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le midi des enthoufiafmes fubits, des emportemens fougueux, des terreurs: paniques, des craintes & des efpérances fans fondement.

Il faut chercher ces influences du climat chez des peuples encore fauvages, & dont les uns foient fitués vers l'équateur & les autres vers le cercle polaire. Dans les climats tempérés, & parmi des peuples qui ne font. diftans que de quelques degrés, les influences du climat font moins fenfibles.

Le Législateur d'un peuple fauvage doit avoir beaucoup d'égard au climat, & rectifier fes effets par la législation, tant par rapport aux fubfiftances, aux commodités, que par rapport aux mœurs. Il n'y a point de climat, dit Mr. Hume, où le Législateur ne puiffe établir des mœurs fortes, pures, fublimes, foibles & barbares. Dans nos pays, depuis long-temps policés, le Légiflateur, fans perdre le climat de vue, aura plus d'égard aux préjugés, aux opinions, aux mœurs établies; & felon que ces mœurs, ces opinions, ces préjugés répondent à fes deffeins ou leur font oppofés, il doit les combattre ou les fortifier par fes loix. Il faut, chez les peuples d'Europe, chercher les caufes des préjugés, des ufages, des mœurs & de leurs contrariétés, non-feulement dans le gouvernement fous lequel ils vivent mais auffi dans la diverfité des gouvernemens fous lefquels ils ont vécu & dont chacun a laiffé fa trace. On trouve parmi nous des veftiges des anciens Celtes; on y voit des ufages qui nous viennent des Romains; d'au tres nous ont été apportés par les Germains, par les Anglois, par les Arabes, &c.

Pour que les hommes fentent le moins qu'il eft poffible qu'ils ont perdu des deux avantages de l'état de nature, l'égalité, l'indépendance, le Légiflateur, dans tous les climats, dans toutes les circonftances, dans tous les. gouvernemens, doit fe propofer de changer l'efprit de propriété en efprit de communauté : les légiflations font plus ou moins parfaites, felon qu'elles tendent plus ou moins à ce but ; & c'est à mesure qu'elles y parvien nent le plus, qu'elles procurent le plus de fécurité & de bonheur poffibles.. Chez un peuple où regne l'efprit de communauté, l'ordre du prince ou du magiftrat ne paroît pas l'ordre de la patrie : chaque homme y devient,. comme dit Metaftaze, compagno delle legge e non feguace : l'ami & non lefclave des loix. L'amour de la patrie eft le feul objet de paffion qui uniffe les rivaux; il éteint les divifions; chaque citoyen ne voit dans un citoyen qu'un membre utile à l'Etat; tous marchent ensemble & contens vers le bien commun; l'amour de la patrie donne le plus noble de tous les courages on fe facrifie à ce qu'on aime. L'amour de la patrie étend les vues, parce qu'il les porte vers mille objets qui intéreffent les autres : il éleve l'ame au-deffus des petits intérêts, il l'épure, parce qu'il lui rend moins néceffaire ce qu'elle ne pourroit obtenir fans injuftice; il lui donne l'enthoufiafme de la vertu un Etat animé de cet efprit ne menace pas les voifins d'invafion, & ils n'en ont rien à craindre. Nous venons de voir qu'un Etat.

ne peut s'étendre fans perdre de fa liberté, & qu'à mefure qu'il recule fes bornes, il faut qu'il cede une plus grande autorité à un plus petit nombre d'hommes, ou à un feul, jufqu'à ce qu'enfin devenu un grand empire, les loix, la gloire & le bonheur des peuples aillent fe perdre dans le defpotifme. Un Etat où regne l'amour de la patrie craint ce malheur, le plus grand de tous, refte en paix & y laiffe les autres. Voyez les Suiffes, ce peuple citoyen, refpectés de l'Europe entiere, entourés de nations plus puiffantes qu'eux: ils doivent leur tranquillité à l'eftime & à la confiance de leurs voifins, qui connoiffent leur amour pour la paix, pour la liberté, & pour la patrie. Si le peuple où regne cet efprit de communauté ne regrette point d'avoir foumis fa volonté générale, voyez DROIT NATUREL; s'il ne fent point le poids de la loi, il fent encore moins celui des impôts; il paye peu, il paye avec joie. Le peuple heureux fe multiplie, & l'extrême population devient une caufe nouvelle de fécurité & de bonheur.

