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Il arriva dans le commencement de cette 1782. année, & à peu de diftance l'une de l'autre deux frégates portant de l'argent & des dépêches; ces fecours réduifirent le change à-peuprès au pair. On apprit par ces dépêches l'arrivée en Europe des Ducs de Lauzun & Comte Guillaume des Deux-Ponts; l'on y recevoit les affurances les plus flatteufes pour le Général & pour l'Armée, de l'approbation du Roi. Sa Majesté écrivit au Comte de Rochambeau, pour lui donner ordre de faire, à la tête de fon Armée, les réjouiffances accoutumées. Le début de l'année 1782 fut brillant par ces jours d'allégreffe : on en fit pour la naiffance du Dauphin, pour la prise de Saint-Euftache, de SaintChristophe & de l'Ile de Minorque. Mais les faveurs de la fortune eurent un terme pour le malheureux Comte de Graffe.

La nouvelle de fa défaite arriva en Amérique dans le cours du mois de Mai, par une relation de Rodney, que l'ennemi eut grand foin de publier. Elle étoit d'autant plus importante, que le Congrès & les Affemblées de plufieurs Etats, y étoient convoqués, pour réfoudre fi l'on écouteroit les propofitions du Général Carleton, qui avoit relevé dans le commandement, le Chevalier Henri Clinton. Il propofoit à l'Amérique de reconnoître fon indépendance, fans aucune ref

1782. triction, pourvu qu'elle fe détachât de l'alliance qu'elle avoit contractée avec la France. Le Congrès refufa de recevoir le Secrétaire du Chevalier Carleton, porteur de ces propofitions, & l'Etat de Maryland prit le premier une résolution, qui déclaroit ennemi de l'Etat ceux qui propoferoient de traiter fans le concours du Roi leur allié, & qui étoit accompagnée des fentimens les plus expreffifs de fa reconnoiffance.

Cette réfolution fut adoptée dans l'Assemblée générale de Virginie, & ne tarda pas à l'être par tous les autres Etats, aux époques où leurs Affemblées fe tiennent ordinairement. En mêmetems le Général Anglais ayant fait partir de Charles-Town un détachement, aux ordres du Général Major O'Hara, pour aller à la Jamaïque, fit propofer au Général Green une fufpenfion d'armes, qui fut également refufée par ce Général, & par l'Affemblée légiflative de la Caroline du Sud (1). Le Chevalier de la Luzerne

(1) Le Chevalier de la Luzerne avoit remplacé M. Gérard, en qualité de Miniftre plénipotentiaire de France auprès des Etats-Unis ; fes manières franches, loyales & fimples, jointes à une représentation noble & généreuse, lui concilièrent les efprits des Républicains, au point que, fans vouloir entrer dans le détail de leurs affaires intérieures, il ne s'en traitoit guère d'une certaine importance, qu'il n'y fut confulté, par l'eftime que l'on avoit pour lui.

envoya toutes ces nouvelles en France par le 1782: Chevalier de Clonard: elles confirmèrent la

bonne opinion qu'on y avoit de la fermeté des Américains, de leur conftance, & de leur reconnoiffance envers le Roi leur allié.

Il eft tems de réduire ici, à la fimple vérité de l'hiftoire, l'épifode du Capitaine Afgyll, qui a été fort exagéré par toutes les Gazettes, & dont on a déjà fait le fujet de plufieurs Drames ou Romans; en voici le fimple récit.

Le Capitaine Lippencut, Américain réfugié au fervice d'Angleterre, étant forti de NewYork avec un détachement, alla prendre dans fa maison un Capitaine de milice Américaine, le fit juger fans forme, & pendre à un arbre avec une infcription diffamante. Sur cette nouvelle, le Général Washington réclama à New-York le meurtrier, &, en cas de refus, menaça de la repréfaille la plus ferieufe. Le Général Clinton ne fatisfit point à cette demande. Le Général Washington, ne pouvant résister aux instances de fon armée qui crioit vengeance, envoya aux Quartiers des prifonniers, & fit tirer au fort tous les Capitaines Anglais : le fort tomba fur M. Asgyll, un des prifonniers de l'armée de Mylord Cornwallis. L'Officier fupérieur Anglais, qui commandoit tous ces prifonniers, écrivit au Comte de Rochambeau pour réclamer fa ga

1782. rantie comme un des contractans de la capitulation d'York, & lui obferver que l'article XIV. de ladite capitulation mettoit l'armée de Mylord Cornwallis en sûreté contre toutes repréfailles. Le meurtre de Lippencut étoit postérieur à cette capitulation; c'eft de cette date que l'armée Américaine argumentoit pour demander la repréfaille. Le Comte de Rochambeau écrivit fur le champ, en faveur d'Asgyll, dans les termes les plus forts au Chevalier de la Luzerne, en le priant de communiquer fa lettre au Général Washington. Ce dernier lui fit répondre par le même Miniftre qu'il pouvoit être tranquille fur le fort d'Afgyll, qu'il devoit cette démarche à la fatisfaction de fon armée; mais qu'il donnoit fa parole que cet Officier ne périroit pas, & que, pour le tranquillifer totalement, il alloit lui ordonner de fimples arrêts dans le Comté de Chatham, qui a cinq ou fix lieues d'étendue, près de NewYork. La lettre de M. le Comte de Vergennes arriva, portant la recommandation de Leurs Majeftés Très-Chrétiennes en faveur de ce jeune Capitaine & de fon intéreffante famille. Le Général Washington & le Congrès eurent tous les égards poffibles à d'auffi puiffants Protecteurs, & ordonnèrent fon élargiffement.

Auffi-tôt que la Cour de France eut réglé les opérations de la campagne, on prépara deux fré

gates qui devoient en porter les dépêches en 1782. Amérique. Une de ces frégates, dans laquelle étoit le Comte de Ségur, fut retardée par divers accidens, &, après avoir été forcée de rentrer à Rochefort, ne put que fe réunir à la feconde, & partir ensemble à une époque plus éloignée. Ce contre-tems laiffa le corps Français pendant quelques mois fans dépêches, & avec fort peu d'argent.

L'intempérie de la faison, fi fâcheufe en Virginie, commençoit à caufer beaucoup de maladies dans l'armée. Le Chevalier de la Luzerne eut à cette époque des nouvelles de M. de Vaudreuil, qui, après la prife de M. le Comte de Graffe, avoit pris le Commandement de la flotte; ce Général le prioit de lui préparer des fecours dans le port de Boston. Enfin l'on fut qu'il devoit se faire à New-York un embarquement de troupes, que l'on difoit deftinées contre les établiffemens Français dans les Indes Occidentales. Toutes ces circonftances déterminèrent le Comte de Rochambeau à mettre, le 1er Juillet, l'armée en mouvement pour fe diriger vers le Nord, & à propofer une conférence à Philadelphie au Général Washington. Il y fut réglé que les deux armées fe réuniroient fur la rivière d'Hudfon, & s'approcheroient enfuite le plus près poffible de New-York pour menacer cette Place, & empêcher le Chevalier Clinton de détacher une partie de fes forces

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