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gulière des avocats aux conseils du Roi et à la Cour de Cassation, en l'an de grâce 1815: « Il fallait épargner à Louis XVI l'horreur de voir sa famille massacrée sous ses yeux, et d'être lui-même massacré avec elle. » C'està-dire il fallait guillotiner Louis XVI, afin de l'empêcher de mourir autrement.

Quoi qu'il en soit, M. J.-A. Barrot resta en France en 1815, et, conventionnel vertueux, il demanda à Louis XVIII une place de juge au tribunal de première instance de Paris. M. Guizot était alors secrétaire-général du ministère de la justice, et comme on lui a trèssouvent supposé assez d'influence sur les affaires publiques de cette époque, pour avoir fait organiser les cours prévôtales, M. Odilon Barrot aurait dû au moins lui en supposer assez pour avoir fait nommer son père juge, car M. J.-A. Barrot fut nommé. Seulement, le raisonnement sur le sursis relatif à Louis XVI n'avait pas fait fortune dans le public; l'opinion protesta contre la nomination de M. J.-A. Barrot; le tribunal de la Seine ne parut pas très-disposé à le recevoir, et M. J.-A. Barrot se démit. Un peu plus tard, il fut nommé juge au tribunal de commerce; et, comme les clameurs qui avaient accueilli la première nomination se réveillèrent pour la seconde, M. Odilon Barrot, en fils pieux, prit la plume pour défendre son père. Voilà l'origine de la brochure singulière dont nous rappelons la substance. Elle contient sur le royalisme ardent, passionné, exalté de M. Odilon Barrot, et sur sa haine ridicule contre l'empereur, des détails qui ont de l'intérêt, quand on songe qu'après avoir versé des larmes sur le départ de Louis XVIII, dans la nuit du 20 mars 1815,

M. Odilon Barrot a reconduit, quinze ans plus tard, à Cherbourg, le roi Charles X.

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Le royalisme enthousiaste de M. Odilon Barrot, en 1815, se complait dans les souvenirs féodaux de sa famille. Voici par quelles paroles il commence l'histoire de son père: «J.-A. Barrot était, avant la révolution, avocat au parlement de Toulouse, seigneur de plusieurs COMMUNES et juge de diverses justices seigneuriales. Qui se serait douté, en entendant M. Barrot déclamer avec emphase en faveur de la démocratie, que ses aïeux ont exercé le droit de seigneur sur plusieurs communes? Et, à ce sujet, nous prierons M. Odilon Barrol de nous permettre de lui faire observer qu'en parlant de son père il devrait dire seigneur de plusieurs paroisses, et non seigneur de plusieurs communes, attendu que la commune est une circonscription territoriale établie par la Constituante et inconnue avant la révolution.

Nous allons donc passer tout droit à ce que la brochure contient de personnel pour M. Odilon Barrot; voici comment l'avocat aux conseils du roi s'exprime sur son propre compte.

« Je n'ai point parlé de moi, quoique la délation ne m'ait pas épargné. Heureusement, je ne suis pas vieux dans le monde, et j'ai pour ainsi dire mes actions sous la main. Dans le mois de mai 1815, lorsque le gouvernement fit un appel à la garde nationale de Paris, j'écrivis au capitaine de la compagnie de grenadiers dų 4 bataillon de la 11 légion, pour me mettre, avec quel ques amis, à sa disposition. Je montais la garde dans les appartements du roi, dans la nuit de son départ. S. M. vit nos larmes et contint l'élan de notre enthousiasme. Je suis certain que cette scène touchante ne s'est pas effacée

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de sa mémoire; elle est à jamais gravée dans la mienne. A l'arrivée de l'usurpateur, je me dépouillai de suite de mes titres d'avocat aux conseils et à la Cour de cassation, que je tenais de la munificence du Roi. Je n'ai repris mes titres qu'au retour de S. M. Je votai contre l'usurpation, sur le registre ouvert au greffe de la chambre de police correctionnelle, et enfin je signai, dans la chambre des avocats, une pétition qui, PRÈS D'un mois AVANT LE RETOUR DE SA MAJESTÉ, demandait, au milieu même des cris des fédérés, le Roi et la Charte. »

Ainsi, non-seulernent M. Barrot a été volontaire royal ardent en 1815; non-seulement il montait la garde dans les appartements de Louis XVIII, la nuit du 20 mai; non-seulement il versa d'abondantes larmes, au départ du prince; non-seulement il eut besoin que l'on contint l'élan de son enthousiasme, sans doute pour l'empêcher de suivre Louis XVIII à Gand, comme d'autres volontaires le firent; mais, près d'un mois avant le retour de S. M., pendant que le Roi était à Gand, M. Barrot signa une pétition pour demander le retour du Roi avec la Charte.