Dans la légiflation tout eft lié, tout dépend l'un de l'autre ; l'effet d'une bonne loi s'étend fur mille objets étrangers à cette loi: un bien procure un bien, l'effet réagit fur la caufe, l'ordre général maintient toutes les parties, & chacune influe fur l'autre & fur l'ordre général. L'efprit de communauté, répandu dans le tout, fortifie le tout.

Dans les démocraties, les citoyens, par les loix conftitutives, étant plus libres & plus égaux que dans les autres gouvernemens; dans les démocraties, où l'Etat, par la part que le peuple prend aux affaires, eft réellement la poffeffion de chaque particulier, où la foibleffe de la patrie augmente le patriotifme, où les hommes dans une communauté de périls deviennent néceffaires les uns aux autres, & où la vertu de chacun d'eux fe fortifie & jouit de la vertu de tous; dans les démocraties, dis-je, il faut moins d'art & moins de foin que dans les Etats où la puiffance & l'adminiftration font entre les mains d'un petit nombre ou d'un feul.

Quand l'efprit de communauté n'eft pas l'effet néceffaire des loix conftitutives, il doit l'être des formes, de quelques loix & de l'administration. Voyez en nous le germe de paffions qui nous oppofent à nos femblables. tamtôt comme rivaux, tantôt comme ennemis; voyez en nous le germe de paffions qui nous uniffent à la fociété c'eft au Législateur à réprimer les unes, à exciter les autres; c'eft en excitant ces paffions fociales qu'il difpofera les citoyens à l'efprit de communauté.

Il peut par des loix qui impofent aux citoyens de fe rendre des fervices mutuels, leur faire une habitude de l'humanité; il peut par des loix, faire de cette vertu on des refforts principaux de fon gouvernement. Je parle d'un poffible, & je le dis poffible, parce qu'il a été réel fous l'autre hémifphere. Les loix du Pérou tendoient à unir les citoyens par les chaînes de l'humanité; & comme dans les autres légiflations elles défendent aux hommes de fe faire du mal, au Pérou elles leur ordonnoient fans ceffe de le faire du bien. Ces loix en établiffant (autant qu'il eft poffible hors

de l'état de nature) la communauté des biens, affoibliffoient l'efprit de propriété, fource de tous les vices. Les beaux jours, les jours de fête étoient au Pérou les jours où on cultivoit les champs de l'Etat, le champ du vieillard ou celui de l'orphelin: chaque citoyen travailloit pour la maffe des citoyens; il dépofoit le fruit de fon travail dans les magasins de l'Etat, & il recevoit pour récompenfe le fruit du travail des autres. Ce peuple n'avoit d'ennemis que les hommes capables du mal; il attaquoit des peuples voifins pour leur ôter des ufages barbares; les Incas vouloient attirer toutes les nations à leurs mœurs aimables. En combattant les antropophages même, ils évitoient de les détruire, & ils fembloient chercher moins la foumiffion que le bonheur des vaincus.

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Le Légiflateur peut établir un rapport de bienveillance de lui à fon peuple, de fon peuple à lui, & par-là étendre l'efprit de communauté. Le peuple aime le prince qui s'occupe de fon bonheur; le prince aime des hommes qui lui confient leur destinée; il aime les témoins de fes vertus, les organes de fa gloire. La bienveillance fait de l'Etat une famille qui n'obéit qu'à l'autorité paternelle. Dans tous les temps, dans toutes les monarchies, les princes habiles ont fait ufage du reffort de la bienveillance le plus grand éloge qu'on puiffe faire d'un roi eft celui qu'un hiftorien danois fait de Canut-le-Bon il vécut avec fes peuples comme un pere avec fes enfans. L'amitié, la bienfaisance, la générofité, la reconnoiffance feront néceffairement des vertus communes dans un gouvernement dont la bienveillance eft un des principaux refforts; ces vertus ont compofé les mœurs chinoifes jufqu'au regne de Chi-T-Sou. Quand les empereurs de cet empire, trop vafte pour une monarchie réglée, ont commencé à y faire fentir la crainte, quand ils ont moins fait dépendre leur autorité de l'amour des peuples que de leurs foldats tartares, les mœurs chinoises ont ceffé d'être pures, mais elles font restées douces.

