صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني
[blocks in formation]

HISTOIRE

DES TROUBLES

DE

L'AMÉRIQUE ANGLAISE.

CHAPITRE XLIII

APPRES PPRÈS avoir vu ce qui fe paffoit dans le 1781. nouvel hémisphère, il faut tourner nos regards vers l'Europe. Le nombre d'objets que nous avons à traiter, le nombre d'évènemens qui arrivent à-peu-près dans le même tems, & qui demandent à être détaillés, tant pour en expliquer les caufes que pour en faire voir les conféquences, nous forcent quelquefois à faire des mouvemens rétrogrades, afin de raffembler ces matériaux que la néceffité nous avoit obligé de laiffer en arrière. Vers la fin de l'année 1780, le Baron de Rullecourt projetta une feconde expédition contre l'ifle de Jerfey; il avoit à fes ordres un Corps de troupes de deux mille hommes, compofé des Volontaires de Luxembourg & de différens autres Tome IV. A

178. détachemens. Ayant assemblé un nombre fuffifant de bateaux de tranfport à Granville, fur la côte de Normandie, & quelques Corfaires pour les escorter, fon impatience fut fi grande, qu'en dépit du mauvais tems il embarqua ses Troupes & mit en mer. En conféquence de cette précipitation, fa flottille fut difperfée dans une tempête, & la moitié de fes forces pouffées fur les côtes de France: il gagna néanmoins un abri, avec le reste, dans les lles de Chaufey. Dès que la tempête fut diffipée, il fit voile pour Jersey, & arriva pendant la nuit dans la baie de Grouville. Il débarqua les Janvier à Violet-bank, à environ trois milles de Saint-Hélier, capitale de l'Ifle. La côte étoit cependant fi dangereufe, qu'il perdit un Corfaire & quatre petits vaiffeaux, avec deux cens hommes à bord. Les Français, après avoir furpris un parti de Milice qui gardoit une redoute, & y avoir laiffé cent vingt hommes marchèrent vers Saint-Hélier, où ils furprirent la garde, s'emparèrent des avenues de la ville & du marché, fans rencontrer la moindre résistance. Au point du jour les habitans fe trouvèrent au milieu des ennemis. Le Major Corbet, DéputéGouverneur, & les Magiftrats, furent amenés prifonniers à l'Hôtel-de-Ville, & le Commandant des Troupes Françaises dreffa des articles de capitulation, qu'il propofa au premier de figner.

[ocr errors]

Par ces articles, l'Ifle devoit être cédée aux Français, 1781. & la garnifon tranfportée en Angleterre. Pour accélérer la capitulation, il exagéra le nombre de fes Troupes, dit qu'elles étoient dans différentes parties de l'Ifle au nombre de cinq mille, & menaça de détruire la ville & les habitans en cas de refus. En un mot, il força le foible Corbet à figner la capitulation.

Le Baron fomma enfuite le château de fe rendre fuivant ces articles; mais les Capitaines Aylward & Mulcafter, qui y commandoient, n'eurent aucun égard à cette fommation. M. de Rullecourt plaça alors le pauvre Major Corbet à la tête des Français, & continua de s'avancer avec lui vers la porte; mais on le reçut avec un feu fi vif, qu'il fut obligé de retourner dans la ville. L'lfle ayant pris l'allarme, les Troupes les plus à portée & la Milice, fe formèrent fur les hauteurs fous le commandement du Major Pierson. Le Baron de Rullecourt envoya dire au Major de fe conformer à la capitulation; mais celui-ci fit réponse que, fi dans vingt minutes les Troupes Françaises ne mettoient point bas les armes, il feroit forcé de les attaquer. Ce tems étant expiré, il difpofa fes forces de manière à entourer la ville, ce qui obligea les partis Français à fe replier vers la place du marché où étoit leur principale force. Il y eut dans cet endroit une attaque

1781. dans laquelle le Baron de Rullecourt fut mortellement bleffé. Celui qui lui fuccéda pria alors le Député-Gouverneur de reprendre fon autorité, & fe rendit fon prifonnier de guerre. Au moment de la victoire le Major Pierfon reçut une balle au travers du cœur, qui termina fa carrière. La jeuneffe de cet Officier, qui n'avoit pas encore vingt-cinq ans, le courage & l'habileté qu'il avoit montrés dans ce premier effai, firent que fut également regrettée à Jersey & en Angleterre. Pendant cette action les Grenadiers du 83eme Régiment reprirent la redoute fur le rivage, & ainfi tous les Français qui avoient débarqué dans l'Ifle, au nombre de huit cens, furent ou tués, ou faits prifonniers.

[ocr errors]

fa

perte

Pendant ce tems-là les Efpagnols conduifoient le blocus de Gibraltar avec beaucoup de vigilance, & empêchoient qu'il n'y entra aucune efpèce de provifions. Les Anglais étoient trop occupés d'ailleurs pour pouvoir porter du fecours à cette Place, & fembloient l'avoir abandonnée à fon fort; les misères qu'endura cette brave garnifon font inexprimables; les denrées de première néceffité s'y vendoient à un prix exhorbitant. Ils étoient au moment de manquer de tout, de fuccomber à leurs maux, lorfque la GrandeBretagne penfa enfin à fecourir la place. Elle n'avoit pu cependant raffembler pour ce service

&

« السابقةمتابعة »