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trouverait une voie de conciliation. Dans cette idée, Clément XI nomma Tournon Légat du Saint-Siége en Chine. Les esprits étaient divisés sur trois points principaux fallait-il permettre de rendre à Confucius des hommages ayant force de loi et dont l'apparence trahissait un culte? Devait-on tolérer certaines cérémonies en l'honneur des ancêtres? De quel nom chinois se servirait-on pour exprimer l'idée de Dieu? Telles étaient les propositions controversées, et qui déjà, sous plusieurs Pontifes, avaient agité l'Église. La question était neuve; elle importait au salut d'une partie de la terre, elle devenait en même temps religieuse et politique. Les Papes ne voulurent pas précipiter leur jugement, et, vers le milieu du dix-septième siècle, ils se contentèrent de prendre quelques mesures, tantôt pour restreindre, tantôt pour autoriser les rites chinois dans de justes limites. Cette sagesse de la cour de Rome aurait dû servir de guide aux Vicaires apostoliques, aux Missionnaires et aux Jésuites, appelés tous ensemble à défricher le même champ du Père de famille; il n'en fut rien. De déplorables malentendus firent naître des conflits théologiques plus déplorables encore.

Par son mandement daté de Pondichéry, le 23 juin 1704, Tournon avait excité dans la presqu'ile indienne un orage qui allait retentir an loin. Les Jésuites se persuadèrent qu'il avait outre-passé ses pouvoirs, que l'exé cution de ses ordres entraînait la ruine du Christianisme sur les bords du Gange et de l'Indus. Les motifs de leur résistance ne parurent pas assez concluants à Rome; ils y sollicitaient la permission de conserver les pratiques du pays, elle ne leur fut pas accordée. Un décret de l'Inquisition du 7 janvier 1706 enjoignit d'observer le mandement du Légat; Clément XI renouvela plusieurs

le

fois la même injonction, les partisans des rites malabares n'en continuèrent pas moins à les pratiquer. Mus par penchant qui porte l'homme à s'attacher aux choses qui lui ont coûté le plus de peine, les Jésuites se mettaient en désaccord avec le Pape; ils substituaient leur expérience locale aux ordres de la Cour Romaine, ne donnant pas encore une solution de Foi; ils argumentaient, ils invoquaient des transactions, ils marchandaient leur obéissance. Le 8 avril 1705, le Légat, arrivé à Canton, fait prier les Jésuites d'obtenir de l'Empereur des saufconduits qui lui permettront de se rendre à Péking. Kang-Hi refusa de recevoir Tournon; les Pères sentirent que, dans l'état des choses, l'opiniâtreté du monarque serait pour eux un grave sujet de reproches, et qu'on les accuserait d'avoir fermé la porte du céleste empire à l'envoyé du Saint-Siége. Ils vainquirent donc la résistance de Kang-Hi, et Tournon se présenta sous leurs auspices. Le 29 juin 1706, le Légat fut reçu en audience solennelle; il avait des préventions contre les cérémonies chinoises et contre les Jésuites; il ne déguisa pas, même devant l'empereur, quel était le but de sa nonciature. Kang-Hi, soupçonneux comme tous les Chinois, ne vit dans le dissentiment soulevé entre le Patriarche d'Antioche et les Jésuites, qu'une cause imminente de troubles; afin d'assurer la tranquillité publique, il eut recours à la force. Tournon reçut ordre de sortir de Péking. Le 25 janvier 1707, le Légat fit acte d'autorité: il publia un mandement qui interdisait aux Chrétiens les cérémonies en l'honneur de Confucius ou des ancêtres, et qui défendait de saluer le vrai Dieu des noms de Xamti et de Tien. Ce mandement, dont la courageuse initiative ne peut faire excuser l'inopportunité, irrita Kang-Hi comme prince et comme homme. Il avait

essayé de modifier les idées de Tournon, de lui expliquer le sens propre et figuré des mots; ce dernier était resté inébranlable dans ses convictions, son mandement ne laissait aucune incertitude sur ce point.

Kang-Hi n'était pas habitué à voir douter de sa parole et de son autorité; il ne tolérait la contradiction que par passe-temps; elle venait là sous la forme d'un outrage : il bannit de son empire Maigrot, vicaire apostolique, et il ordonna de livrer aux Portugais le Légat du Saint-Siége. Les Portugais étaient les ennemis naturels de Tournon, qui, pendant son séjour à Péking, avait formé le projet de les faire expulser de toute la Chine, et qui se trouvait en rivalité de juridiction avec leur métropolitain de Goa. Kang-Hi s'était déchargé du soin de sa vengeance sur des Chrétiens; les Chrétiens se montrèrent sans pitié. Tournon, que Clément XI honorait de la pourpre sacrée, fut jeté dans un cachot; le Vice-Roi des Indes, l'Archevêque de Goa et l'Évêque de Macao lui signifient défense d'exercer ses pouvoirs de Légat dans toutes les contrées soumises à la couronne de Portugal. Le cardinal de Tournon n'est point abattu; on lui interdit de faire acte de puissance : il excommunie l'Évêque et le Capitaine-Général de Macao; mais, après quelques années d'une dure captivité, cet homme, dont la santé avait toujours été délicate, expira le 8 juin 1710, à l'âge de quarante-deux ans.

