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ses voyages; ils l'assistaient dans ses maladies. Cette faveur devait tourner au profit de la Religion: les deux Jésuites sont autorisés à construire dans l'intérieur même du palais une église et une résidence. Le 22 mars 1692 un décret, sollicité par le Père Thomas Pereyra, accorde aux Missionnaires la faculté de prêcher l'EPÉvangile dans ses Etats. Les Jésuites avaient si bien disposé le cœur du prince que, sans se séparer lui-même du Paganisme, il favorisait ostensiblement un culte dont il comprenait la sainteté, et dont il estimait les ministres. Une église s'élevait dans son palais : les Pères y créent une Congrégation où toutes les œuvrés de bienfaisance, de zèle et de piété se développèrent.

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Les Jésuites, en Chine, étaient missionnaires et astronomes ils travaillaient au salut des âmes et à la conquête des sciences. Les Frères coadjuteurs de l'Ordre devinrent médecins. Bernard Rhodes et Pierre Fraperie se distinguèrent surtout dans cette faculté. Ils avaient commencé par les pauvres leur réputation grandit, comme leur charité; et, lorsque l'Empereur se trouva dans un état désespéré, les médecins chinois eurent recours à Rhodes comme au dernier moyen de l'art. Il traita Kang-Hi, il lui rendit la santé. Le monarque était généreux: afin de reconnaître un pareil bienfait, il envoya aux Jésuites des lingots d'or, dont la vente produisit une somme de deux cent mille francs '.

1 La destinée de cet argent a quelque chose de si honorable pour la Compagnie anglaise des Indes, que nous croyons devoir raconter le fait en peu de mots. Les supérieurs des Missions avaient placé cette somme sur la compagnie anglaise, à la scule condition que la rente annuelle serait appliquée à tous les Jésuites de Chine et des Indes qui se trouveraient dans le besoin. Au moment de la destruction de l'Ordre de Jésus, la Compagnie anglaise fut tentée de suivre l'exemple que les princes catholiques lui donnaient; elle confisqua les 200,000 francs et cessa d'en servir les intérêts, pour les consacrer à l'entretien des hôpitaux. Les Jésuites étaient supprimés comme Société, mais, individuellement, ils se livraient aux soins de l'apostolat dans les Indes. Ils nommerent un député pour réclamer à Londres auprès de la cour des direc

Louis XIV avait chargé les Pères de la vérification des cartes géographiques de la Chine: ces études avançaient; néanmoins l'Empereur ne consentait pas à se priver des Missionnaires dont il était entouré, et qui, dans les provinces, enseignaient à ses sujets à obéir, non plus par crainte, mais par dévouement. Il les laissait populariser leur Foi. En 1697 même, sentant que tôt ou tard la mort ferait des vides irréparables parmi les Jésuites, il en demanda de nouveaux à la France. Le Père Bouvet fut son ambassadeur ', et il revint à la cour de Chine avec six Jésuites, parmi lesquels on distinguait Dominique Parrenin. Le Christianisme florissait dans les provinces, dans le Fo-Kien et à Nankin surtout. Une lettre écrite du Kiang-Si, le 17 octobre 1703, par le Père de Goville, donne de curieux détails sur ces Missions. " L'Empereur, ainsi s'exprime le Jésuite, a fait cette année un voyage dans le Tche-Kiang. Tous les Missionnaires des environs lui ont été présentés par nos deux Frères qui étaient à sa suite: tous ont reçu des marques de sa libéralité, surtout le Père de Broissia, avec qui il s'entretint long-temps, et à qui, outre la somme d'argent commune à tous, il fit donner, se

teurs. Leurs réclamations furent accueillies avec sollicitude, et les directeurs écrivirent à leurs mandataires que « si les autres gouvernements avaient commis une faute grave contre le droit des gens, ce n'était pas une raison pour la Compaguic des Indes de les imiter, en violant les engagements les plus sacrés. "Les directeurs ajoutaient qu'en considération des services que les Jésuites de Pondichery rendaient à leurs Indiens et aux Anglais, la Compagnie avait décidé que la somme serait couservée intacte, ét la rente exactement payée jusqu'à la mort du dernier missionuaire Jésuite. Elle ordonnait en même temps le remboursement des trois années d'arrérages. Ainsi, des hérétiques croyaient, autant dans l'intérêt de l'humanité que dans celui de la justice, devoir laisser aux enfants de Loyola, leurs adversaires, la fortune dont les souverains catholiques les dépouillaient. En 1813, tous les Jésuites de Péking et de Pondichery étant morts, la Propagande de Rome décida, malgré les instances de la Congrégation des Missions étrangères; que cette somme serait appliquée aux Lazaristes de la Chine.

