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étaient appréciés; elle pouvait offrir, dans les circonstances, un bon ou un mauvais exemple. De ces provinces dépendait peut-être l'avenir de l'Amérique espagnole; les Anglais inspirèrent aux Autrichiens la pensée de séduire le dévouement des Catéchumènes. Rien n'était possible par les Jésuites, on choisit des Trinitaires engagés sous le drapeau de l'Archiduc pour détacher les naturels du Paraguay de leur obéissance au Roi et aux Pères. Le 5 mars 1703, Philippe V donna lui-même avis de ce complot.

« Vénérable et dévot Père provincial de la Compagnie de Jésus dans la province de Rio de la Plata, écrit le Roi, j'ai appris qu'un des plans de mes ennemis est d'envoyer dans votre province des religieux espagnols, sous prétexte d'assurer les naturels du pays qu'ils seront maintenus dans l'exercice de notre sainte Religion catholique, mais, en effet, pour jeter le trouble dans ces possessions par les discours qu'on leur tiendra en faveur de l'Empereur. J'ai même su depuis peu qu'il y a actuellement à Londres deux religieux trinitaires, dont l'un est Castillan et l'autre Allemand, qui doivent passer dans ces provinces, et, s'ils peuvent s'y introduire secrètement, reprendre l'habit de leur Ordre. Ils sont chargés de plusieurs milliers d'un manifeste imprimé au nom de l'Empereur, qu'ils doivent appuyer par leurs discours en public et en particulier, afin de tenter la fidélité de mes vassaux. Ils se prétendent Missionnaires apostoliques, ce qu'ils ne sont point. On a eu aussi des nouvelles qu'il se trouve à Londres deux séculiers qu'on dit devoir pareillement passer au Paraguay, dont l'un a été secrétaire du comte d'Harrach, ci-devant ambassadeur de l'Empereur dans cette cour. Pour prévenir les choses préjudiciables au service de Dieu et au mien, et à la tran

quillité de mes vassaux, qu'occasionnerait l'introduction d'étrangers ennemis de cette couronne, j'ai résolu de vous écrire la présente, par laquelle je vous prie et vous enjoins, si quelques religieux espagnols ou étrangers, ou d'autres personnes, de quelque état et qualité qu'elles soient, donnent lieu à des soupçons, de les en faire sortir et embarquer pour l'Espagne, requérant les supérieurs des réguliers d'exécuter la même chose. »

Les Jésuites du Paraguay n'avaient point à se mêler d'intrigues politiques; mais celui que la métropole avait reconnu pour Souverain faisait appel à leur fidélité, ils acceptèrent le nouveau devoir qui leur était imposé. Par une précaution dont la couronne sentait l'importance, ils avaient isolé leurs Néophytes de tout contact avec les étrangers; la démarche du Roi ne pouvait que les fortifier dans leur idée première. Les indigènes étaient heureux, les Jésuites se gardèrent bien de leur apprendre les discordes dont la mère-patrie était le théâtre; ils se contentèrent de leur recommander une surveillance plus active. La guerre d'Espagne passa au-dessus de leurs têtes sans qu'ils connussent même de nom les princes qui se disputaient le sceptre. Charles II avait eu pour successeur Philippe V, ils n'avaient pas besoin d'en savoir davantage; leur félicité ne fut troublée par aucune com

motion.

Cependant le Père Cavallero arrivait chez les Puraxis. Il les gagna promptement à la civilisation; puis, comme si le repos fatiguait son ardeur, le Jésuite prend la résolution de pénétrer sur le territoire des Manacicas. Il y a des périls à braver, une mort presque certaine à affronter, Cavallero a foi dans le Dieu qui le soutient; malgré les prières des Puraxis, il tente le voyage. Les Manacicas le reçoivent avec respect; il leur an

nonce l'Évangile, et de là il s'avance vers les Sibacas. Le Missionnaire les fait Chrétiens; emporté par son impétuosité, il ose se présenter devant les Quiriquicas, les ennemis les plus acharnés de ses Néophytes; son voyage est un triomphe pour la Croix. On le menace souvent de mort, on essaie de le faire tomber dans quelque embuscade; sa prudence et la protection du Ciel le préservent de tout péril. Il avait répandu le Christianisme au milieu des populations sauvages; il s'efforce d'en inspirer une connaissance première aux Jurucarez, aux Suburacas, aux Arupurocas et aux Bahocas: il y parvient.