Et comme le retour du Roi, alors à Gand, ne pouvait s'opérer que par l'anéantissement de l'armée française et le triomphe des étrangers, M. Barrot, qui a tant déclamé contre M. Cuizot, a ESPÉRÉ, DÉSIRÉ, PÉTITIONNÉ, dans la chambre des avocats, ce que M. Guizot s'était contenté de prévoir!

Voilà donc ce grand patriote convaincu, par ses propres paroles, d'avoir, en 1815, souhaité, demandé, au milieu des cris des fédérés, la défaite de l'armée française à Waterloo; et il mettait tant d'ardeur à désirer la victoire des Anglais, des Prussiens et des Autrichiens,

qu'il se vante d'avoir bravé, pour signer sa pétition, les cris des fédérés (1).

M. Guizot est, sans contredit, un des hommes éminents de notre époque, un penseur et un écrivain distigué. Ce n'est pas nous qui nous chargerions de défendre sa politique contre les accusations dont elle est l'objet, mais enfin voici comment cet homme d'Etat est jugé par la presse :

« On a frappé une médaille pour le voyage de Gand. Oubliera-t-on les cours prévôtales, et le traité des détroits, et le désaveu de l'amiral Dupetit-Thouars, et Montevideo, et le droit de visite, que sais-je encore? Dans une carrière aussi riche, il est peut-être permis d'éprouver quelque embarras à choisir. Après tout, nous devons avouer que nous n'aurions pas mieux choisi que M. Guizot lui-même, et s'il nous avait été donné de trier, parmi les actes de sa carrière politique, celui de tous qui pût résumer sa vie entière, et lui servir en quelque sorte de couronnement, c'est, en effet, sur la séance du 27 janvier que ce fût arrêtée notre main (2). »

Le National du 24 de ce même mois de juillet rappelait un article du journal le Siècle, qui demandait qu'on inscrivit au revers de la médaille frappée en l'honneur de M. Guizot, par des souscripteurs anony

mes :

Voyage à Gand, à la veille de l'invasion de la France. Organisation de la censure et des cours prévôtales, au retour.- Comité de la société Aide-toi, le ciel t'aidera.-

(1) Le Globe, 3 février 1944. (2) National, 22 juillet 1844.

Lois de septembre, lois de disjonction, de non-révélation, etc. - Coalition parlementaire formée et désertée. - Dénonciation clandestine portée contre un ministre par un ambassadeur. Droit de visite maintenu et aggravé. --Désaveu du contre-amiral Dupetit-Thouars. - Apologie de la trahison.

Sur quoi le National ajoutait : «Même à ne recueillir que ces titres, on voit que c'est une carrière bien remplie que celle de M. Guizot. L'idée de la médaille est vraiment heureuse; mais pour que l'exécution réponde à l'idée, il ne faut laisser dans l'oubli aucun des souvenirs que nous venons de rappeler. »

- Pour M. Guizot, le principal souvenir qui subsistera de la session, c'est cette médaille effrontée qui consacre le souvenir de son voyage à Gand. Nous ne savons pas quels sont ceux de ses amis qui ont eu la pensée d'éterniser la mémoire de ce voyage politique à l'étranger, pendant que nos soldats se faisaient tuer sur le champ de bataille pour la défense du territoire Mais ceux-là partagent ses sentiments qui s'imaginent qu'une hardiesse de tribune suffit pour tout couvrir et pour tout élever; qui croient que les discours fastueux compensent la honte et la pusillanimité des actes, et que, avec des paroles audacieuses et retentissantes, on peut faire oublier à cette nation ce que c'est que l'honneur, la patrie et le véritable courage (1)..

- La réplique ne s'est pas fait attendre, et, Dieu soit loué ! elle vaut l'attaque. M. Guizot appelait hier M. Thiers un brouillon, un vantard, un incapable; aujourd'hui M. Thiers appelle M. Guizot un comédien,

(1) Constitutionnel, 24 juillet 1844.

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