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dans tous ses voyages, tant à cause de son talent à parler les deux langues chinoise et tartare, qu'à cause de son caractère d'esprit qu'il a goûté. L'an passé, il nomma les Pères Bouvet, Régis et Jartoux, tous trois Français, pour faire la carte de la Tartarie, et il a paru content de ce qu'ils ont fait. »

il

Les dissensions excitées par les rites malabares et par les cérémonies chinoises, devenaient pour les savants de l'Europe une question du plus haut intérêt: le Jansénisme s'en faisait une arme contre les Jésuites; mais les Protestants voyaient d'un autre ceil cette querelle tout à la fois doctrinale et scientifique. Leibnitz écrivait alors: «< Parmi les opuscules que vous m'avez envoyés, y en a deux qui m'ont fait un plaisir singulier; ce sont le supplément des Mémoires pour Rome et l'Histoire apologétique de la conduite des Jésuites de la Chine. Dans cette histoire, ce qui est dit à la page 6 me paraît bien digne de remarque; à savoir que les Mahométans, qui sont reconnus pour ennemis déclarés de l'idolâtrie, ne se montrent pas contraires aux cérémonies chinoises, et que, par un décret d'un empereur de la Chine de l'an de Jésus-Christ 1384, il fit défendre d'accorder à Confucius les honneurs divins. J'ai vu aussi, avec plaisir, que l'archevêque de Manille et l'évêque de Zébut, qui avaient écrit au Pape contre les Jésuites du temps d'Urbain VIII, si je ne me trompe, avaient plus tard, lorsqu'ils furent mieux instruits des choses, écrit de nouveau pour retirer leurs plaintes.

» Mais le supplément nous donne des renseignements non moins curieux. Le récit de la conduite qu'a tenue à Pékin le cardinal, fait par un homme d'opinion contraire, et qui assurément n'est pas Jésuite 1 Leibnitzii Opera, t. vt, p. 161. (Genève, 1768.)

et cependant de grande autorité, présente beaucoup de vraisemblance. Je crois que l'évêque de Conon luimême ne peut pas nier que le Cardinal n'ait point agi avec assez de circonspection et de respect dans ses rapports avec l'empereur de la Chine. Je regarde en outre les deux décrets impériaux comme d'un très-grand poids, et je ne vois pas comment on peut récuser son témoignage ainsi que celui des principaux de la nation, lorsqu'il s'agit de la valeur des mots. En admettant donc que, jusqu'alors, on y ait attaché communément un autre sens, toujours est-il évident que cela n'a plus lieu aujourd'hui, que l'Empereur a donné la signification des cérémonies et le sens qu'on doit y cher

propre

cher. "

Les Jésuites en Chine pensaient comme le philosophe allemand; ils avaient conçu un plan hardi que l'unité d'action pouvait seule faire réussir; ils tentaient une réforme insensible et graduelle dans les habitudes les plus intimes de ces peuples; ils aspiraient à les régénérer sans violence, sans secousse, par la force même du principe chrétien. Des rivalités d'apostolat, des influences contradictoires se jetèrent à la traverse. La division se glissa parmi les Missionnaires; elle produisit dans le Céleste Empire de funestes conséquences; en Europe, elle fit accuser l'Église universelle de s'engager dans une voie superstitieuse. L'Église, entre ces deux écueils, n'avait pas à hésiter: elle devait courir les chances d'une ruine plus ou moins prochaine des chrétientés chinoises, on accepter le double scandale né de ces querelles. Elle sacrifia l'incertain, et, le 25 septembre 1710, Clément XI condamna quelques-unes des cérémonies que les Jésuites regardaient comme indifférentes. A Rome, on ne jugeait pas les choses du même point de vue qu'à Péking. Le

Général de la Société et les Pères de toutes les provinces, assemblés au mois de novembre 1711, se rendirent au Vatican pour protester, aux genoux de Clément, de ler inaltérable fidélité au Saint-Siége, et, en présence du Pontife, Michel-Ange Tamburini termina ainsi la déclaration de l'Ordre de Jésus: « Si cependant il se trouvait à l'avenir quelqu'un parmi nous, en quelque endroit du monde que ce fût, ce qu'à Dieu ne plaise, qui cût d'autres sentiments, ou qui tînt un autre langage, car la prudence des hommes ne peut assez ni prévenir ni empêcher de semblables événements dans une si grande multitude de sujets, le Général déclare, assure et proteste au nom de la Compagnie, qu'elle le réprouve, dès à présent, et le répudie; qu'il est digne de châtiment, et ne peut être reconnu pour véritable et légitime enfant de la Compagnie de Jésus. »

