صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

ON

[ocr errors]
[ocr errors]

1

Dans ce bocage sacré il s'offrit aux yeux d'Enée un objet surprenant qui commença à calmer ses inquiétudes, à lui faire espérer un meilleur sort, et à lui inspirer quelque confiance au milieu de ses malheurs. Car tandis qu'il parcourt des yeux les beautés de ce superbe édifice, et qu'en attendant la Reine, il considère avec étonnement l'état de cette ville naissante, l'habileté des ouvriers et la perfection des ouvrages; il voit dans une suite de tableaux les combats livrés sous les murs d'Ilion, et les divers évènemens de cette guerre déjà connus dans tout l'univers. Il distingue Priam, Agamemnon et Achille, l'ennemi impitoyable de tous les deux. Son cœur s'atittendrit à cette vue. "Quel endroit, mon cher Acate, dit-il, quelle région sur la terre n'est point rem,, plie du bruit de nos travaux? Quoi, Priam dans ,, ces lieux! La vertu trouve donc ici des éloges ,, et les malheureux des cours sensibles! Cessez de craindre: l'éclat de nos disgraces ne peut que nous être salutaire.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

"

Il dit, et tout occupé d'une vaine peinture, il soupirait amèrement, et versait des larmes en abondance: car il voyait dans les combats autour de Troie, d'un côté les Grecs fuyans, et pressés vivement par la jeunesse Troyenne; de l'autre les Phrygiens renversés et poursuivis par Achille monté sur son char, et qu'on distinguait à son aigrette. Près de là il re connut en pleurant les pavillons blancs de Rhésus, et

(3) Humectat Alumine vultum. L'expression de Vira. gile n'est pas plus forte que celle d'Homère, Ili. . 14. Les larmes ne peuvent déshonorer un héros, à moins qu'on ne dise avec les Stoïciens, que la sensibilité est un vice.

(4) Rhesi.. tentoria. Voyez Homère, Ili. x 470. L'oracle avait prédit à Rhésus, roi de Thrace, qui venait au secours de Troie, que si ses chevaux buvaient et mangeaient une fois dans la ville, elle ne pourrais! être prise par les Grecs.

470 Agnoscit lacrymans, primo quæ prodita somne Tydides multâ vastabat cæde cruentus, Ardentesque avertit equos in castra, priusquam Pabula gustassent Troja, Xanthumque bibissent? Parte aliâ fugiens amissis Troilus armis, 475 Infelix puer atque impar congressus Achilli, Fertur equis, curruque hæret resupinus inani, Lora tenens tamen; huic cervixque comæque trat huntur

Per terram, et versâ pulvis inscribitur hastâ.

Interea ad templum non æquæ Palladis ibant 480 Crinibus Iliades passis, (1) peplumque ferebant Suppliciter tristes, et tunsæ pectora palmis : Diva solo fixos oculos aversa tenebat.

Ter circum Iliacos raptaverat Hectora muros, Exanimumque auro corpus vendebat Achilles. 485 Tum verò ingentem gemitum dat pectore ab imo, Ut spolia, ut currus, utque ipsum corpus amici, Tendentemque manus Priamum conspexit inermes. Se quoque principibus permixtum agnovit Achivis, Eoasque acies, et nigri (2) Memnonis arma. 490 Ducit (3) Amazonidum lunatis agmina peltis

(1) Peplumque ferebant. La chose est décrite dans Homère, Iliade '. 301. Voyez au sujet d'Hector, Iliade w. 16 et 477. Les tableaux qu'on voit ici sont peints de main de maître. Rien sur-tout de plus touchant que ceux de Troile et d'Hector, tous deux fils de Priam et d'Hécube, et que leur père met au-dessus de ses autres enfans, Iliade w. 257.

(2)Memnonis. Memnon était fils de Titon et de l'Au rore. Il vint au secours des Troyens avec des armes fabriquées par Vulçain, et fut tué par Achille. Il était

le

5

le camp de ce prince livré dans le temps du premier sommeil à la fureur de Diomède, qui, après un grand carnage, et tout couvert de sang, enlevait ses superbes coursiers, avant qu'ils eussent goûté des pâturages de Troie et bu des eaux du Xante. On voyait dans un autre tableau Troïle désarmé et mis en fuite. Ce malheureux Prince, qui, tout jeune qu'il était, avait osé provoquer Achille à un combat inėgal, paraissait emporté par ses chevaux, le corps suspendu hors de son char, et embarrassé dans les rênes qu'il tenait encore: sa tête et ses cheveux traîmaient à terre, et le bois de la pique dont il était percé, imprimait un long sillon dans la poussière.

