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un traître, un Valpoole. Voilà qui va bien, et nous espérons que ces Messieurs n'en resteront pas là.

. Ce qui frappe surtout le public dans cette lutte courtoise engagée entre deux hommes qui se connaissent pour avoir passé ensemble aux affaires, c'est que les reproches parfaitement mérités qu'ils s'adressent mutuellement touchent de tout leur poids sur le système qu'ils ont servi, qu'ils servent et qu'ils serviront. Lorsque l'opposition radicale caractérise la politique des ministres, on l'accuse d'une sorte de partialité. Quelques-uns peut-être sont tentés de la trouver injuste. Que ceux-là qui n'ont pas voulu nous croire, lisent les Débats d'hier et le Constitutionnel d'aujourd'hui, et qu'ils nous disent ensuite si jamais nous avons apprécié aussi sévèrement et le caractère et le talent de MM. Thiers et Guizot (1)..

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« Il est dans la nature de M. Guizot d'être fatal à tout ce qu'il touche. Il a servi la réaction de 1815, et l'a rendue abominable; il s'est dévoué à la Restauration pour l'abandonner ensuite; membre de la coalition, il l'a fait avorter dans sa victoire; ambassadeur du 1er mars à Londres, il l'a trahi; ministre aujourd'hui de nos relations extérieures, il les conduit de telle sorte que le pays ne peut y regarder sans rougir. Ah! qu'il se vote des médailles, qu'il moule en bronze son voyage de Gand; il est désormais tombé si bas que le mépris même ne pourra jamais descendre assez bas pour l'atteindre (2). »

Le Journal des Débats, qui louait avec un zèle enthou

(1) National, 27 juillet 1844.

(2) Ibid., 3 août 1844.

siaste la médaille frappée en l'honneur de M. Guizot, lui avait adressé, au temps de la coalition, cette déclaration solennelle : Vous aurez peut-être notre concours, mais notre estime, jamais. Cela n'empêchait pas le même journal de dire en 1845: « Il y a long-temps que M. Guizot est justifié par l'estime de la France, comme il l'est par celle de toute l'Europe (1). » Quels écrivains que ceux qui savent justifier par l'estime de l'Europe et de la France celui à qui jamais ils n'accorderont leur estime personnelle!

L'un des derniers jours du mois de mars 1845, M. Villemain écrivait dans la Presse, sur l'Histoire du Consulat et de l'Empire, par M. Thiers, quelques pages auxquelles divers journaux, spécialement le National, empruntèrent de mordantes allusions. M. Thiers, selon M. Villemain, a fait une trop belle part à l'abbé Sieyès. « C'était, disait le critique, c'était un esprit sec (l'abbé Sieyès), et en politique les esprits secs ne prennent d'importance que lorsqu'ils sont unis à des caractères haineux et passionnés. Alors sculement ils peuvent dominer quelque temps de la pire manière, en isolant ceux qu'ils dirigent, et en leur donnant des préjugés et des rancunes, au lieu de patriotisme et d'idées.

En finissant, M. Villemain félicitait M. Thiers de l'emploi qu'il avait fait de ses loisirs. « Heureux l'homme public, disait-il, dont l'inaction est ainsi employée! Une pareille retraite vaut mieux que certain pouvoir. » Dans ce pouvoir, dans cet homme sec, le National avait vu... M. Guizot, collègue de M. Villemain. Le National s'emportait, le 29 juillet 1845, contre

(1) Journal des Débats, 3 août 1645.

la cynique corruption pratiquée par M. Guizot (1), M. Guizot, qu'aucune fourbe n'épouvante, « M. Guizot, qui est la raideur intraitable (2).. 11 flétrissait ensuite le transfuge de Gand, faisant rendre d'hypocrites honneurs au glorieux général de Waterloo.

