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Don Joseph avait été élevé par les Jésuites de la Plata et de Lima; mais il n'ignorait point que ses iniquités et son usurpation évoqueraient peu d'approbateurs dans la Compagnie; il savait même que Los Reyes s'était retiré sur le Parana, afin de se mettre en rapport, soit avec les Jésuites, soit avec les Réductions; il vint camper au delà du Tabiquari. Les Missionnaires virent une provocation dans cette démarche; toutefois, ils se gardèrent bien de témoigner de l'inquiétude, et, pour ne pas engager une lutte funeste, ils écrivirent à Antequera de prévenir ce malheur par une retraite volontaire. Le gouverneur, dont les pouvoirs n'étaient pas réguliers, craignit que les Néophytes ne prissent fait et cause en faveur de la loi violée. Les Pères François de Roblez et Autoine de Ribera conduisirent à son camp les alcades et les officiers des réductions; ils lui déclarèrent qu'ancun mouvement militaire ne se ferait sans un ordre exprès du Roi.

Tranquille de ce côté, don Joseph s'occupe de réaliser ses plans. Il espère n'avoir rien à redouter des Néophytes; il va, pour donner plus de consistance à son projet, bannir de l'Assomption tous les Pères de la Société de Jésus. De là, il prétend occuper les Réductions, et peut-être s'en déclarer le chef, après les avoir soustraites à la couronne d'Espagne. Par ce qui se passait à l'Assomption, les Missionnaires comprirent quels étaient les desseins d'Antequera; ils résolurent de déjouer ses intrigues. Ce magistrat avait apporté la guerre civile, elle éclatait; Antequera la commence en calomniant les Jésuites. Il s'imagine qu'il doit les perdre, s'il veut triompher; il n'épargne rien pour arriver à son but. Mais les Jésuites avaient eu le temps de se prémunir contre une pareille agression ;

les Catéchumènes leur étaient aussi dévoués qu'au roi d'Espagne, et déjà le parti d'Antequera allait en s'affaiblissant; car chacun s'avouait que le Conseil royal des Indes ne tolérerait jamais de semblables abus.

Antequera se vit peu à peu abandonné par l'armée qu'il avait recrutée; sa voix prêcha la révolte, il succomba cependant; mais, à l'aspect de l'échafaud qui l'attend, cet homme, jusqu'alors si fier, n'ose pas rester sans amis, sans consolateurs; il a persécuté les Jésuites, il les appelle dans sa prison. Les Pères Thomas Cavero et Manuel de Galezan se rendent à sa prière; il se jette à leurs genoux, il témoigne un vif repentir des crimes que l'ambition lui fit commettre; il demande même à s'entretenir avec plusieurs de ses anciens professeurs on de ses condisciples, membres de la Société de Jésus. Cette réparation n'arrêtait point le mal que tant de passions mises en jeu enfantèrent. On avait abandonné le traître qui levait l'étendard de la rébellion; on plaignit, on admira le prétendu martyr de la liberté. Antequera avait rêvé qu'il travaillait à l'affranchissement du Paraguay; ses complices ou ses dupes ne pouvaient excuser leur lâcheté ou se faire pardonner leur désertion qu'en se disant victimes des Jésuites. Les exécutions d'Antequera et de Juan de Mena, alguazil-major, réchauffèrent le parti qu'ils avaient formé. Ce fut le 5 juillet 1731 qu'Antequera expia ses fautes par une mort tragique. Un mois après, la junte rebelle de l'Assomption proscrivit encore les disciples de Loyola, et l'évêque don Joseph Paloz écrivait au Père Jérôme Herran, provincial du Paraguay:

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Voici, mon Révérend Père, le plus malheureux jour de ma vie, et je regarde comme un miracle qu'il n'en ait point été le dernier. Je devais mourir de l'excès de

ma douleur à la vue de mes très-chers Frères et de mes respectables Pères chassés par la Commune, dont je n'ai pu vaincre l'opiniâtreté par trois monitions consécutives de l'excommunication portée par la bulle In cœná Domini, et qui ont été faites à tous ceux qui conseillèrent, favorisèrent ou exécutèrent un crime si énorme, par l'interdit général et personnel que j'ai jeté sur la ville et sur toute la province, quoique l'on ait mis des soldats à la tour de ma cathédrale, et défendu, sous peine de la vie, de sonner les cloches. Au premier avis que j'eus de leur dessein, je fis avertir le Père recteur de fermer toutes les portes du collége, mais ces sacriléges les ont enfoncées et rompues à coups de hache. J'étais moi-même investi de soldats dans ma maison, sans avoir la liberté de me montrer à la porte, et j'aurais exposé mon caractère, si j'avais voulu suivre mon penchant, qui était d'accompagner mes chers Pères, de secouer la poussière de mes sandales et de laisser pour toujours ces excommuniés. »