Cependant les Dames Troyennes, les cheveux épars, avec une contenance abattue, un air suppliant, et se frappant la poitrine, allaient au temple de l'inflexible Pallas, et lui portaient en cérémonie une robe sacrée. La Déesse, les yeux attachés contre terre, se montrait sourde à leurs prières. Achille ayant traîné trois fois Hector autour des remparts d'llion, vendait à prix d'argent le corps de son ennemi. Enée dans ce moment ne put voir, sans pousser un profond soupir, les dépouilles, le char et le corps sanglant de son ami, et Priam désarmé, qui tendaità un vainqueur impitoyable des mains suppliantes. Il se voit aussi lui-même dans la mêlée au milieu des principaux chefs des ennemis. Il apperçoit les bataillons de l'Orient conduits par le noir Memnon, et Penthésilée à la tête d'une troupe d'Amazones armées Ethiopien c'est pourquoi Virgile l'appelle noir.

(4) Amazonidum. Ces femmes guerrières habitaient, dit-on, dans la Cappadoce, sur les bords du fleuve Thermodon. Elles ne souffraient point d'hommes parmi elles. Faisant mourir, ou estropiant leurs enfans mâles, elles élevaient avec soin leurs filles, et les exerçaient à tirer de l'arc. Pour cet effet, elles leur brûlaient la mamelle droite, ce qui leur a fait donner le nom d'Amazones ou sans mamelle. Leur Reine Penthesilée, quivint secourir les Troyens, était fille du Dieu Mars Tome II. C

Penthesilea furens, mediisque in millibus ardeť,
Aurea subnectens exserte cingula mammæ
Bellatrix, audetque viris concurrere virgo.

Hæc dum Dardanio Æneæ miranda videntur,
495 Dum stupet, obtutuque hæret defixus in uno ;
Regina ad templum formâ pulcherrima Dido
Incessit, magnâ juvenum stipante catervâ.
Qualis in (1) Eurotæ ripis, aut per juga Cynthi
Exercet Diana choros, quam mille secutæ

500 Hinc atque hinc glomerantur Oreades: illa phare

tram

Fert humero, gradiensque Deas supereminet omnes:
Latone tacitum pertentant gaudia pectus.

Talis erat Dido, talem se læta ferebat

Per medios, instans operi regnisque futuris. 505 Tum foribus Divæ, mediâ testudine templi, Septa armis, solioque altè subnixa, resedit. Jura dabat legesque viris, operumque laborem Partibus æquabat justis, aut sorte trahebat ; Cùm subitò Æneas concursu accedere magno 510 Anthea Sergestumque videt, fortemque Cloanthum Teucrorumque alios, ater quos æquore turbo Dispulerat, penitusque alias advexerat oras. Obstupuit simul ipse, simul perculsus Achates Lætitiâque metuque avidi conjungere dextras 515 Ardebant; sed res animos incognita turbat. Dissimulant, et nube cavâ speculantur amicti,

(1) Qualis in Eurote ripis. L'Eurotas est un fleuve de la Laconie, qui coule sous les murs de Sparte. Le mont Cynthus est dans l'ile de Délos, où Apollon et Diane étaient nés. On appelait Oréades les Nymphes

[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

de boucliers légers dont le haut a la forme d'un croissant. Cette Reine guerrière, ayant une écharpe d'or pour soutenir la mamelle qui lui reste, se distingue entre mille combattans; et, malgré son sexe Ose attaquer les plus fiers ennemis.

[ocr errors]

Tandis qu'un spectacle si touchant attire toute l'attention d'Enée, et que dans une espèce de ravissement il ne peut se lasser de considérer ces peintures, la reine Didon,d'une beauté éclatante, s'avance avec majesté vers le temple, suivie d'un nombreux cortége. Telle est Diane, lorsque sur les bords de l'Eurotas, ou sur le mont Cynthus, elle conduit des chœurs de danse: mille Orẻades se rassemblent de toutes parts, et se rangent autour d'elle: la Déesse marche le carquois sur l'épaule, et passe de toute la tête les Nymphes de sa suite: Latone sa mère en ressent au fond du cœur une joie secrète. Telle était Didon elle marchait au milieu des siens d'un air satisfait, pressant l'ouvrage et l'établissement de son empire. Ensuite elle vint s'asseoir, entourée de ses gardes, sur un trône dressé à la porte du sanctuaire, et sous l'endroit le plus élevé de la voûte. Là elle rendait des jugemens et dictait des lois à ses sujets : elle partageait également entre eux les travaux, ou les tirait au sort; lorsque tout-à-coup Enée voit venir, à la tête d'une grande foule, Anthée, Sergeste, le vaillant Cloanthe, et les autres Troyens qu'un vent impétueux avoit écartés bien loin, et avait poussés sur une autre côte. A l'instantlui-même et Achate sont frappés d'étonnement, de joie et de crainte. Ils brûlaient d'impatience d'aller à eux; mais l'incertitude de leur sort arrête leur ardeur. Ils dissimulent donc ; et couverts du nuage qui les enveloppait, ils veulent savoir auparavant quelle

des montagnes. Homère, Od. 102, compare de même à Diane la Princesse Nausicaa, qui était vierge, et qui avait encore sa mère Arète : ce qui rend la comparaison plus juste qu'elle ne paraît être dans Virgile. Ca

« السابقةمتابعة »