صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

1781.

Au lieu d'envoyer cette Efcadre dans l'Amérique Méridionale, il fut réfolu de faire une tentative fur le Cap de Bonne-Efpérance, & elle étoit partie avec la grande flotte qui avoit ra vitaillé Gibraltar.

Ce projet n'avoit point échappé à la pénétration de la Cour de France, & on a pu voir que M. de Suffrein avoit à fes ordres une Escadre de cinq vaiffeaux de ligne, & un corps de troupes pour contrebalancer les deffeins des Anglais, qu'il fe fépara à une certaine hauteur de la flotte du Comte de Graffe, & qu'il dirigea fa course vers les Indes Orientales. Le premier objet de M. de Suffrein étoit de protéger le Cap de Bonne-Efpérance, & de veiller les mouvemens de Johnstone, le fecond de joindre M. d'Orves dans les Mers Orientales.

Le Commodore Johnstone relâcha dans la baie de Praya à Saint-Jago, une des Ifles du Cap-Verd, appartenant aux Portugais, pour y prendre de l'eau & des provifions fraîches. Il y étoit dans la plus grande fécurité fon Escadre dans le plus grand défordre, & une partie de fes équi pages à terre, lorfque, le 16 Avril au matin, I'Ifis fignala la flotte Française portant fur l'Ifle. Les Anglais fe préparèrent auffi-tôt au combat.

[ocr errors]

La flotte Françaife, après avoir quitté fon convoi, entra dans la baie, tirant des deux bords

en paffant au milieu du convoi des Anglais. 1781. L'Annibal, de foixante- quatorze canons, aux ordres de M. de Tremignon, s'avança le premier avec la plus grande intrépidité auffi près qu'il le put de l'Escadre Anglaife, & jetta l'ancre avec un air de réfolution, qui excita même les applaudiffemens de fes ennemis; le Héros, de même force, commandé par M. de Suffrein, le suivit, & l'Artéfien, de foixante-quatre, fe plaça dans le fillage du Héro; le Vengeur & le Sphinx pafsèrent à travers cette foule de vaiffeaux, dont la baie étoit remplie, tirant de tous côtés fuivant qu'ils en trouvoient l'occafion. Le navire du Commodore Johnstone étant trop enfoncé dans la baie pour pouvoir avoir part à l'action, il le quitta pour monter le Héro. Le combat dura une heure & demie, les vaiffeaux étant fort près les uns des autres. Plufieurs navires de la Compagnie des Indes, après être revenus de leur première furprife, firent un feu violent fur l'Escadre Française; l'Hinchinbrooke mit cependant pavillon bas, & fut conduit hors de la baie, ainfi qu'un brûlot. La fituation de ces trois navires qui avoient courageufement jetté l'ancre au milieu de la flotte ennemie, devint alors critique. M. de Cardaillac, Capitaine de l'Artéfien, ayant été tué, ce vaisseau coupa fes cables, & s'efforça de fortir de la baie. Le danger de M: de Suffrein fut alors fi grand,

1781. qu'il fit la même manœuvre, de forte qu'il ne refta plus que l'Annibal, contre lequel tout le feu des vaiffeaux Anglais fut dirigé. Dans cet état de détreffe, il donna des marques de la valeur la plus intrépide: ayant déjà perdu fon mât de mifène & fon beau-pré, fes cables furent emportés, & dans les efforts qu'il fit pour forcer de voiles afin de fortir de la baie, fon grand mât & fon mât d'artimon tombèrent, de forte qu'il fe trouva rafé comme un ponton; il continua cependant un feu formidable, & ayant gagné l'embouchure de la baie, il fut enfuite remorqué par les autres vaiffeaux. Le Commodore Johnstone fortit peu de tems après & reprit l'Hinchinbrooke, qui étoit trop endommagé pour fuivre l'Efcadre Française; le brûlot fut auffi repris par les prifonniers qui étoient à bord. Telle fut l'iffue de cette action irrégulière & extraordinaire, dans laquelle M. de Suffrein donna les premières marques de fa сараcité, en prenant fur lui d'attaquer, dans un port neutre, au rifque d'être défavoué, le Commodore Johnstone, qu'il lui étoit fi néceffaire de mettre hors d'état de pouvoir arriver avant lui au Cap de Bonne-Efpérance.

Ce dernier fortit cependant du port Praya le 2 Mai, & détacha vers le milieu de Juin le Capitaine Pigot avec trois ou quatre frégates, bonnes voilières, pour s'informer fur l'extré

mité Méridionale des côtes d'Afrique, de la 1781 fituation des ennemis, avec ordre de le rejoindre à une certaine latitude. M. Pigot eut le bonheur de prendre un navire de la Compagnie des Indes Hollandaife de cent vingt tonneaux qui fortoit de la baie de Saldanha, près du Cap; ce navire étoit chargé de provifions, & avoit à bord neuf cens foixante mille livres tournois en

,

lingots pour l'Ile de Ceylan; mais les informations qu'il donna étoient ineftimables. On apprit que M. de Suffrein étoit arrivé à Falfe-bay avec fon Escadre & fes tranfports le 21 Juin, & que plufieurs vaiffeaux de la Compagnie Hollandaise étoient dans la baie de Saldanha, à environ quatorze lieues au Nord du Fort de Cape-Town. L'arrivée de l'Efcadre Française fauva le Cap de Bonne-Efpérance & les établissemens qui en dépendent, car les Hollandais n'étoient pas en état de réfifter aux forces de Johnstone. Les frégates que ce Commodore avoit envoyées à la découverte, ayant rejoint l'Efcadre avec les informations dont nous venons de parler, il réfolut d'attaquer les vaiffeaux de la Compagnie dans la baie de Saldanha. Les Hollandais, s'étant apperçus de fon approche, échouèrent les navires, & y mirent le feu. Les matelots Anglais eurent cependant l'adreffe d'en relever quatre d'environ onze cens ronneaux, & d'éteindre les flammes; il n'y eut

1781. que le Middleburgh qui fauta. Le Commodore Johnstone voyant qu'il lui étoit impoffible de remplir le premier objet de fon expédition, retourna en Europe avec fes prises.

Les Espagnols vers la fin de l'été paroiffoient plus tranquilles du côté de Gibraltar, & il régnoit une espèce de calme dans leur camp & dans la garnison. Le Général Elliot méditoit néanmoins pendant ce tems-là un coup hardi contre fes ennemis après avoir fait tous les arrangemens néceffaires, il fit fortir de la Place, le 27 Novembre à trois heures du matin, un gros détachement, aux ordres du Brigadier-Général Rofs, qui affaillit en même tems leurs poftes avancés avec la plus grande impétuofité, & les obligea à abandonner ces ouvrages prodigieux qui avoient coûté tant de tems & de travail à conftruire. En un instant les Anglais réduifirent cinq batteries en cendres, toutes les lignes de communication & de traverses furent détruites, & les canons encloués; les magafins à poudre fautèrent l'un après l'autre, à mefure que les flammes s'y communiquèrent. Les Espagnols, dans leur camp, restèrent spectateurs, & fe contentèrent de tirer quelques coups de canons qui n'eurent point d'effet. Le détachement retourna dans Gibraltar avant le jour, emmenant un Officier & quelques Soldats prifonniers.

"

« السابقةمتابعة »