est vrai, se défend de l'accusation de panthéisme, et il le faisait assez bruyamment naguère dans la préface de son livre sur les Pensées de Pascal,

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