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l'Université, et de l'avoir attaquée dans un livre où elle n'est pas même nommée. Je déclare que, s'il y a quelque chose que je haïsse dans l'Université, ce n'est pas l'Université elle-même, car j'y ai des amis, mais les erreurs dont elle a pu se faire la patronne aveugle ou complaisante. Et si son nom se retrouve maintenant dans ce livre, ce n'est que par opposition à une Société enseignante qu'on a voulu déprimer au profit d'une corporation rivale. J'ai dû montrer que les Jésuites entendaient l'enseignement aussi bien que ceux qui s'imaginent les avoir fait oublier, et j'ai la faiblesse de croire que s'il était donné de revoir des jours de noble émulation comme ceux où brillaient, d'un côté, Le Jay et Porée, de l'autre, Rollin et Crevier, l'instruction publique deviendrait, en France, aussi variée, aussi grave et aussi forte qu'elle puisse l'être.

Quant à l'Université, ce n'est pas des rangs catholiques que lui sont venues les plus brutales accusations. Ce ne sont pas les catholiques qui l'ont voulu définir, en disant d'elle que c'est une caisse. Non; cette poétique définition appartient au même journal qui a dit plus tard: : « En droit, l'Université est destinée à remplir les fonctions les plus saintes, les plus graves.... En fait, on a pu l'accuser de n'être qu'une corporation malveillante et tracassière, conduite par des esprits faibles ou des brouillons (1). » Que veut-on de plus?

M. Dubois, membre du Conseil de l'instruction publique et directeur de l'Ecole normale, disait dans le Globe du 5 juillet 1828: Rien de stable, rien de grand

(1) Le National, 14 juillet 1844.

ne peut se tenter, disons plus, rien de moral, car aucune conviction libre ne peut vivre dans un corps comme celui de l'Université, sans cesse exposé à démentir le lendemain ce qu'il professait la veille. Il y a longtemps que, pour la première fois et le premier, avec suite, méthode et fidélité, nous avons réclamé contre le monopole destructeur de toute croyance et de toute instruction. »

Un des chefs de l'Université donnait ainsi jusqu'au titre du Monopole universitaire contre lequel se sont élevées de si grandes clameurs. Au mois de septembre 1812, le National portait contre l'Université cette accusation terrible, après laquelle il ne reste rien à dire : : « L'éducation que donne l'Université est impie, immorale, incohérente. Nous renonçons à tracer ici le sombre tableau qui est malheureusement sous nos regards; mais que nos lecteurs songent un instant à ce que le régime où nous vivons a fait d'une partie de la jeunesse française, et ils pourront trop aisément suppléer à ce que nous taisons. L'éducation première, dont l'Université est responsable, a fait place chez nous à une école d'égoïsme et de corruption prématurée. »

L'accusation du National passait au Journal des Débats, pour y prendre un caractère, en quelque sorte, officiel. On lisait dans le n° du 6 novembre 1842 : « L'école éclectique, pour l'appeler par son nom, est aujourd'hui maîtresse et maîtresse absolue des générations nouvelles. Elle occupe toutes les chaires de l'enseignement ; elle en a fermé la carrière à toutes les écoles rivales; elle s'est fait la part du lion; elle a tout pris pour elle, ce qui est assez politique, mais ce qui est un peu moins philosophique. Le public a donc le droit de demander

compte à cette école du pouvoir absolu qu'elle a pris et que nous ne lui contestons pas d'ailleurs ; elle a fait beaucoup pour elle, nous le savons; mais qu'a-t-elle fait pour le siècle? qu'a-t-elle fait pour la société ? où sont ses œuvres, ses monuments, les vertus qu'elle a semées, les grands caractères qu'elle a formés, les institutions qu'elle anime de son souffle? Il est malheureusement plus facile de s'adresser ces questions que d'y répondre. »>

Or, c'est précisément ce même journal qui me faisait un crime, en 1845, d'avoir osé attaquer M. Cousin, le chef de l'admirable école dont on vient de lire un pa négyrique si brillant. Il y a des gens qui veulent accaparer tous les genres de priviléges, jusqu'à celui de se contredire et de se moquer ainsi du bon sens public.

