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mirer, tout en laissant à la loi le soin de poursuivre nne humanité qui accuse leur barbarie. Cette singulière position est ainsi appréciée par le Père Gaubil; le 6 octobre 1726, il mande de Péking au Père Maignan, à Paris :

« Les Jésuites ont ici trois grandes églises; ils baptisent par an trois mille petits enfants exposés. Autant que je puis conjecturer par les confessions et les communions, il y a ici trois mille Chrétiens qui fréquentent les sacrements, et il y a bien quatre mille Chrétiennes. Dans ce nombre, il n'y a que quatre ou cinq petits mandarins, deux ou trois lettrés, le reste est composé de panvres gens. Je ne sais pas bien le nombre des lettrés et des mandarins qui, étant Chrétiens, ne fréquentent pas les sacrements, et je ne vois pas trop comment, dans ces circonstances, un mandarin ou un lettre peut le faire et observer les décrets de Notre Saint-Père le Pape. Les princes chrétiens, dont vous avez su la ferveur et les malheurs, denx autres princes qui sont ici ont renoncé à leurs charges et à leurs emplois pour vivre en chrétiens. Ainsi on ne baptise que de pauvres gens; les lettrés et gens en place qui voudraient se faire chrétiens nous quittent dès lors que nous leur publions les décrets, même avec les permissions que laissa M. le patriarche Mezzabarba. L'Empereur n'aime pas la Religion; les grands et les princes nous fuient par cette raison. Nous ne paraissons au palais que rarement. L'Empereur a besoin de nous pour le tribunal des mathématiques, pour les affaires des Moscovites, et pour les instruments et autres choses qui viennent d'Europe. Il appréhende que s'il nous chasse d'ici et de Canton, les marchands ne viennent plus à Canton; voilà pourquoi il nous souffre encore ici et à Canton, et nous fait même de temps en

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temps quelques grâces et honneurs extraordinaires. En un mot, nous lui sommes suspects; mille ennemis secrets lui parlent contre nous. Les disputes passées, les légations des deux patriarches, l'idée généralement répandue que nous n'avons point d'obéissance filiale, et que nous n'avons rien de fixe dans nos lois, tout cela rend aujourd'hui les Missionnaires méprisables; et si nous sommes dans cet état trois ou quatre ans de suite, c'en est fait, mon Révérend Père, la religion est ici perdue, et perdue sans ressource.

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Tandis que nous serons ici et à Canton on pourra secourir les Chrétiens de ces deux provinces. Dans les seules villes de Chang-Nan et de Song-Kiang il y a plus de cent mille Chrétiens, c'est dans la province de Nanking; ces chrétiens font des efforts, et ils ont obtenu secrètement des mandarins de laisser encore deux ou trois Jésuites portugais; ontre cela deux Jésuites-Prêtres chinois courent les chrétientés de Nanking. Les Peres Henderer, Porquet et Jacquemin soutiennent encore les chrétientés qu'ils ont dans le Tsiang-Lang, dans le Nanking et dans l'ile de Tsim-Kim. Si ces Pères pourront long-temps les soutenir, c'est, mon Révérend Père, qu'il est difficile de savoir. Les chrétientés de Chamsi et Cherosi, sont secourues par un Jésuite chinois et quatre Franciscains cachés. Celles du Hou-Kang par un ecclésiastique chinois et un Jésuite portugais cachés, et nous y allons prendre des mesures sûres pour, secourir la belle Mission du Père Domange, Jésuite français, dans le Hou-Ang et le Hou-Kang. Les chrétientés de Kiang-Si ont jusqu'ici été secourues. Cinq Dominicains sont cachés dans le Fo-Kien. On espère pouvoir secourir les Chrétiens du Chang-Lang. Les chrétientés de Tartarie sont et seront sans secours, et on ne voit aucun jour

pour y remédier. Les Propagandistes se disposent à secourir le Suen-Hoa. Mais, hélas! mon Révérend Père, une seule accusation portée à l'Empereur contre un Missionnaire caché est capable de perdre tout; et si on nous chasse de Péking, tout est perdu. Dans le Quang-Si, il n'y a que très-peu de Chrétiens. Dans le Yunnan et le Queih-Lan, il n'y a point de chrétientés formées. Je ne crois pas qu'en Chine et en Tartarie il y ait plus de trois cent mille Chrétiens. En Tartarie, il n'y en a pas plus de cinq à six mille. Il est inutile de vous remplir le cœur d'amertume en vous assurant que, sans les disputes passées, il y aurait bien quatre à cinq millions de Chrtiens en Chine.