Le besoin de former d'autres réductions se faisait sentir. L'autorité espagnole s'était d'abord opposée à cet accroissement de la Foi, parce que, aux yeux des négociants, plus les Chrétiens se multipliaient, plus les esclaves devenaient rares; mais enfin la crainte des Jésuites ne tourmentait plus ses rêves. Elle voyait qu'ils n'avaient pas détourné de l'obéissance ces populations qu'un mot de leur bouche poussait aussi facilement à la fidélité qu'à la révolte. Les Jésuites étaient les plus fidèles serviteurs de la monarchie, le vice-roi de Tucuman songe à leur créer des résidences chez les Ojatas et chez les Lulles. Les Pères Machoni et de Yegros furent choisis. Comme la plupart des Indiens, les Lulles s'imaginaient que le baptême était un poison. Ce préjugé s'enracina si fortement dans leur esprit, qu'ils ne virent d'abord dans les Missionnaires des assassins. En 1712, que après des efforts de tous les instants, les deux Jésuites, qui avaient capté leur confiance par une aménité sans exemple, purent faire descendre sur ce peuple les lumières de la Foi. Ce peuple se montra docile à leurs leçons.

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Machoni et Yegros avaient apprivoisé les Lulles; Cavallero, exténué de lassitude, poursuivait son apostolat. De bourgade en bourgade et de Mission en Mission, il arrivait sur le territoire des Puizocas. Le 17 septembre il expire avec ses compagnons sous les coups de leurs macanas. Ce premier martyre n'était que le prélude de beaucoup d'autres. Le Père de Zéa prêchait le Christianisme aux Quiez, tandis que Yegros et le Frère Albert Roméro s'occupaient de convertir les Zamucos. Tout à coup ces derniers changent de disposition: hier ils paraissaient pleins de bonne volonté, aujourd'hui ils sont en révolte ouverte contre les Missionnaires. Les Missionnaires n'avaient pour eux que la force morale, le Frère Roméro et douze Néophytes sont massacrés. Vers la même époque, en 1717, les Pères de Arcé, de Blende, Sylva et Maco périssent sous le fer des Payaguas. Le sang des Jésuites pouvait monter à la tête des Catéchumènes non encore formés, on leur cachait ces meurtres, pour ne pas leur faire naître l'idée d'en commettre d'autres; on les accoutumait peu à peu au travail, mais la paresse native du sauvage ne se prêtait point à des labeurs dont il ne comprenait pas le but. Les Pères Yegros, Machoni et Montigo se firent laboureurs pour leur offrir l'exemple. Les Zamucos, après avoir tué le Frère Roméro, avaient pris la fuite; ils se croyaient à l'abri des vengeances du ciel et de la prédication des Jésuites. Les Pères d'Aguilar et Castaneres ne consentent pas à aisser cette désertion impunie. Ils savent que, dans ces natures légères, le souvenir du crime s'efface aussi vite que la trace du sang, et que, par une volonté plus tenace que leur insouciance, on parvient toujours à les dominer. D'Aguilar et Castaneres ont, ainsi que tous les Jésuites, fait cette expérience. Les Zamucos se vantent

d'être pour jamais délivrés des Pères, au moment même ils en voient deux s'introduire sous leurs tentes. Entraînés par leur douceur, ils les suivent à la réduction de Saint-Raphaël, où ils reprirent avec bonheur les exercices des Catéchumènes.

Ce n'était plus de la part des Indiens, en guerre avec la civilisation, que les Jésuites avaient à redouter de nouveaux désastres. Ces massacres partiels ne modifiaient point le plan tracé; le trépas de quelquesuns n'arrêtait point l'essor imprimé aux autres. Les réductions s'organisaient, et, sous la main des Pères, elles arrivaient à un haut degré de prospérité morale et matérielle. Néanmoins des événements politiques, des rivalités de personnes avaient apporté le trouble dans ces provinces jusqu'alors si paisibles. Don Diego de Los Reyes était gouverneur du Paraguay. Sa naissance ne répondait pas à la dignité dont le monarque l'honorait; il crut que, par l'indulgence et par l'équité, il désarmerait l'opposition. Il voulut être juste, il prit le parti du faible et de l'opprimé. Il froissait ainsi des cupidités, il dérangeait des calculs que les Missionnaires avaient souvent comprimés. Il osait faire emprisonner ceux qui cherchaient à affaiblir son pouvoir ou à dénaturer ses intentions. Los Reyes n'avait que sa conscience pour lui; tous les Européens lui étaient hostiles; la haine fit si rapidement marcher les choses, que le gouverneur se vit accusé, et qu'un membre de l'Audience royale de Charcas fut envoyé à l'Assomption pour informer. Il se nommait don Joseph de Antequera. Impétueux, dévoré d'ambition, toujours prêt à seconder une intrigue ou à l'ourdir, Antequera était aussi insatiable de fortune que d'autorité. De magistrat instructeur, il se fit juge; de juge, il s'improvisa gouverneur à la place de sa victime.

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