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prêté ce ferment. Toutes les difficultés furent enfin furmontées par les im portunités du Légat, & par la promeffe expreffe qu'il donna de ne pas user de fes facultés (a). Il n'eut que le nom de Légat; mais il faut reconnoître que, s'il n'en fit pas les fonctions, ce fut par la crainte que la cour de France eut d'augmenter les alarmes des proteftans; car le Légat étoit arrivé dans ce royaume peu de temps après le maffacre de la Saint Barthelemi (b).

Du temps d'Henri III, le Cardinal Morofini vint en France (c); mais pour exercer fa légation, il fut obligé de faire le ferment de fidélité au roi, & de promettre de n'ufer de fes facultés qu'auffi long-temps & de la maniere qu'il plairoit à Henri III: au lieu que les Légats qui l'avoient précédé, & ceux qui l'ont fuivi, n'ont donné que de fimples lettres. Les légations alloient tomber dans le décri, lorfque la ligue qui ravageoit ce royaume, les releva. La cour de Rome dépêcha en France le cardinal Caietan. En des temps moins orageux, elle n'eut ofé choisir pour Légat un homme de la famille de Boniface VIII, fi juftement odieux à la France. Ce Légat dont les Bulles furent enregistrées (d), fit publier fes facultés (e) qui lui attribuoient une jurifdiction que les factieux reftés à Paris reconnurent, ouï & ce requérant celui qui faifoit les fonctions de procureur-général. Le Légat, arrivant au parlement de Paris, alloit fe placer fous le dais qui est réservé pour le roi, lorfque le président Briffon, qui étoit à la tête de la compagnie, le retint par le bras, l'avertit que cette place étoit celle du roi, & que perfonne ne pouvoit l'occuper fans le rendre coupable. Le, Légat fut obligé de fe placer au deffous du premier-président (f). Le cardinal de Plaifance vint enfuite, qui profita, tant qu'il put, des défordres de l'Etat. Tirons le voile fur ce qui fe paffa pendant la ligue, & ne rapportons pas ici des exemples fur lefquels on ne pourroit fe fonder fans crime, depuis que la guerre civile a ceffé, & que la majefté du trône a repris toute fa fplendeur.

La ligue étant abattue, la cour de Rome, toujours redoutable à Henri IV, par l'autorité qu'elle confervoit fur les factieux de France, voulut profiter de l'intérêt que ce prince avoit de paroître l'honorer. Elle deftina le car

(a) Miferis precibus Regem deprecatus, dit de Thou.

(b) Ils font (la Cour) tout ce qu'ils peuvent pour faire accroire qu'ils ne font pas con tens de fon arrivée (du Légat). Walfingham, p. 265 du troisieme vol. de la traduction Françoise de ses négociations Amfterdam, 1717.

(c) Servin, dans les preuves des Libertés de l'Eglife Gallicane.

(d) Le 26 de Janvier 1590, par la partie du parlement, qui étoit restée à Paris.

(e) Le 16 de Février.

(ƒ) Hift. Thuan. lib. XCXVIII, ad ann. 1590, où l'on trouve l'Arrêt du Parlement de Tours, qui annulloit tout ce qui s'étoit fait à Paris, & celui du parlement de Paris qui cafoit celui de Tours.

dinal

dinal de Florence (a) à la légation en France, pour achever le grand ouvrage de la réconciliation du roi avec le St. Siege; il y vint (b), & fut reçu du roi avec de grandes démonstrations de joie & de très-grands honneurs. La cour envoya Henri de Bourbon, prince de Condé, au devant du Légat. Le Roi lui-même lui fit l'honneur de l'aller voir à Chaftres, pour marquer fa reconnoiffance à un homme qui, dans toutes les occafions, avoit embraffé les intérêts de ce prince contre la faction d'Efpagne; mais il n'y alla que fur des chevaux de pofte, & n'y fut pas fuivi de l'éclat extérieur qui accompagne la majefté royale dans les cérémonies publiques (c) précaution néceffaire, afin que la vifite parût perfonnelle & ne pût jamais tirer à conféquence.