Ces derniers temps ont vu naître bien des écrits contre les Jésuites, beaucoup aussi pour eux.

Dans le nombre de ceux qui les ont bruyamment attaqués sur le relâchement de leur morale, il est un homme dont le père fut autrefois condamné à dix ans de travaux forcés, pour faux en écritures de commerce, et marqué à Lyon des lettres T. F. Le fils d'un si glorieux père n'a-t-il pas été à bonne école pour apprendre la morale dans toute son austérité? Vers l'époque où écrivait cet honnête Monsieur, je lisais dans une feuille radicale un article relatif aux coupables doctrines des Jésuites sur la chasteté; ce n'était qu'une plate répétition du pamphlet d'un protestant de Strasbourg; mais cette lâche et honteuse diatribe avait cela de singulièrement édifiant, qu'elle portait la signature d'un homme qui vivait depuis plusieurs années en liaison criminelle avec une femme ramassée dans la rue. J'ai

sous les yeux un journal, fort insignifiant, du reste, dans lequel se trouve une chanson licencieuse et impie tout à la fois, car, au prix des voluptés de ce monde, elle brave et le ciel et l'enfer; eh bien! dans ce journal, l'injure et la calomnie contre les Jésuites ne sont séparées de la chansonnette grivoise que par l'espace d'un simple trait. J'indique ces misères comme de faibles échantillons des honteuses diatribes qui s'impriment quotidiennement contre une Société qu'il est aisé d'attaquer ainsi, parce qu'une Société, étant un être collectif, ne peut pas répondre, ni avoir raison du lâche calomniateur, comme ferait un particulier.

On peut en faire la remarque: ceux qui déploient le moins de rigorisme dans leur vie habituelle, et qui sont instinctivement prêts à se prononcer contre des Religieux qu'ils ne connurent peut-être jamais, ont un penchant en quelque sorte naturel vers les Jansénistes, qu'ils donnent volontiers pour les représentants de la pure doctrine. Fénelon démêlait le motif de cette préférence, et disait en 1712 :

« Je vois un grand nombre d'impies qui, méprisant toute religion, se passionnent néanmoins en faveur du jansénisme. Il ne faut pas s'en étonner. Le principe fondamental du jansénisme est qu'il est nécessaire que tout homme suive sans cesse son plus grand plaisir, qui le prévient inévitablement, et qui le détermine invinciblement au bien ou au mal. Les libertins (1) sont charmés d'un principe si flatteur pour les passions les

(1) Dans la langue de Fénelon, de Bossuet et des écrivains du XVII° siècle, cette expression désigne les incrédules, les espritsforts.

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plus honteuses. Nous sentons bien, disent-ils, que le plaisir de ce qu'on nomme mal est sans comparaison plus fort en nous que le plaisir languissant d'une vertu triste et mortifiante. Nous suivons donc le grand principe de saint Augustin et de ses plus savants disciples en nous livrant sans pudeur ni remords aux plaisirs sensuels. Peut-on éviter un attrait inévitable? peut-on vaincre un plaisir invincible? peut-on ne faire pas ce qu'il est nécessaire qu'on fasse? De l'aveu de tous ces savants hommes, la concupiscence est aussi efficace par elle-même pour le vice, que la grâce l'est pour la vertu. Suivant ce principe, l'homme n'est jamais libre ni responsable d'aucune de ses actions : le plus grand plaisir est le ressort unique qui décide de tout pour les mœurs, et ce grand ressort, loin de dépendre de nous, nous tient toujours dépendants de lui. Tout châtiment est injuste, toute correction est ridicule. Voilà ce qui charme les libertins dans le jansénisme. L'opinion qui nie la liberté est maitenant à la mode, et on est ravi de la trouver si autorisée par un parti de grande réputation. Voilà ce que j'ai oui dire à des libertins qui parlaient sans se contraindre. Tous ces impies favorisent les jansénistes par animosité contre la religion (1). »

(1) Fénelon, lettre 263, tom. III, pag. 705 de l'édit. Lefèvre, grand in-8°, 1835.

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