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terre de nous mener; si vous tenez à le savoir, interrogez l'histoire où sont écrites les causes de sa grandeur, où se trouvent celles de notre décadence (1). »

C'est un ex-ministre de la royauté, M. Villemain, qui signalait, il y a quelques années, l'abaissement continu. Serait-ce la présence de quelques centaines de Jésuites qui empêcherait de si grands hommes, de si vertueux patriotes, d'élever la nation française à un tel degré de gloire, que rien dans le passé ne lui soit comparable?

Avec la civilisation, c'est la cause de la morale qu'on met en avant. Au xvme siècle, siècle éminemment moral, comme l'histoire nous l'enseigne, on manifestait les mêmes alarmes. Mais comme la vérité se venge quelquefois, dès ce monde, des injures qu'on lui fait, il y eut cela de particulier, dans la croisade pour la défense de la saine morale, que la plupart des instigateurs de la ruine des Jésuites n'avaient de rigidité que sur les lèvres. Le Godefroi de la croisade, l'abbé Chauvelin, n'était pas un saint; Mme la marquise de Pompadour et le duc de Choiseul ne brillaient pas précisément par la sévérité de leurs mœurs, non plus que Pombal; et parmi les rois qui signèrent les édits proscripteurs, Louis XV et Joseph Ier, s'il leur restait quelque vergogne, avaient fort à rougir de la condamnation qu'ils osaient porter contre des Religieux au sujet de la pureté chrétienne. Je réserve pour un chapitre particulier les écrits et la vie des princes de la philosophie: on verra quels hommes se mêlaient de prononcer sur la morale.

Un observateur du dernier siècle disait des lettrés de cette époque-là :

(1) La Presse, 15 mars 1846.

« Si les illustres écrivains du dernier siècle revenaient parmi nous, ils seraient frappés d'étonnement à la vue de ceux qui croient les avoir remplacés. Ce sont des Elégants, de Petits-maîtres, des Agréables, des hommes à bonnes fortunes. Ils sont de toutes les parties, de toutes les fêtes, de tous les soupers réputés fins. Ils ont des habits riches, des dentelles superbes, de beaux appartements. Ce n'est pas ainsi que vivaient les Corneille, les Molière, les La Fontaine, les Boileau, etc. Ils étaient logés et vêtus simplement : une large calotte couvrait la tête sublime du grand Corneille; et toute la nation se levait par respect devant lui, quand il paraissait au spectacle (1). »

Nous verrons bientôt ce qu'on dit des écrivains de nos jours.

Le même auteur ne flattait pas davantage la foule de ses contemporains, leur esprit général, leur élévation d'ame, leurs mœurs.

« J'ai vu le Français, disait-il, publier lui-même ses disgrâces et n'en plus rougir, pleurer la perte de ses richesses, se consoler de celle de ses flottes; et, ce qui est peut-être le dernier période du mal, forcer sa raison à justifier par des sophismes l'indifférence qu'il a témoignée pour son pays. J'ai vu la licence crier au despotisme, attaquer l'autorité par des murmures, l'arrêter par des défiances, l'embarrasser par des obstacles, substituer des précautions à des devoirs, l'intérêt des partis à celui de l'Etat. J'ai vu les lumières des connaisseurs refroidir la chaleur du zèle; l'esprit analyser les

(1) Saint-Foix, tom. III, pag. 443. La 1re édit. des Essais sur Paris est de 1754.

lois, parce que le cœur avait cessé d'admirer le gouvernement. J'ai vu enfin les mœurs anéanties et remplacées par des plans de morale; et, lorsque la patrie demandait des secours, je n'ai entendu que des voix qui lui offraient des systèmes: Alors je me suis écrié : O mes concitoyens! les préjugés de vos ancêtres valaient mieux que votre philosophie; l'histoire m'apprend que vous étiez des héros, et vous ne voulez plus être que des sages (1). »