Le Pape, content du fuccès de cette légation, comme les François durent l'être de la conduite du Légat, qui fe conduifit ( dit l'hiftorien) avec beaucoup de fageffe & de modération, envoya, quelque-temps après (d), le cardinal Aldobrandin en France, en qualité de Légat, pour la célébration du mariage de Henri IV & de Marie de Médicis, & pour la négociation de l'affaire du marquifat de Saluces. Ce Légat ne vint point à Paris, parce que le roi étoit occupé de la conquête de la Breffe & de la Savoie; il s'arrêta à Lyon où il fit fon entrée, le prince de Conti & le duc de Montpenfier marchant à fes côtés. La France crut en avoir fait affez, mais Rome ne fut pas contente. Les facultés du Légat étoient, presque dans tous les points, contraires aux libertés de ce royaume, & elles ne furent point enregistrées (e). Aldobrandin, tout neveu du pape qu'il étoit, ne fut pas vifité par le roi; & la cour de Rome apprit que, pour donner de la confidération aux Légats, il ne falloit pas rendre les légations fi communes (f).

Il n'y eut qu'une feule légation fous Louis XIII, & ce fut le cardinal Barberin qui l'exerça. Elle avoit pour objet l'affaire de la Valteline, & la paix d'Italie entre les François & les Efpagnols. Ce prélat avoit

(a) Medicis.

(b) En 1596.

peu d'ex

(c) Per veredarios equos, non cum regali pompa. Hift. Thuan. 1. CXVI, qui énonce les facultés du Légat, les restrictions que le parlement de Paris y mit, & les modifica tions que le roi apporta à ces restrictions.

(d) En 1600.

(e) Hift. Thuan. lib. CXXV, ad ann. 1600.

(f) Voici comme parle Rofny à Villeroy, dans une lettre du 7 Mars 1601, rapportée pag. 111 du cinquieme vol. des Economies royales de l'édition de 1725 » Vous favez » mieux que perfonne les faveurs que M. le Légat Aldobrandin (envoyé au fujet de la » négociation de Saluces) a reçues de S. M. en fon voyage, puifqu'elles ont paffé par » votre entremife. L'on écrit d'Italie, que les fiens fe plaignent, & qu'il n'a été traité » comme il mérite; je ne crois pas que cela procede de lui; car il feroit trop ingrat, & » j'ai meilleure opinion de fon naturel, «

Tome XXIII.

E

périence, mais il étoit neveu du papé, ferme, infiniment jaloux de cérémonies, felon le génie de fa nation. Comme il n'ignoroit ni l'ambition du cardinal de Richelieu, ni le crédit que ce miniftre avoit fur l'efprit de fon maître, il voulut le gagner. D'abord, il le flatta de l'efpérance de devenir lui-même Légat, afin de l'engager à agir comme pour fes propres intérêts; mais s'appercevant bientôt que le cardinal de Richelieu ne fe payoit pas d'efpérances fi incertaines & fi éloignées, il offrit de lui donner la main dans la vifite qu'il en devoit recevoir, ce qu'il avoit refufé en Italie au cardinal de Medicis. Cet honneur préfent lui gagna Richelieu, qui persuada à fon maître d'ordonner aux évêques d'affifter à son entrée (a) avec le chapeau & la mantelette; ce qui fut une nouveauté fans exemple. Richehieu perfuada auffi au roi d'envoyer fon propre frere le duc d'Orléans, au devant du Légat, avec ordre de l'accompagner à fon entrée & de lui donner la main. Chofe étrange! que le propre frere d'un roi de France ait cédé à un Légat, qui cede aux cardinaux, lefquels cedent eux-mêmes, nonfeulement aux fils & petit-fils de France, mais à tous les princes du fang, & même aux princes légitimés (b). Toutes les cours fupérieures allerent faluer le Légat. Il avoit follicité que le roi lui fit l'honneur de l'aller visiter, mais Richelieu qui n'étoit pas alors fi abfolu qu'il le fut depuis, ne put jamais déterminer fon maître à faire cette démarche; & les honneurs qu'on fit au Légat & qui étoient exceffifs, ne firent pas réuffir la légation. 11 prit fon audience de congé (c), & partit fubitement pour l'Espagne, fans attendre qu'on lui fit le préfent ordinaire, ni qu'on lui rendit les honneurs accoutumés en pareille occafion. Le roi affembla là-deffus un confeil, dont le résultat fut que, puifque le Légat s'en alloit, il falloit le laiffer aller.