Rien n'était plus explicite que ces paroles. Les Missionnaires auraient dû les adopter comme règle de conduite; ils cherchèrent à éluder par des subtilités la décision pontificale. Elle ne blâmait que certaines pratiques; ils se crurent autorisés à ne pas rejeter les autres. Quoique attachés du fond des entrailles à la Chaire de saint Pierre, on sent à leur résistance qu'il leur en coûte de renoncer à ces Chrétientés leurs que sueurs ont fécondées; ils désobéissent plutôt dans la forme que dans le fond. C'était une condition de vie ou de mort, et ils n'osaient pas abandonner aux ténèbres de l'idolatrie les peuples qu'ils avaient eu l'espérance de ramener à l'Unité catholique. Le Pape ne prononçait pas sur toutes les cérémonies: ils se rattachèrent à cette dernière branche de salut. Ils pensérent que leurs écrits, que leurs larmes convaincraient ou fléchiraient le Saint-Siége. Il semblait leur

entr'ouvrir une porte d'appel, ils s'y précipitèrent à corps perdu. Ce combat entre l'obéissance et l'accomplissement d'un devoir impérieux a sans doute quelque chose de respectable; mais les Jésuites, en s'efforçant de faire triompher leurs idées, oublièrent trop qu'il eût été plus glorieux de donner au monde un exemple de soumission aveugle que de raisonner ainsi leur dévouement. Ils se trouvaient en face d'une autorité qui a droit de faire incliner toutes les intelligences, et qui trace aux volontés humaines des bornes qu'il ne faut jamais franchir; ils lui disputèrent pied à pied le

terrain.

Cependant Kang-Hi, en prince habile, refusa de . laisser éterniser ces discussions. Dès 1706 il avait enjoint à tous les Missionnaires de ne rien enseigner contre les coutumes chinoises. Les uns obéirent à ce décret, les autres refusèrent de s'y soumettre, et prirent le parti de se cacher tout en poursuivant l'oeuvre de leur apostolat. L'Empereur avait des instincts catholiques : il était à même de comparer les vertus et la science des Missionnaires avec les vices et l'ignorance superstitieuse des Bonzes; mais il ne voulait pas sacrifier la paix de son royaume au Christianisme. Il se contenta de fermer les yeux et de vivre dans l'intimité des Jésuites. Ces derniers entrevoyaient des calamités prochaines; ils espéraient les conjurer; mais la mort du cardinal de Tournon, les moyens dilatoires qu'ils ne cessaient de mettre en œuvre portèrent le Pape à frapper un coup décisif. Le 19 mars 1715 la bulle Ex illa die aplanissait toutes les difficultés, elle allait au-devant de tous les subterfu→ ges, et, en imposant un serment solennel aux Missionnaires, elle les forçait de rompre avec les cérémonies chinoises. Les Jésuites savaient qu'en adhérant à la for

mule prescrite par Clément XI ils signaient la ruine de la nouvelle Église: ils ne reculèrent pas devant ce acrifice. Ils furent héroïques d'obéissance après avoir épuisé tous les palliatifs. Mais, à une semblable distance, le Saint-Siége désirait se rendre un compte exact de la position: Ambroise de Mezzabarba fut nommé Légat dans le Céleste-Empire. Ce titre et cette mission devaient inquiéter Kang-Hi. Personne n'osait ouvrir à l'envoyé pontifical la route de Péking; le Père Lauréati, visiteur de la Chine, prend sur lui d'affronter la colère impériale. A force d'adresse, il obtint des mandarins de Canton de laisser passer Mezzabarba. Il le recommande au Père Joseph Pereyra, et le Nonce arrive dans la capitale. A cette nouvelle, Kang-Hi fait jeter dans les fers Lauréati et les mandarins qu'il a séduits. Mais le Légat demandait son audience: il fallait la lui accorder : ce fut Joseph Pereyra qui le présenta à l'Empereur. Le 30 mars 1721 Lauréati écrivait au Pape, et ce document est d'un haut intérêt dans la question. Le Jésuite s'exprime ainsi : « J'ose paraître une seconde fois prosterné aux pieds de Votre Sainteté pour lui rendre compte de l'accomplissement de mes devoirs et de l'état actuel des Missions dans ce pays, compte dont Votre Sainteté est peut-être déjà instruite par le Père Gianpriamo, que l'Empereur a envoyé à Votre Sainteté par la voie de Russie.

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Après beaucoup de sollicitations de ma part, les mandarius permirent à Ms le Légat apostolique de partir de Canton et d'avancer vers Peking sans attendre le consentement de l'Empereur et n'ayant été interrogé que fort superficiellement sur le but de son voyage. C'est par un effet de la divine Providence que les choses se sont passées ainsi; car, si les questions et les réponses

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