Et notre siècle a-t-il donc tellement faim et soif de morale, que les agiotages sur les chemins de fer, les opérations de Bourse ne puissent plus lui suffire? On n'entend parler que de corruption: corruption dans le gouvernement, corruption dans les députés, corruption dans les électeurs. C'est une plainte générale qu'il n'y a plus de sécurité dans les transactions commerciales, et nous assistons à de scandaleuses faillites qui atteignent souvent le chiffre de plusieurs millions. Le luxe gagne toutes les classes, et l'immoralité s'étend des grandes villes aux plus humbles villages. Ce ne sont plus quelques cerveaux malades qui en finissent avec la vie par le suicide on voit des enfants se réfugier dans la mort comme dans les bras d'une mère. Et, dans ce triste départ, on se drape souvent pour tomber avec grâce, pour obtenir l'éphémère immortalité des journaux qui vous nommeront pendant vingt-quatre heures. Les tribunaux ont retenti de procès qui font reculer la civilisation, parce qu'il y avait dans ces monstrueux empoisonnements, dans ces atroces assassinats un raffi

(1) Saint-Foix, tom. III, pag. 262.

nement de cupidité et de matérialisme dont les âges passés n'offrent pas d'exemple.

Voilà ce siècle qui se plaint de la morale d'un Ordre religieux auquel appartint Bourdaloue. Descendez plus avant interrogez cette avidité de plaisirs bruyants et de joies grossières. Voyez ce que notre époque met dans les romans avec lesquels on amuse cette génération, comme on ferait d'un vieillard impotent; comptez ce qu'il lui faut de théâtres et ce qu'elle dévore par jour de drames, de vaudevilles où les misérables équivoques de langage se trouvent souvent dépassées par l'immoralité des situations. Qui est-ce qui assaisonne cette pâture et sert au peuple français des mets de si haut goût? Pourtant le siècle s'en accommode, et il bat des mains, et il paie généreusement de son argent pour jouir de ce bonheur. Une danseuse aujourd'hui gagne des triomphes et obtient des applaudissements, après lesquels il ne resterait rien pour un sauveur de la patrie; quelques agiles pirouettes rapportent plus à une simple femme, qu'à des hommes de génie la sublimité de leur esprit. Qui est-ce qui se passionne ainsi pour des comédiens et des danseuses? un siècle difficile, très-difficile en morale. Pour qui donc cette légion d'élégantes courtisanes aux mains desquelles s'engloutissent en quelques années des fortunes considérables? pour un siècle qui affecte d'autant plus d'austérité sur les lèvres qu'il en a moins dans le cœur. Nous ne voulons sur ce siècle que les jugements si peu flatteurs qu'il porte de lui-même et de ses personnages. On en trouvera quelque chose dans le cours de cette introduction. Il y a là des accusations d'une telle véhémence, d'une crudité si forte, que jamais nous n'eussions osé

aller jusqu'où va chaque jour la presse dynastique, aussi bien que la presse libérale. Encore n'entendrat-on pas la presse tout entière, car nous avons laissé de côté les jugements des feuilles religieuses et des journaux légitimistes, bien qu'ils eussent droit de se faire entendre comme les autres; mais le tribunal ainsi composé ne saurait être suspect.

Si donc il se trouve quelqu'un qui prenne fantaisie de nous reprocher la galerie de portraits que nous avons arrangée et qui aurait pu être augmentée facilement, nous renverrons les mécontents aux portraituristes euxmêmes. Il est bon, il est nécessaire toutefois que l'on sache bien, dans les rangs des catholiques, ce que les rangs opposés pensent et disent de nos adversaires, de ceux avec qui ils sont toujours prêts à guerroyer contre

nous.

Je ne suis pas habitué à des ménagements pour l'astuce, l'hypocrisie et la violence des partis. Cette rude franchise m'a déjà valu, dans les grands journaux, de très-honnêtes remontrances. Il en est un qui m'a représenté comme étant du XIIe siècle, ce qui est très-faux, car je suis beaucoup plus ancien et date au moins de dix-huit cents ans, comme l'Eglise catholique, apostolique et romaine, à laquelle je fais profession d'être attaché de cœur et d'ame. Je ne crains certes pas, en venant défendre les Jésuites, suivant la portion de forces qui m'a été donnée, de paraître aussi gothique qu'on voudra bien le dire.

On m'a accusé, à propos d'une Histoire de saint Jérôme (1), de m'être laissé aveugler par la haine pour

(1) Dans le Journal des Débats.

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