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On ne peut imaginer quelle force, quelle activité, quel enthoufiafme, quel courage peut répandre dans le peuple cet efprit de bienveillance, & combien il intéreffe toute la nation à la communauté. La bienveillance eft le feul remede aux abus inévitables dans ces gouvernemens qui par leurs conftitutions laiffent le moins de liberté aux citoyens & le moins d'égalité entr'eux. Les loix conftitutives & civiles infpireront moins la bienveillance que la conduite du Législateur, & les formes avec lesquelles on annonce & on exécute fes volontés.

Le Législateur excitera le fentiment de l'honneur, c'est-à-dire, le défir de l'eftime de foi-même & des autres, le défir d'être honoré, d'avoir des honneurs. C'eft un reffort néceffaire dans tous les gouvernemens; mais le Législateur aura foin que ce fentiment foit comme à Sparte & à Rome, uni à l'efprit de communauté, & que le citoyen attaché à fon propre honneur & à fa propre gloire, le foit, s'il fe peut, davantage à l'honneur & à la gloire de fa patrie. Il y avoit à Rome un temple de l'honneur, mais

on ne pouvoit y entrer qu'en paffant par le temple de la vertu. Le fenti, ment de l'honneur féparé de l'amour de la patrie, peut rendre les citoyens capables de grands efforts pour elle, mais il ne les unit pas entr'eux, au contraire il multiplie pour eux les objets de jaloufie; l'intérêt de l'Etat eft quelquefois facrifié à l'honneur d'un feul citoyen, & l'honneur les porte tous plus à fe diftinguer les uns des autres, qu'à concourir fous le joug des devoirs au maintien des loix & au bien général.

Le Légiflateur doit-il faire ufage de la religion comme d'un reffort principal dans la machine du gouvernement?

Si cette religion. eft fauffe, les lumieres en fe répandant parmi les hommes feront connoître fa fauffeté, non pas à la derniere claffe du peuple, mais aux premiers ordres des citoyens, c'eft-à-dire, aux hommes destinés à conduire les autres, & qui leur doivent l'exemple du patriotisme & des vertus or fi la religion avoit été la fource de leurs vertus, une fois désabufés de cette religion, on les verroit changer leurs mœurs, ils perdroient un frein & un motif, & ils feroient détrompés.

Si cette religion eft la vraie, il peut s'y mêler de nouveaux dogmes, de nouvelles opinions; & cette nouvelle maniere de penfer peut être opposée au gouvernement. Or fi le peuple eft accoutumé d'obéir par la force de la religion plus que par celle des loix, il fuivra le torrent de fes opinions & il renverfera la conftitution de l'Etat, ou il n'en fuivra plus l'impulfion; Quels ravages n'ont pas faits en Weftphalie les anabaptiftes! Le carême des Abyffins les affoibliffoit au point de les rendre incapables de foutenir les travaux de la guerre. Ne font-ce pas les puritains qui ont conduit le malheureux Charles I fur l'échafaut? Les Juifs n'ofoient combattre le jour du fabat.

Si le Législateur fait de la religion un reffort principal de l'Etat, il donne néceffairement trop de crédit aux prêtres, qui prendront bientôt de l'ambition. Dans les pays où le Législateur a, pour ainfi dire, amalgamé la religion avec le gouvernement, on a vu les prêtres devenus importans, favorifer le defpotifme pour augmenter leur propre autorité, & cette autorité une fois établie, menacer le defpotifme & lui difputer la fervitude des peuples.

