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voulant établir une démocratie. Toutes les Cours de l'Europe furent bientôt inondées de leurs Miniftres Plénipotentiaires, qui y étalèrent un fafte qui ne convenoit guère à des Philofophes. Au lieu de s'attacher à la culture des terres d'établir chez eux des manufactures, de leur donner l'encouragement néceffaire, en se servant des rudes étoffes qu'elles pourroient d'abord produire, ils voulurent être vêtus comme les fujets les plus riches des grandes Monarchies. Qu'en eft-il réfulté? Ils ont contracté des dettes énormes; tout le numéraire eft forti du pays, & ils n'ont point été capables de remplir leurs engagagemens envers les Puiffances de l'Europe; ils n'ont pas même été capables de les remplir envers leurs propres troupes ; & ces malheureux foldats, qui avoient facrifié leur fang & leur fortune, pour la défense de la liberté, ont été obligés, pour foutenir une misérable existence, de vendre à des ufuriers, ces penfions que le Congrès leur avoit accordées; car nous croyons que M. Démeunier a été mal informé au fujet de ces pensions. Comme le prévoyoit le Général Washington, ils font devenus le jouet de la politique de l'Europe, qui règle leur commerce à fon gré.

Républicains, j'ai toujours été grand partifan de la caufe que vous avez embraffée; j'aime la

liberté, fuivez mon avis. Si je vous parois préfomptueux, n'imputez ma préfomption qu'à l'intérêt que je prends à votre bien-être : cultivez vos terres avec affiduité, établissez chez vous toutes les manufactures poffibles, tâchez de vous fuffire à vous-mêmes, vous le pouvez, la vaste étendue de Continent que vous poffédez vous met en état de fuivre cet avis falutaire. Hélas! le luxe s'introduira affez tôt parmi vous. Quand ces terres immenfes qui vous environnent regorgeront d'habitans, quand elles ne pourront plus maintenir ceux qui les cultivent, alors vous ferez obligés d'avoir recours au commerce, & l'Amérique Efpagnole vous offre un beau débouché; c'eft-là que vous pourrez porter toutes vos denrées avec le plus grand avantage, & par le moyen de l'or que vous en tirerez, vous procurer aifément tout ce qui fert au luxe des anciens Gouvernemens. Vous ne devez pas defirer cette époque fatale; mais fongez que votre commerce n'aura jamais de base folide, qu'autant que les denrées que vous exportez pourront au moins balancer celles que vous importez. En contractant des obligations, vous retombez dans cet état de dépendance pour lequel vous avez témoigné tant d'horreur.

Le commerce avec l'Etranger n'eft nécessaire qu'à un Etat trop peuplé, & qui ne peut plus trouver dans fon enceinte les denrées qui con

tribuent à la fubfiftance ou à l'aifance de fes habitans. Il n'eft utile qu'aux Monarchies qui veulent fe procurer des richeffes afin de maintenir des armées nombreufes, foit pour attaquer leurs voifins, foit dans la crainte d'en être attaqués, ou même afin de maintenir l'ordre & la fubordination dans leurs formes de Gouvernement, dont les abus pourroient fouvent exciter la colère du peuple. Mais vous, Républicains, vous qui n'avez point l'efprit de conquête, & qui n'avez rien à craindre de vos voifins, vous, qui n'avez à maintenir qu'une autorité à laquelle chaque individu fe foumet fans murmure, vous, qui avez des terres immenfes, que vous ne pouvez pas même cultiver, à quoi vous ferviroit un commerce avec l'Etranger, finon à empêcher les progrès de la population, en envoyant hors de la République nombre d'individus utiles, & en les expofant fur des mers orageufes aux dangers des élémens, & à l'intempérie des climats auxquels ils ne font pas accoutumés? — Mais, direz-vous, que ferons-nous des productions de nos terres, fi nous n'établiffons pas un commerce? Il feroit à fouhaiter pour vous que vous puffiez vous borner à un trafique intérieur, &, par des échanges mutuels, vous procurer toutes les aifances de la vie; cela contribueroit, en quelque forte, à conferver parmi vous cette égalité de fortune, si nécessaire

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au bon ordre des états démocratiques, & même au bonheur de chaque individu. Confidérez ces anciennes Monarchies, ces Empires opulens des deux hémisphères, & vous verrez que les maux dont ils font accablés ne viennent que de l'inégalité des biens. Quelques gens puissans envahiffent tout, & le refte du peuple fe trouve dans une espèce d'esclavage; on n'y apperçoit qu'un faste pompeux, environné de la misère la plus grande. Craignez, Républicains, cette inégalité de fortune, qui eft la fource de tous ces maux; mais, fi vous êtes réfolus de devenir riches, & de facrifier votre profpérité future aux préjugés qui dominent les trois quarts de la terre, n'appréhendez rien le débouché de vos productions; les Etrangers viendront eux-mêmes vous les prendre, le luxe auquel ils font accoutu més ne leur permet plus à préfent de s'en paffer: laiffez-les s'expofer à toutes les horreurs des mers & des climats mal fains, & qu'une trop grande foif de l'or ne vous fasse point abandonner ces contrées fertiles, ou règnent la liberté, le bonheur & l'égalité.

pour

CHAPITRE LI X.

Ordre ou Société de Cincinnatus.

LA fociété de Cincinnatus devoit être com

pofée de tous les Officiers Américains qui avoient eu part à la révolution on y admit auffi les Officiers de l'armée & de la marine Française qui avoient fait la guerre avec les Américains, depuis le rang de Lieutenant-Cénéral, jufqu'à celui de Colonel, inclusivement. Un Député vint à Paris leur propofer ce témoignage d'amitié & chercher les aigles qui devoient être la marque diftinctive de l'affociation.

Les Cincinnati devoient, tous les ans, s'affembler & élire un Préfident; la Société devoit avoir un tréfor foutenu par les contributions volontaires des affociés pour foulager les pauvres Frères, & il fut propofé qu'elle feroit perpétuelle. Les loix de cette Société devinrent publiques, & les Politiques, en les lifant, virent les dangers qui pouvoient naître de cette nouvelle inftitution. Les cultivateurs & les citoyens laborieux, qui n'avoient jamais vu de diftinction entre un

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