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de Jésus les censures du pape Benoît XIV, de qui il obtint un bref en vertu duquel le cardinal Saldanha était nommé Visiteur et Réformateur des Jésuites dans tous les domaines de la couronne de Portugal. «Benoît XIV, suivant l'historien de leur Chute, n'avait jamais aimé les Jésuites, qu'il connaissait à fond (1). » Si cela était, comment se fait-il que ce pape soit un de ceux qui ont accordé le plus de grâces à la Compagnie de Jésus? On ne compte pas moins de treize bulles ou brefs émanés de ce pape, et tous très-favorables aux Jésuites. Par la bulle du 24 avril 1748, en admettant parmi les consulteurs de la Congrégation des Rits un des membres de la Société, il reconnaît que les Pères Jésuites marchent sur les traces de leur fondateur; qu'ils donnent l'exemple des vertus religieuses, et qu'ils enseignent d'une façon distinguée toutes les sciences, en particulier les sciences religieuses, et qu'ils sont d'une grande utilité dans l'Eglise. Cet illustre pontife ne leur accorde pas des témoignages moins explicites de bienveillance et d'estime, par les bulles Devotam (1746), Præclaris (1748), Gloriosæ Dominæ (1748), Quantum secessus (1753.) Il est très-vrai que Benoît XIV ne fut pas toujours du même sentiment que les Jésuites, et qu'il improuva en certains cas la conduite de quelques

(1) Saint-Priest, pag. 18.

uns de ces Religieux; mais ni ces divergences d'avis sur des questions particulières, ni cette censure infligée à un petit nombre d'actes individuels ne sauraient infirmer les irrécusables monuments qui attestent les sentiments de cet illustre pape à l'égard de la Compagnie en général. Esprit conciliant et ami de la paix, il se prêtait aux désirs des souverains autant que sa conscience le permettait, et en même temps qu'il accordait le bref demandé par le ministre de Portugal, il adressait au cardinal Saldanha des instructions secrètes pour atténuer dans son exécution cette mesure de défiance. On sait, enfin, que ce fut le cardinal Passionei, ennemi déclaré des Jésuites, qui arracha ce bref à Benoît XIV, déjà atteint de la maladie dont il mourut (1).

Cependant Pombal était impatient de saisir sa double proie, les Grands et les Jésuites.

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Tout-à-coup, dans la nuit du 3 septembre 1758, les portes du palais se fermèrent; le roi cessa de-semontrer pendant plusieurs jours; aucun bruit ne cireula sur les causes de cette clôture; tous les efforts de Pombal tendirent à inspirer la plus grande sécurité à ceux qu'il avait désignés pour victimes. Enfin, après une longue attente, le duc d'Aveiro, la famille de

(1) Lamache, pag. 78-80.

Tavora, leurs parents, leurs amis furent arrêtés dans leur demeure; la fière dona Eléonor, arrachée de son lit, se vit traînée, à moitié nue, dans un couvent de Lisbonne, et le reste de sa famille fut enfermé dans la ménagerie de Belem, restée vide depuis le tremblement de terre.

« Qu'était-il donc arrivé dans cet intervalle ?... Dona Teresa, femme du jeune marquis de Tavora, était la maîtresse du roi. En allant la voir la nuit, Joseph avait été atteint dans sa voiture de deux coups de pistolet. Blessé au bras, il s'était enfermé dans son palais, attendant l'arrestation des accusés. Ces accusés étaient le duc d'Aveiro et le mari de la maîtresse du roi, regardés comme instruments du crime; les vieux Tavora désignés comme complices, et les Jésuites qui passaient pour instigateurs. De tous les membres de la famille. accusée, dona Teresa fut seule traitée avec indulgence; on ne sait pas encore si la découverte de la conspiration n'a pas été son ouvrage (1). »

Ces victimes, désignées par Pombal pour monter sur l'échafaud dressé d'avance dans son esprit (2), étaient les nobles familles qui avaient méprisé son alliance; e'étaient encore les Jésuites qui avaient essayé de réagir

(1) Saint-Priest, pag. 20.

(2) Ibid. loc. cit.

contre les mœurs efféminées de Joseph I, et de combattre le système de corruption du premier ministre.

Les Grands ne furent soumis ni à la juridiction de leurs pairs, ni au jugement de tribunaux ordinaires; ils se virent traduits devant un tribunal d'exception, le tribunal de l'Inconfidence, c'est-à-dire, devant une commission arbitraire, qui jugea à huit clos et servit Pombal selon ses désirs. L'exécution suivit de près la sentence, et eut lieu dans la nuit du 12 au 13 janvier 1759. On va juger du degré de perversité de ces coupables dont on soupçonnait les Jésuites d'être les amis. Une des victimes, la vieille marquise de Tavora, est conduite sur la place de Belem, en vue du Tage, la corde au cou, le crucifix à la main; quelques vêtements déchirés l'enveloppent à peine, mais tout en elle est empreint de force et de dignité. Le bourreau veut lui lier les pieds: Arrête, lui dit-elle, ne me touche que pour me tuer. Le bourreau s'agenouille devant dona Eléonor et lui demande pardon. Elle tire une bague de son doigt, et lui dit : Tiens, je n'ai que cela au monde; prends et fais ton devoir. Puis, la courageuse femme se met sur le billot et reçoit le coup mortel. Son mari, ses fils, dont le plus jeune n'avait pas vingt ans, son gendre, le jeune marquis de Tavora, et plusieurs serviteurs périssent avec elle en d'affreux tourments. Le duc d'Aveiro, rompu vif, n'expira qu'a

près de longues tortures. On mit le feu à la machine, et, en un moment, roue, échafaud, cadavres, tout fut brûlé et jeté dans le Tage. Les palais des condamnés furent rasés; on sema du sel à l'endroit où ils s'élevaient, et Pombal fit dresser sur une des places de Lisbonne un pilori que, par un privilége spécial, il consacra uniquement à la haute noblesse (1). La jeune marquise de Tavora fut enfermée dans un couvent; on fit subir le même sort au fils aîné du duc d'Aveiro (2). Une petite fille, dona Eléonor de Tavora, avait échappé à la boucherie : l'exécrable Pombal la maria de force à son fils le comte d'Oeyras.

Les victimes pardonnèrent aux humbles instruments de ces atroces vengeances, mais l'histoire n'a point pardonné au bourreau de qui les ordres émanaient.

Le 11 janvier au soir, pendant qu'on disposait les victimes de Pombal au supplice qu'elles subirent le lendemain, on saisit à Lisbonne et l'on traîna en prison dix Jésuites des plus respectés qu'il y eût par leur âge, leurs emplois et leur vertu, et le 12 on rendit public le procès, dont un article portait que la complieité des Jésuites était certaine et bien prouvée, qu'ils

(1) Saint-Priest, pag. 21.

(2) Voyage du ci-devant duc du Châtelet en Portugal, tom. I, pag. 130.

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