« Les Jésuites français ont entrepris d'établir à Canton la bonne œuvre de baptiser les petits enfants exposés. Le Père du Bodin, saint Missionnaire, avance bien cette bonne œuvre, et je crois bien que, depuis deux ans, on a baptisé là deux mille cinq cents enfants qui sont allés au ciel. Sans la persécution, on aurait établi cette bonne œuvre dans plusieurs grandes villes, et, dans peu d'années, on aurait envoyé par an dans le ciel plus de vingt mille petits enfants. »

Gaubil entre ici dans le détail des persécutions qui attendent les Missionnaires et leurs néophytes; il proteste surtout contre les inculpations dont la Compagnie de Jésus est l'objet relativement aux cérémonies chinoises; puis il termine ainsi sa lettre : « Pardonnez-moi, mon Révérend Père, ces points mal digérés qu'une mau vaise plume écrit. J'ai mille choses à faire, et je suis accablé de la plus vive douleur. Du reste, je suis plein de santé et de force. Outre le chinois, j'ai assez appris de tartare, et, avec un peu d'exercice, j'espère être utile de ce côté-là. Selon l'ordre de mes supérieurs, je com

munique à MM. de l'Académie plusieurs observations astronomiques, et à d'autres savants ce que je trouve de plus curieux et de plus important dans l'histoire chinoise et dans la vieille astronomie de cette nation. Mais, dans le fond, je ne fais tout cela que par obéissance et à contre-cœur, et j'abandonne tout cela avec plaisir pour baptiser, confesser et communier, et surtout pour instruire les fidèles et les Gentils. On fait peu de choses, mais il s'agit de se mettre en état de bien faire. »

C'était par obéissance, à contre-coeur, que le Jésuite correspondait avec l'Académie des sciences de Paris et celle de Pétersbourg, qui, toutes deux, s'honoraient de l'admettre dans leur sein; il n'était pas venu en Chine pour conquérir une gloire mondaine, il ne songeait qu'à instruire les pauvres et les ignorants. Le 26 novembre 1728, écrivant de Péking au Père Étienne Souciet, Gaubil révèle dans la simplicité de ses ambitions le fruit qu'il espère de ses travaux littéraires : « Je sais, dit-il à Souciet, que Votre Révérence est pleine de zèle, et les objets n'en manquent pas. Je vous prie d'envisager en particulier la bonne œuvre des petits enfants exposés d'ici et de Canton. Rien de plus beau, et je m'estimerais bien heureux si, par ce que je vous envoie, vous pouviez avoir occasion de faire bien connaître à des gens puissants l'importance de la bonne œuvre. J'en ai écrit à bien des personnes, et je ne sais si cela a été avec

succès. »

Parrenin, qui exerçait les fonctions de grand mandarin, et qui, médiateur entre les Russes et les Chinois, se voyait comblé des faveurs de Pierre-le-Grand; Bouvet, le géographe impérial, rivalisaient de zèle avec le Père Gaubil; comme lui, ils faisaient servir la science à capter les bonnes grâces du prince. La faveur, si dignement

acquise, tournait au profit de l'humanité; ils s'échappaient du palais pour visiter les indigents et pour secourir l'enfance. La charité était la plus chère de leurs occupations; la gloire scientifique, qui leur venait de surcroît, ne les touchait qu'au point de vue de leurs bonnes œuvres. Cependant, s'il faut en croire Abel de Réniusat, juge compétent en pareille matière, cette gloire retentit au loin. « Envoyé à la Chine en 1723, Gaubil, ainsi parle l'orientaliste', se mit dès lors à étudier les langues chinoise et mandchoue. Il y fit de si grands progrès que, suivant le Père Amiot, les docteurs chinois eux-mêmes trouvaient à s'instruire avec lui. Ces graves et orgueilleux lettrés étaient dans le plus grand étonnement de voir cet homme, venu de l'extrémité du monde, leur développer les endroits les plus difficiles des King, leur faire le parallèle de la doctrine des anciens avec celle des temps postérieurs... et cela avec une clarté, une aisance, une facilité qui les contraignaient d'avouer que la science chinoise de ce docteur européen surpassait de beaucoup la leur. Ces études, qu'on croit capables d'absorber la vie d'un homme, ne suffisaient pas encore à l'esprit infatigable du Missionnaire. Les devoirs de son état, qu'il remplissait avec ardeur et constance, les sciences et principalement l'astronomie, dont il s'occupa toujours avec prédilection, partageaient son application sans l'affaiblir.

» Gaubil fut bientôt distingué et nommé par l'Empereur interprète des Européens que la cour chinoise consentait à recevoir comme artistes et mathématiciens, tout en les repoussant ou en les persécutant comme Missionnaires. Le Père Parrenin, qui avait la direction du collége des jeunes Mandchoux, étant venu à mourir, le

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