Sous le regne de Louis XIV, le cardinal Chigi, neveu d'Alexandre VII, vint en qualité de Légat, pour un fujet qui n'avoit jamais donné lieu à aucune légation. Ce fut pour faire au roi les foumiffions & les fatisfactions réglées pour l'affaire des Corfes, par le traité de Pife (d). Le roi envoya au devant du Légat un prince de fon fang, pour ne pas retrancher au propre neveu du pape un honneur dont Henri-le-Grand a le premier établi l'ufage.

(a) Qui fe fit le 21 de Mai 1625.

(b) Les cardinaux qui vont faire une vifite de cérémonie à nos princes du fang & aux princes légitimés, ne reçoivent pas abfolument les mêmes traitemens qu'ils leur font; car les princes n'accompagnent les cardinaux que jufqu'au haut de l'efcalier, & les cardinaux defcendent deux marches. D'ailleurs, en lieu tiers, ces princes précedent les car dinaux. Le duc d'Orléans précéda toujours le cardinal de Fleury & le Cardinal de Tencin dans le confeil du roi.

(c) Le 22 Septembre 1625.

(d) Du 22 Février 1664.

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Pour envoyer un Légat en France, le pape doit, avant toutes choses, favoir fi le roi approuve la légation, & fi la perfonne que le pape y deftine lui eft agréable. Cet ufage eft auffi ancien que celui des légations. Il est vrai que Boniface VIII s'éleva contre cette coutume: mais l'averfion du pape pour la France, & fes emportemens font fi connus qu'il n'eft pas néceffaire de dire que fon fuffrage n'eft d'aucune autorité dans les affaires qui regardent cette couronne (a). Il fuffit que tous les autres papes l'aient obfervé. L'on ne peut, ni l'on ne doit entrer dans un Etat, malgré le fouverain qui y commande; & quand ce ne feroit qu'un usage de bienséance, il conviendroit qu'on s'y conformât. S'il fe pratique à l'égard des nonces qui font envoyés en France (b), combien n'eft-il pas plus indifpenfable pour les Légats, qui viennent ériger un tribunal & faire une fonction extraordinaire dans le royaume ! Ils ne la peuvent faire que de l'autorité du roi; car la jurifdiction qui s'exerce dans un Etat, émane du fouverain. C'est pour cela que les Légats, lorsqu'ils arrivent sur la fron tiere de France, ceffent de faire porter la croix haute devant eux, parce qu'elle est la marque d'une jurifdiction qui ne leur appartient, qu'après qu'ils ont obtenu, par des lettres patentes du roi, la permiffion d'ufer de leurs facultés.

Après que les Légats ont obtenu le confentement du roi, ils font obligés d'envoyer leurs bulles au parlement de Paris. Là, elles font examinées & modifiées, de forte que les maximes du royaume, les droits de la cour ronne & les libertés de l'églife gallicane, foient à couvert des entreprises de la cour de Rome (c). C'eft ce qui résulte du détail où je fuis entré. Le pape voit avec reg et les facultés de fes Légats foumises à la cenfure du parlement de Paris. Autli-a-t-il fait tous fes efforts pour l'éviter; mais ce parlement a toujours contraint les Légats à fe foumettre à un ufage qui conserve à l'églife de France fes libertés. Tout ce que les papes ont enfin pu obtenir, ç'a été que les modifications ne se mettroient pas fur le repli des bulles, mais feroient registrées à part. Le parlement de Paris a eu bien de la peine à fe relâcher jufques-là; mais nos rois l'ont voulu, & il a fallu que le parlement ait obéi.