Enfin la religion feroit un reffort dont le Législateur ne pourroit jamais prévoir tous les effets, & dont rien ne peut l'affurer qu'il feroit toujours le maître cette raifon fuffit pour qu'il rende les loix principales, foit conftitutives, foit civiles, & leur exécution indépendante du culte & des dogmes religieux; mais il doit refpecter, aimer la religion, & la faire aimer & respecter.

Le Législateur ne doit jamais oublier la difpofition de la nature humaine à la superstition, il peut compter qu'il y en aura dans tous les temps & chez tous les peuples: elle se mêlera même toujours à la véritable religion, Les connoiffances, les progrès de la raifon font les meilleurs remedes

contre cette maladie de notre efpece; mais comme jusqu'à un certain point elle eft incurable, elle mérite beaucoup d'indulgence.

La conduite des Chinois, à cet égard, me paroît excellente. Des philofophes font miniftres du prince, & les provinces font couvertes de pagodes & de dieux on n'use jamais de rigueur envers ceux qui les adorent; mais lorfqu'un dieu n'a pas exaucé les vœux des peuples, & qu'ils en font mécontens au point de fe permettre quelque doute fur fa divinité, les mandarins faififfent ce moment pour abolir une fuperftition, ils brifent le dieu & renverfent le temple.

L'éducation des enfans fera pour le Légiflateur un moyen efficace pour attacher les peuples à la patrie, pour leur inspirer l'efprit de communauté, P'humanité, la bienveillance, les vertus publiques, les vertus privées, l'amour de l'honnête, les paffions utiles à l'Etat, enfin pour leur donner pour leur conferver la forte de caractere, de génie qui convient à la nation. Par-tout où le Législateur a eu foin que l'éducation fût propre à inspirer à fon peuple le caractere qu'il devoit avoir, ce caractere a eu de l'énergie & a duré long-temps. Dans l'efpace de 500 ans il ne s'et prefque pas fait de changement dans les mœurs étonnantes de Lacédémone. Chez les anciens Perfes l'éducation leur faifoit aimer la monarchie & leurs loix; c'eft furtout à l'éducation que les Chinois doivent l'immutabilité de leurs mœurs; les Romains furent long-temps à n'apprendre à leurs enfans que l'agriculture, la fcience militaire & les loix de leur pays; ils ne leur infpiroient que l'amour de la frugalité, de la gloire & de la patrie; ils ne donnoient à leurs enfans que leurs connoiffances & leurs paffions. Il y a dans la patrie différens ordres, différentes claffes; il y a des vertus & des connoiffances qui doivent être communes à tous les ordres, à toutes les claffes; il y a des vertus & des connoiffances qui font plus propres à certains Etats, & le Légiflateur doit faire veiller à ces détails importans. C'est fur-tout aux princes & aux hommes qui doivent tenir un jour dans leurs mains la balance de nos deftinées, que l'éducation doit apprendre à gouverner une nation de la maniere dont elle veut & dont elle doit l'être. En Suede le roi n'eft pas le maître de l'éducation de fon fils; il n'y a pas long-temps qu'à l'affemblée des Etats de ce royaume un fénateur dit au gouverneur de l'héritier de la couronne: Conduisez le prince dans la cabane de l'indigence laborieufe: faites-lui voir de près les malheureux, & apprenez-lui que ce n'eft pas pour fervir aux caprices d'une douzaine de fouverains que les peuples de l'Europe font faits.

Quand les loix conftitutives & civiles, les formes, l'éducation ont contribué à affurer la défense, la subsistance de l'Etat, la tranquillité des citoyens & les mœurs; quand le peuple eft attaché à la patrie & a pris la forte de caractere la plus propre au gouvernement fous lequel il doit vivre, il s'établit une maniere de penfer qui fe perpétue dans la nation; tout ce qui tient à la conftitution & aux mœurs paroit facré, l'efprit du

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