les plus vifs fur fon procédé. Ce Commissaire 1782. les écarta tous, fit figner au Capitaine un compromis, par lequel il s'en rapportoit à une sentence arbitrale, qui le taxa à trois mille livres, au lieu des quinze mille portées dans fa demande affermentée, & le condamna à tous les dépens.

Le Corps Français devant traverser tout le Connecticut; le Gouverneur Trumbull & fon Confeil publièrent une proclamation, qui invitoit leurs concitoyens à ne pas augmenter d'une obole auçunes efpèces de denrées pendant le paffage des troupes. Tous les habitans s'y conformèrent avec tant de bonne volonté, que chaque chambrée de foldats avoit chaque jour, à très - bas prix, toutes fortes de vivres à joindre à sa ration ordinaire. L'armée vint à Providence, où de nouveaux accidens, arrivés à l'Escadre du Marquis de Vaudreuil, la forcèrent de barraquer, & de féjourner pendant tout le reste du mois de Novembre.

On n'a pas fait mention de la multitude d'adreffes de toutes les Villes & Affemblées générales des différens Etats de l'Amérique, préfentées au Général, dans lefquelles on trouve par-tout les affurances les plus expreffives de leur reconnoillance envers le Roi leur puissant & bon

1782. allié, on y fait les vœux les plus ardens pour le fuccès de fes armes, on fouhaite à l'armée une continuation des fiens. Enfin elle s'embarqua à Boston dans les premiers jours de Décembre, avec les bénédictions univerfelles de fes Alliés. dans les treize Etats, fans aucune exception. Différentes circonftances l'empêchèrent de mettre à la voile avant la fin de Décembre. Le Comte de Rochambeau fut obligé de retourner fur fes pas, pour aller chercher, avec le Chevalier de Chatellux, M. de Beville, M. de Choify, tout l'Etat-Major & leurs Aides de - Camp, la frégate qui étoit deftinée pour les repaffer en France, & qui étoit dans la baie de Chesapeak, parce qu'il n'avoit pas voulu priver M. le Marquis de Vaudreuil d'aucune des fiennes, où il avoit été obligé d'entafler tout ce qu'il avoit pu embarquer de l'armée.

L'on doit faire ici mention d'un trait qui fait honneur à M. Bozon de Talleyrand, envoyé fort jeune en Amérique par fon père, pour être Aide-de-Camp du Chevalier de Chatellux. Ce dernier n'ofoit pas le confier à d'autres, & le ramenoit avec lui; mais il le quitta à la première marche, & fur s'embarquer avec l'uniforme de fimple chaffeur au Régiment de Soiffonnais. Il avoit confié fon projet au Comte de Rocham

beau, qui fe chargea de faire fa paix avec le 178 2. Comte de Talleyrand fon père, ce qui ne fut pas difficile.

En retournant en Virginie, le Comte de Rochambeau repassa à New-Windsor, chez le Général Washington. Ce fut - là que fe firent leurs derniers adieux, & qu'il y reçut, ainfi que les Officiers qui l'accompagnoient, de la part de l'armée Américaine, les affurances les plus fuivies d'une confraternité éternelle.

La Danaée, frégate aux ordres de M. le Comte de Capellés, échoua par la mal-adreffe du Pilote Américain, au même endroit que l'Aigle, quelques mois devant, mais après avoir coupé fes mâts, & débarqué fon argent & fes dépêches, & partie de fes canons, elle fut affez heureuse pour fe relever & rentrer à Philadelphie. Les dépêches du Miniftre annonçoient la fatisfaction de Sa Majefté, fur tous les partis qu'avoit pris le Général Français pour aller au - devant de l'exécution de fes ordres. En paffant à Philadelphie, le Président du Congrès remit au Comte de Rochambeau, l'adreffe & l'Arrêté ci-joint.

» Par les Etats-Unis affemblés en Congrès, le premier Janvier 1783.

Le Miniftre Plénipotentiaire de Sa Majesté Très-Chrétienne, ayant communiqué au Con

1783. grès, par le

moyen du Secrétaire pour les affaires étrangères, le 7 Décembre dernier, la réfolution prife d'embarquer l'armée fous les ordres du Comte de Rochambeau, & le 29 fon embarquement & fon départ actuel, ainfi que l'intention de Sa Majesté de lui ordonner de revenir toutes les fois qu'il s'offriroit un objet pour lequel elle pourroit efficacement coopérer avec les troupes des Etats-Unis : arrêté que le Secrétaire pour les affaires étrangères informera le Miniftre de France que, quoique le Congrès ne puiffe voir fans regrets le départ d'une armée, à la bravoure & à la conduite de laquelle il est fi redevable de la réduction des forces ennemies dans ce pays-ci, il a néanmoins trop de confiance dans l'attention de Sa Majefté aux intérêts de l'alliance, pour ne pas être perfuadé que l'ordre pour le départ de cette armée a été dicté par la conviction qu'elle pouvoit être employée plus utilement ailleurs contre l'ennemi commun; que le Congrès prie le Miniftre Plénipotentiaire de faire connoître à Sa Majefté les fentimens de gratitude dont il eft pénétré pour fon attention à fes intérêts immédiats, manifeftée par le fecours important qu'elle lui a fi long tems donné, & par fa détermination généreufe d'ordonner à fes troupes de revenir en ce pays-ci, toutes les fois que les

circonftances permettront une coopération avan- 1783. tageufe avec les armes des Etats-Unis; que le Congrès defire, par le moyen du Miniftre Plénipotentiaire, de recommander, d'une manière particulière; le Comte de Rochambeau & l'armée fous fes ordres, à la faveur de Sa Majesté, ayant la plus grande raifon d'être fatisfait de fa bravoure & de fa bonne conduite, ainfi que de fa difcipline exacte à laquelle le Congrès eft redevable de la parfaite harmonie, qui a fi heureufement fubfiftée entre cette armée & les foldats & citoyens des Etats-Unis.,

Arrêté que le Préfident fera les remercîmens du Congrès d'une manière particulière à fon Excellence le Comte de Rochambeau, & lui fera connoître fa haute eftime pour les talens distingués qu'il a déployés avec tant d'avantage pour ces Etats dans les conjonctures les plus importantes, ainfi qu'à raifon de la difcipline exacte & exemplaire qui a brillé uniformément parmi les troupes à fes ordres, & qui lui a acquis, à juste titre, l'admiration & l'eftime des citoyens de ces Etats, qui conferveront à jamais un fouvenir affectionné de fes fervices fignalés, & des égards pleins de délicateffe qu'il a toujours eus pour leurs intérêts particuliers. anar el chrono al A Signé, CHARLES THOMPSON, Secrétaire.