L'une de ces modifications, c'eft que le Légat eft obligé de donner au roi des lettres (d), par lefquelles il promet de n'ufer de fon pouvoir qu'auffi long-temps & de la maniere qu'il plaira au roi. Jufqu'à ce qu'il áit fatisfait à cette formalité effentielle, le legat demeure fans fonctions, & tout ce qu'il feroit feroit déclaré nul & abulif.

(4) Voyez l'hift. du différend de Philippe-le-Bel & de Boniface VIII, par Baillet. (b) Voyez l'article NONCE.

(c) De Thou, hift. lib. III, ann. 1549, rapporte au long les modifications qui font mifes aux facultés des Légats.

(d) Voyez-en plufieurs exemples dans les preuves des libertés de l'églife Gallicane.

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Lorfque ces formalités ont été remplies, fi les Légats vont au parlement, ils prennent, non la place du roi, mais la premiere place du côté gauche, parce que la jurisdiction eft royale. On ne fouffre jamais qu'ils faffent porter la croix devant eux, ni dans les lieux où le roi fe trouve, ni en présence des parlemens, quoique le roi n'y foit pas. La croix eft une marque de jurifdiction; & les Légats n'en ont en France ni en présence du roi, ni en présence des parlemens. Les Légats ont cela de commun avec tous les officiers du royaume, qu'ils ne confervent de jurifdiction en préfence du roi, qu'autant qu'il le trouve bon. C'eft ce qui a fait dire à un premier président du parlement de Paris, que le Légat eft officier du roi auffi-bien que du pape (a).

Le roi envoie au devant des Légats un prince de fon fang, & nous venons de voir comment cet ufage s'eft établi; il ne les vifite point; & lorfqu'il leur fait l'honneur de les admettre à fa table, ce qui n'arrive guere qu'une fois pendant leur légation, il ne leur donne pas la main.

Si les Légats ont des dégoûts à leur arrivée en France, & pendant le féjour qu'ils y font, ils ont encore, à leur fortie du royaume, le défagrément d'être obligés d'y laiffer les regiftres de leurs expéditions & le cachet de leur légation (b). C'eft une des conditions de l'enregistrement de leurs bulles, fans quoi l'on n'auroit aucun égard à tout ce qu'ils auroient fait : condition jufte; car fi le pape eft tenu lui-même de donner aux sujets du roi des juges en France, à plus forte raifon fes Légats doivent-ils remplir cette formalité, afin que les François ne foient pas obligés d'aller à Rome compulfer des regiftres, & former des conteftations fur ce qui fe feroit paffé en France. Telle eft la vraie raison de cet usage (c). Quelques auteurs difent qu'il n'a été introduit que pour empêcher que les Légats n'emportent les actes qu'ils pourroient avoir faits au préjudice de l'Etat ; mais cette raifon n'eft point bonne. Outre que les Légats pourroient avoir facilement des doubles de ces actes contraires à nos libertés, on les auroit bien plutôt obligés à laiffer en France leurs bulles qui font vérifiées purement & fimplement, & qui, par conféquent, feroient plus propres à leurs vues, que des actes dont ils font eux-mêmes les auteurs; car il eft bien vraisemblable que les Légats, en s'en retournant à Rome, n'y portent pas les arrêts du parlement, qui contiennent les modifications de leurs bulles.

(a) Utriufque lateris, Regist. du parlement de Paris, du 21 de Février 1150. (b) Ferret.

(c) Dupleix, en la Vie de Henri IV, ad ann. 1596,

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