Le Cardinal s'était plaint, à différentes reprises, des obstacles que les Jésuites lui suscitaient. Il se disait leur antagoniste; on connaissait le crédit dont ils jouissaient auprès de l'Empereur: il n'en fallut pas tant pour les faire accuser des indignes traitements auxquels les Portugais le soumirent. Aux yeux des Jansenistes, Tournon fut un martyr qui trouva des bourreaux dans la Com

pagnie de Jésus. Les Jansénistes, en révolte contre le Saint-Siége, ne voulaient pas laisser aux Missionnaires le droit d'expliquer leur pensée. Rome avait parlé, elle semblait condamner les Jésuites; le Jansénisme rebelle n'avait pas assez de malédictions pour flétrir leur désobéissance conditionnelle. Il s'élevait contre eux de toute sa haine, et, après les avoir peints comme des idolâtres ou des impies, il ajoutait : « Avec quelle fureur, en effet, la Société n'a-t-elle pas persécuté dans les Indes Orientales: M. Palu, évêque d'Héliopolis; M. Lambert, évêque de Béryte; M. Didier, évêque d'Auran; M. de Bourges, évêque d'Ascala; M. Maigrot, évêque de Conon; M. de Lionne, évêque de Rosalie; M. Aleonissa Franciscain, évêque de Béryte; M. de Cicé, évêque de Sabula; M. Marin Labbé, évêque d'Héliopolis, le P. Visdelou, Jésuite et évêque de Claudiopolis; le P. Fouquet, autre Jésuite, évêque d'Eleutheropolis; M. de La Beaume, évêque d'Halicarnasse, et tant d'autres Vicaires apostoliques qui, sans être revêtus du caractère épiscopal, ont été envoyés par le Saint-Siége pour gouverner les églises des Indes. Les Légats du SaintSiége, le cardinal de Tournon et Mezzabarba n'ont pas été épargnés, et l'on sait à quels excès les Jésuites se sont portés à l'égard de ce saint Cardinal, dont ils ont été proprement les meurtriers. »

Aucune preuve directe ou indirecte ne corrobore ces imputations; il n'y a pas même de traces qui mettent sur la voie d'un conseil douné à Kang-Hi ou d'un encouragement accordé aux vengeances portugaises. Les Jésuites restèrent neutres dans cette circonstance; leur neutralité, qui serait un habile calcul selon la politique

▾ Histoire générale de la naissance de la Compagnie de Jésus, par le janséniste Coudrette, t. 1, p. 285.

humaine, est une faute aux yeux de l'histoire et de la religion. Le Cardinal-Légat se posait en adversaire de leurs opinions; mais ils devaient respecter son rang et ses vertus. Le meilleur moyen de faire comprendre ce respect, c'était d'user de leur crédit pour protéger sa liberté. Ils n'osèrent pas se porter médiateurs entre le Monarque et le Légat; cette indifférence eut pour eux des résultats que la calomnie envenima.

L'ambassade du Cardinal, ses discours, ses projets, avaient exaspéré l'Empereur; le Père Gerbillon, supérieur des Missions en Chine, qui s'était montré plein de déférence pour le Légat, mourut en 1707, au milieu des troubles provoqués par le mandement. Gerbillon était l'ami de Kang-Hi; le Prince ne consentit pas à impose silence à sa colère, en face même d'un cercueil; et le Père Le Coulteux, écrivant au Père Étienne Souciet, raconte ainsi les effets du ressentiment impérial : « C'est, dit-il en parlant du trépas de Gerbillon, une perte trèsconsidérable pour la Mission en général et pour nous autres Jésuites en particulier; l'Empereur n'a honoré sa mémoire d'aucune marque d'estime, contre sa coutume à l'égard des Européens qu'il a distingués comme il avait fait. Tout le monde, Chinois et Européens, savent que ce n'a été que parce que ce Père parut trop attaché à monseigneur le Patriarche, et toujours prêt à l'excuser auprès du Prince et des grands. » Le Père Dominique Parrenin, né en 1665 au Russey, près Pontarlier, n'avait pris aucune part à ces divisions; Kang-Hi lui accorda sa confiance, et dans la même lettre du Père Le Coulteux on lit: « Depuis la mort du Père Gerbillon et celle du Père Thomas Pereyra, l'Empereur paraît beaucoup considérer le Père Parrenin, de la province de Lyon. Il l'a toujours auprès de sa personne à Pékin, et il le prend

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