- Peut-être, suivant un journal de M. Thiers, rencontre-t-on encore quelques politiques novices qui croient à l'absolu des doctrines de M. Guizot; mais tous les hommes qui se sont attachés d'un peu près à étudier la nature de son esprit et le caractère de ses actes, savent bien avec quelle promptitude et quelle flexibilité il change de conduite ou de langage, toujours prêt à inventer de nouvelles maximes, selon les besoins du moment (1). »

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Quelle belle page l'historien de la Civilisation pouvait lui-même occuper dans cette histoire ! Pourquoi n'a-t-il pas voulu, pourquoi n'a-t-il pas su la remplir? C'est qu'en lui le caractère n'est pas à la hauteur du talent; c'est qu'alors qu'on pousse jusqu'à l'excès l'usage de tout convertir en maximes idées fausses, idées justes, idées spécieuses, idées du lendemain contredisant celles de la veille, on finit par n'avoir plus aucune conviction. Or, les convictions sont à l'homme d'Etat ce qu'est le combustible aux machines à feu, la force qui les met en mouvement. Point de convictions, point de force; point de force, point de mouvement; point de mouvement, point d'initiative.

(1) National, 29 juillet 1845.
(2) Ibid., 28 décembre 1845.
(3) Ibid., 29 décembre 1815.

(4) Le Siècle, 22 janvier 1846.

« Ainsi s'explique l'immobilité de la politique à laquelle M. Guizot a attaché son nom (1).

Quant à M. Guizot, il est resté dans le débat (sur l'insurrection des Polonais) ce qu'il est toujours, le représentant d'une politique sans cœur et sans entrailles (2).

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Voici en quels termes un autre journal faisait le parallèle de M. Guizot et de M. Thiers:

« La révolution de juillet porte subitement M. Guizot au pouvoir. Il commence par embrasser sa cause avec toute l'ardeur d'un converti. Tous ses choix administratifs se font dans le sein de la société célèbre : Aidetoi, le ciel t'aidera. I autorise et il organise la propagande armée de la révolution en Belgique et en Espagne. Il exagère, à la tribune, jusqu'à la licence, les droits de la liberté. Il permet aux clubs de se rouvrir, mais bientôt ce mouvement le renverse. Il s'aperçoit que le gouvernement veut entrer dans un système de résistance, il s'y jette avec chaleur : il le porte jusqu'à la réaction, et ces nouveaux services l'introduisent encore au pouvoir. Bientôt la réaction ne lui suffit plus, il prétend la fortifier hors la chambre, de l'intimidation; dans la chambre, du vote silencieux des fonctionnaires récalcitrants. Sa fougueuse politique ne s'arrête pas aux lois de septembre, elle le pousse jusqu'aux lois de disjonction et de déportation. Il tombe enfin encore une fois sous les excès de son zèle, sous l'exagération du principe au service duquel il s'est mis. Il retombe et il se relève dans l'opposition. On le voit alors se retour

(1) La Presse, 28 janv. 1846.

(2) Le Siècle, 14 mars 1846.

ner subitement contre le système dont il avait été l'instrument dévoué, et nier à la tribune tous les dieux qu'il avait servis, non moins fougueux contre le pouvoir dans la coalition, qu'il ne l'avait été dans le pouvoir contre l'opposition. Bientôt une autre perspective s'ouvre devant lui. Ce pouvoir, qu'il accablait hier, l'appelle de nouveau à son aide, et de nouveau il le retrouve prêt à tout. Il oublie ses opinions de 1839, comme en 1839 il oubliait ses opinions de 1836; et, après avoir consolidé la réaction pendant ses premiers ministères dans le gouvernement et les lois, il lui élève pendant son ministère nouveau un monument de canons et de pierres de taille, armes préparées, nonseulement à la réaction présente, mais à toute réaction à venir. Le pays consterné considère avec stupeur toutes ces variations; mais, malgré lui, M. Guizot se maintient au pouvoir sur les ruines de sa probité politique.

« A part son mérite oratoire, quelle est donc la valeur intrinsèque de M. Guizot? Où sont ses idées? Quel est son système? Sa valeur est dans une souplesse infinie, masquée d'une austérité extérieure; ses idées, elles ont toutes les mille faces, les changeantes couleurs du sophisme : il en a eu pour toutes les situations et pour toutes les opinions. Posez-lui une question de principes, il interrogera d'abord son intérêt, et il ne voit l'horizon de son pays que dans les bornes de son horizon personnel. Vienne dans la politique une situation à choisir, il dira comme les esprits faibles et irrésolus on peut tenir l'une et l'autre conduite. Il signera des traités par ambition, et par ambition encore il consentira à les déchirer. Il rédigera lui-même le protêt de sa signature diplomatique. Le pouvoir pour lui n'est

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