1782. fortir de leurs ports, & protéger ceux qui arrivoient de leurs dominations dans les deux Indes. Les Anglais avoient au contraire les plus grandes appréhenfions pour la riche flotte- que l'on attendoit de la Jamaïque, qui n'étoit escortée que par trois vaiffeaux de ligne, aux ordres du Chevalier Peter Parker.

Mylord Howe fortit au commencement de Juillet avec vingt-deux vaiffeaux de ligne, pour protéger l'arrivée de cette flotte, ayant à fes ordres les Amiraux Barrington & Rofs. Les flottes combinées avoient alors été renforcées par plufieurs navires de Breft & d'autres parts, & montoient à plus de quarante vaiffeaux. Il falloit donc toute l'habileté de Mylord Howe pour effectuer l'objet de sa mission, & éviter en même tems un combat avec l'armée navale des ennemis. Il réuffir dans fon entreprife, & ramena le convoi du Chevalier Parker fain & fauf vers la fin de Juillet. Les Hollandais reftèrent dans leurs ports, & n'en fortirent qu'au mois d'Août, pour une courte croifière dans les mers du Nord, dans laquelle ils ne firent rien d'important.

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CHAPITRE XLIX.

projet d'attaquer la Jamaïque, que diffé- 1782. rens événemens avoient fait abandonner, fut, cette année, repris avec plus de vigueur que jamais. Les Efpagnols avoient une flotte formidable, prête à joindre le Comte de Graffe, ce qui auroit fait monter les forces maritimes de la Maison de Bourbon, dans les Indes Occidentales, à cinquante vaiffeaux de ligne. Elle avoit, outre cela, une armée nombreufe de troupes de terre dans les Ifles de la Martinique, d'Hifpaniola & de Cuba, munie de toutes les provisions de guerre néceffaires pour faire réuffir ce projet. La Jamaïque n'avoit à oppofer à ces grands armemens, que fix bataillons de troupes réglées, & une milice peu difciplinée. La force naturelle de l'Ide, & les maladies, que fon climat mal-fain caufe ordinairement aux Européens, auroient néanmoins rendu sa prise douteufe; mais les Confédérés pouvoient détruire la . plupart des plantations, & rendre la Place incapable de fournir à la Grande-Bretagne ju pendant plufieurs années, les denrées dont elle avoit befoin. Le 19 Février, l'Amiral Rodney arriva à la Barbade, avec douze vaiffeaux de ligne, &

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1782. y joignit, quelque tems après, le Chevalier Hood. Par cette jonction, la flotte d'Angleterre étoit forte de trente-fix vaiffeaux de ligne, en comptant trois autres vaiffeaux qui vinrent d'Europe. Le malheur qui étoit arrivé au convoi fous l'efcorte du Comte de Guichen, mettoit M. de Graffe dans le plus grand embarras. Il n'avoit reçu qu'une portion des provisions & des agrès dont il avoit befoin pour réparer fa flotte, que le mauvais tems & les différens combats avoient fort défemparée.

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Le premier objet de Rodney fut de tâcher d'intercepter un fecond convoi, qu'il favoit être parti de France vers le milieu de Février, pour apporter à la Martinique des provifions de guerre & de bouche, & les autres articles dont l'Amiral Français avoit befoin. Dans ce deffein, il forma une ligne au vent des Ifles Françaises, depuis Defeada jufqu'à Saint-Vincent; mais le convoi de France, en arrivant au Nord de Defeada, & en ferrant enfuite la côte de la Guadeloupe & de la Dominique, évita les ennemis, & entra le 20 Mai, fain & fauf, au Fort-Royal, où le Comte de Graffe étoit occupé à radouber fa flotte. L'Amiral Rodney n'eut plus alors autre chofe à faire, qu'à retourner à SainteLucie, pour veiller les mouvemens des Français. Les deux Amiraux avoient en vue des objets

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bien différens: celui du Comte de Graffe étoit 1782. de joindre l'armée navale d'Espagne, & d'éviter une action, par tous les moyens poffibles: l'objet de l'Amiral Anglais étoit au contraire de combattre, & d'empêcher cette jonction, de laquelle dépendoit le fort de la campagne.

Le 8 Avril, au point du jour, la flotte Française fortit du Fort-Royal. Elle étoit compofée de trente-trois vaiffeaux de ligne, dont un de cent dix canons, & huit de quatre-vingt, & étoit divifée en trois Efcadres, aux ordres du Comte de Graffe, du Marquis de Vaudreuil & de M. de Bougainville. L'Amiral Français, pour éluder la poursuite des Anglais, au lieu de se laiffer tomber fous le vent, ne s'éloigna pas des Ifles, & garda le convoi qu'il efcortoit entre lui & les côtes. Comme les vents font plus va riés dans cette latitude, & qu'il y a d'ailleurs, un grand nombre de canaux & de paffages que les Français connoiffent mieux que les Anglais, cette manœuvre devoit caufer plus d'embarras & de difficultés à ces derniers, tandis que les premiers avoient plus de probabilité d'éviter les efforts que faifoient les Anglais pour en venir à un combat décifif.

Dès que les frégates de Rodney eurent fignalé la fortie de l'Armée navale de France, il mit auffi-tôt en mer avec toute fa flotte, alors forte de

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1782. trente-fix vaiffeaux, dont cinq étoient de quatrevingt-dix canons. Elle étoit auffi en trois divifions: l'avant-garde étoit commandée par Chevalier Hood, le centre par le Chevalier Rodney, & l'arrière-garde par M. Drake. Le même foir, il vint en préfence de l'Armée navale de France fous la Dominique, & continua la poursuite pendant la nuit, en fe réglant fur les fignaux des ennemis. Le. Comte de Graffe forma, le matin du 9, une ligne de bataille au vent de fon convoi, qu'il fit avancer devant lui, afin de le couvrir, & continua fa route dans cette pofition. Le Chevalier Rodney mit de fon côté, le fignal de combat, & ordonna à fes vaiffeaux de former une ligne à la distance de deux cables l'un de l'autre; mais les calmes retinrent long-tems la flotte Anglaife fous la Dominique, tandis que les Français qui étoient plus avancés, profitoient d'une brife pour s'éloigner. L'avant-garde des Anglais fut cependant, bientôt après, favorifée de la même brife, & s'approcha de la flotte Française, tandis que le centre & l'arrière-garde étoient encore retenus par les calmes. On dit qué le Comte de Graffe, auroit pu éviter une bataille; mais la probabilité d'écrafer cette avant-garde, avant qu'elle pût être jointe par les autres divifions dont elle étoit féparée, le tenta. A neuf heures du matin

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