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PRÉLIMINAIRES.

1. Ce qu'était la Compagnie de Jesus. On prétendait sauver la religion et la monarchie, en détruisant les Jésuites. -Le trône et l'autel abimés dans un commun naufrage. — La proscription de l'Ordre par les Parlements n'est-elle qu'un acte respectable? — La Pologne a eu le même sort que les Jésuites: pourquoi mettre une différence entre ces deux faits accomplis? Autres proscriptions qui ne sont ni plus respectées ni plus respectables. — La civilisation et les Jésuites.- L'Italie florissante avec eux et sans eux.- La morale en présence des Jésuites.-Ce que fut le dernier siècle, au point de vue moral. Ce qu'est le nôtre. — Reproches adressés à l'auteur au sujet de l'Université.-De la nature des aggressions contre la Compagnie de Jésus.De l'affection pour le Jansénisme.

J'ai voulu raconter la suppression d'un Ordre religieux fondé par un Saint, approuvé par le dernier Concile général, confirmé et préconisé par un grand nombre de Souverains Pontifes, loué et défendu par des hommes

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d'une rare vertu et d'un génie éminent, protégé par d'illustres monarques, et contemporain de la gloire de Louis XIV, à laquelle il sut contribuer en élevant la jeunesse dans des colléges renommés, en cultivant les lettres avec passion et avec éclat, en portant la splendeur du nom français aux contrées les plus lointaines, et en y scellant d'un sang généreux la doctrine de Jésus-Christ. Mais je n'ai pas voulu seulement raconter: il était impossible de m'en tenir là; j'ai voulu surtout discuter les motifs pour lesquels un pouvoir oppresseur et violent disputa à l'Eglise de si vigilants défenseurs, examiner en détail les raisons que la magistrature fit valoir dans cette étrange procédure; et, en comparant les résultats que l'on prétendait obtenir, avec ceux que l'on obtint réellement, montrer aux hommes de nos jours ce qu'il faut penser de la persécution rallumée contre les fils de saint Ignace de Loyola.

Quand la ligue parlementaire et philosophique éclata contre les Jésuites, il ne s'agissait de rien moins que du salut de la religion et de la monarchie; on disait, dans les frénétiques réquisitoires des Procureurs et Avocatsgénéraux, qu'il n'y avait d'autre moyen de sauvegarder l'autel et le trône, que de sacrifier quelques milliers de Religieux qui en étaient les sinistres ennemis. Mais une fois que les Jésuites eurent été frappés, dispersés, presque éteints, et que la place fut libre, la religion et la monarchie allèrent s'abîmer dans un sombre et épouvantable naufrage; la tête d'un roi ensanglanta l'échafaud, pour inaugurer le massacre et la déportation des prêtres, et les églises, avec toutes leurs merveilles d'art, furent abattues, transformées en écuries, ou profanées par des saturnales dignes tout au plus du paganisme.

Ainsi arriva-t-on à sauver la religion et la monarchie; c'est une expérience mémorable.

Un soldat de cette Révolution qui venait de remuer la vieille Europe, ramassa la couronne dans la boue, se la mit sur la tête, et alla faire incliner devant ses armes les héritiers de cette puissante famille de Bourbon qu'on avait vue si belliqueuse contre la Société de Jésus; tout y passa, afin qu'il fût manifeste aux yeux des plus obstinés que la coupable faiblesse de Louis XV, l'implacable colère de Charles III et cette lâche condescendance des autres Cours avaient mis les trônes à l'abri de toute tempête.

Voilà quel spectacle a été donné à notre siècle; mais les révolutionnaires de toute espèce n'en persistent que plus intrépidement à vouloir sauver les royaumes de la fatale atteinte des Jésuites, touchante vigilance qui doit inspirer aux souverains la plus profonde sécurité. Il est bien évident que, avec Choiseul et d'Aranda de moins, le petit-fils de Louis XV ne serait pas à Goritz, ni celui de Charles III à Bourges, goûtant les douceurs de l'exil (1).

Les autres raisons qu'on invoque contre les Jésuites ont autant de force que cette raison d'Etat. J'entends, par exemple, rappeler sans cesse la proscription qui a pesé sur eux; on ne vous doit à vous que la proscription (2), leur a-t-il été dit par ceux qui se donnent pour les plus sincères défenseurs de la liberté. Mais qui

(1) Parmi les émigrés que fit la révolution de 89, il y eut un Choiseul qui naufragea en 1799 à Calais. Il fut gracié par les trois consuls, Roger Ducos, Sieyès et Bɔnaparte.

(2) Le National.

donc n'a pas été proscrit, dans ces soixante dernières années? Faut-il applaudir à tant d'actes d'ostracisme? Cette année même a vu se lever pour sa liberté une nation vaillante et glorieuse, et quand cette malheureuse tentative a échoué, des sympathies éclatantes ont protesté en Europe contre le despotisme qui tue la Pologne. Pourtant, la Pologne n'eut, au dernier siècle, que le sort des Jésuites; la diplomatie employa son astuce et sa violence; trois souverains foulant aux pieds le droit en vertu duquel vit toute nation, ébranlant à jamais l'ordre social, dépecèrent entre eux un peuple de vingt millions d'hommes, avec autant de justice que des brigands se partageraient les dépouilles du voyageur qu'ils auraient assassiné. Cette infame spoliation s'accomplissait en 1773, en face de l'Europe silencieuse. C'était l'année précisément où trois autres souverains arrachaient à l'inutile résistance de Clément XIV son Bref de suppression contre les Jésuites.

Si l'on veut professer ce tendre respect pour tous les actes de le royauté, il faut aller jusqu'au bout, et ne plus distinguer entre proscription et proscription. Ce serait de la logique. Dès que la volonté de César vous est sacrée, elle doit l'être toujours.

A côté des rois, il y a, pour la France, les Parlements; et quand on a rappelé qu'ils proscrivirent les Jésuites, tout est dit. Mais les Parlements sont-ils donc notre législation moderne ? Est-ce que deux Révolutions faites au nom de la liberté n'auraient abouti qu'à nous replacer sous le gracieux régime des arrêts parlementaires ? Ce xvIII siècle, représenté si souvent comme un siècle d'oppression politique et de tracasserie religieuse, doitil nous servir de modèle? Tous les arrêts des Parlements

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