L'autorité royale était méconnue comme celle de l'Église; l'insurrection allait faire de rapides progrès. Le vice-roi du Pérou, marquis de Castel-Fuerte, convoque les principaux officiers de la couronne, et, le 24 juin 1732, le conseil prend la détermination de repousser la force par la force. Pour réaliser ce plan, des soldats braves et fidèles étaient nécessaires; le Conseil s'adresse aux Jésuites des réductions; on lit dans son rapport: « Lecture faite de différentes pièces et papiers concernant les troubles de la province du Paraguay ; après de mûres délibérations sur l'importance des événements, il a été résolu de prier Son Excellence d'enjoindre au Père provincial de la Compagnie de Jésus au Paraguay ou, en son absence, à celui qui gouverne les

Missions de ladite province du Paraguay, de fournir promptement au seigneur don Bruno Maurice de Zavala ou à don Augustin de Ruiloba, gouverneur du Paraguay, le nombre d'Indiens Tapès et des autres peuplades, bien armés, qu'ils demanderont pour contraindre les rebelles à rentrer dans l'obéissance qu'ils doivent à Sa Majesté. »

Les Espagnols et les naturels du pays s'insurgeaient contre la métropole; le pouvoir ne trouvait d'autres moyens pour les dompter que de faire appel aux Néophytes. Le Père d'Aguilar, supérieur des réductions du Parana, se mit à la tête de sept mille Chrétiens; le Provincial ordonna de faire prendre les armes à toute la population. La révolte fut comprimée; mais cette victoire du bon droit leur coûta cher. Le service militaire les avait tenus éloignés de leurs travaux habituels, et la famine, traînant à sa suite toutes les maladies contagieuses, ne tarda pas à sévir dans les réductions.

Tandis que le gouverneur du Paraguay rétablissait dans les villes et dans les campagnes l'autorité dont tant de commotions successives avaient ébranlé la base, les Guaycurus et les Mocobis mettent à profit les discordes du Paraguay; ils portent le ravage jusqu'au sein de la capitale. Il ne fallait plus combattre les séditieux, mais les préserver des désastres d'une invasion. Le gouverneur a recours aux milices des Catéchumènes; les Jésuites leur annoncent qu'ils doivent marcher à la défense de leurs frères épuisés par des luttes intestines; ces Chrétiens se dévouent encore au salut de tous. Ils repoussent les Guaycurus, ils battent les Mocobis, et, partout vainqueurs, ils rentrent sous la conduite des Pères dans les paroisses d'où ils ne sortaient que pour défendre la religion et la patrie commune.

Ces guerres, nées à la suite d'une révolution, n'avaient point comprimé l'élan des Missionnaires. La couronne d'Espagne sentit enfin que ce serait dans les Réductions qu'elle trouverait ses plus fidèles sujets; elle excita les Pères à entreprendre de nouvelles courses. Pour accroître l'industrie des Néophytes et les ressources de la Mission, Philippe décida même qu'à l'avenir le Général de l'Ordre aurait la faculté d'envoyer au Paraguay un certain nombre de Jésuites non espagnols. La ville de Tarija était plus que jamais exposée aux insultes des Chiriguanes; le vice-roi projette de la délivrer en soumettant ces tribus, qui lui permettront ainsi de s'étendre dans le Chaco. L'intervention apostolique était plus efficace que les armées; le vice-roi demande au Père Harran des ouvriers pour défricher cette terre. Julien de Lizardi, Ignace Chomé et Joseph Pons furent désignés. Ils arrivent à Tarija, ils apprennent que la guerre est déclarée et que, comme condition de paix, on imposera aux vaincus la Mission des Jésuites. Ce n'était ni par le fer ni par la violence qu'ils espéraient civiliser ces tribus, mais par la charité. Le Père Lizardi et ses collègues refusent de s'associer à un pareil dessein. Une réduction abandonnée existait non loin de la ville; afin de la peupler, ils se mettent à la poursuite des Sauvages; ils franchissent les montagnes, ils s'enfoncent dans l'épaisseur des forêts, ils traversent des fleuves inconnus, ils bravent les intempéries des saisons. Tant de périls ne sont pas couronnés de succès les Indiens fuient toujours devant eux, quelquefois même, pour ralentir leur marche, ils les trompent par de faux semblants de piété. Leur santé était altérée, mais le courage les soutenait encore. Cependant les Néophytes de la Conception s'inquiétaient de

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