C'est dans ce voyage que le Père Bouvet offrit à Louis XIV, de la part de KangHi, les quarante-neuf volumes chinois, qui furent l'origine de la collection actuelle de la Bibliothèque royale.

lon la coutume, différentes choses à manger. » Dans la méme lettre, se reportant aux discussions depuis si long-temps soulevées sur les cérémonies chinoises, et aux adversaires que la Compagnie rencontrait, Goville ajoute : « C'est un étrange pays que celui-ci, quand on ne garde pas une certaine conduite. Ils seront encore obligés d'avoir recours aux Pères de Péking pour pacifier les troubles. C'est ainsi que nous nous vengeons ici, en faisant le bien pour le mal.

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Il existait un grave différend entre les Jésuites d'un côté et les Missionnaires des différents Instituts de l'autre. Les Jésuites, pour juger le sens des paroles religieuses et des cérémonies chinoises, consultèrent les mandarins et les lettrés; ils surent que les honneurs rendus à Confucius et aux ancêtres ne perdaient jamais le caractère qu'ils avaient eu dans le principe: ils se réduisaient au respect dont l'histoire et les monuments font foi. Les Dominicains et les Vicaires apostoliques, tels que Maigrot, évêque de Conon, s'appuyèrent sur les traditions populaires, sur les pratiques superstitieuses introduites par les Bonzes. De ces cérémonies, dont les l'ères de la Société de Jésus conservaient l'usage pour arriver plus facilement à le déraciner, ils firent surgir des accusations d'idolâtrie ou d'apostasie. Les Chinois étaient si invinciblement attachés à leurs coutumes que, depuis l'origine de la Mission, il avait paru indispensable de ménager tant de susceptibilités. Ne pas accepter quelques cérémonies déclarées purement civiles par l'élite de la nation, c'était, aux yeux des Jésuites, exposer la Foi à un naufrage inévitable, et, dans une lettre au pape Clément XI, ils s'expliquaient en ces termes : « Nous souhaiterions de tout notre cœur qu'il fût en notre pouvoir d'abolir toutes les coutumes et les rites des païens

où l'on pourrait apercevoir le moindre soupçon de mal. Mais, dans la crainte de fermer par cette sévérité l'entrée de l'Évangile et la porte du ciel à un grand nombre d'âmes, nous sommes obligés, à l'exemple des Saints Pères au temps de la primitive Église, de tolérer les cérémonies des Gentils qui sont purement civiles; de manière cependant qu'autant que la chose peut se faire sans danger, nous les retranchons peu à peu, en y substituant des cérémonies chrétiennes. ›

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Ces quelques lignes initient au plan conçu par les Jésuites; ils procédaient par voie de douceur; ils acceptaient temporairement ce qu'après des études préalables ils regardaient comme impossible de rejeter; ce qui surtout n'offrait aucun contact avec une idée ou un souvenir païens. Ils savaient que l'homme ne peut qu'à la longue modifier essentiellement les mœurs d'un peuple, et, forts d'une conviction basée sur l'expérience, ils sollicitaient le Souverain Pontife de trancher la question en leur faveur. Dans le courant de l'année 1700, lorsque ces interminables discussions occupaient tous les savants, les Pères Antoine Thomas, Philippe Grimaldi, Pereyra, Gerbillon, Bouvet, Joseph Suarez, Kilian Stumpf, J.-B. Régis, Louis Pernoti et Parrenin, Jésuites fameux dans l'histoire des sciences, firent au SaintSiége la proposition suivante: « Puisque, écrivaient-ils, l'affaire a été portée de nouveau à Rome, et ne peut être terminée qu'après plusieurs années et un long travail, chaque parti appuyant son opinion sur le sens véritable des cérémonies par des textes d'ouvrages anciens, il nous a paru convenable de chercher, afin d'abréger cette controverse, un moyen qui serait agréable à Sa Sainteté. Elle désire avant tout l'union; elle ferait disparaître ainsi tout doute sur une question prolongée du

rant tant d'années, et les inquiétudes qui à cette occasion tourmentent quelques consciences.

» D'après donc l'avis commun de tous les Pères de la Compagnie de Jésus résidant à la cour de Pékin, on a jugé à propos de s'adresser à l'Empereur, et de lui demander une sentence certaine et sûre touchant le sens véritable et légitime des rites et des cérémonies de son empire, afin de constater s'il était purement civil, ou bien s'il contenait quelque autre chose à l'égard du philosophe Confucius et des ancêtres morts. Nous avons dit une sentence certaine et sûre, puisqu'il n'appartient qu'à l'Empereur de définir ce qu'il faut faire et penser dans ces matières. En effet, étant le législateur suprême de son empire, tant pour les choses sacrées que pour les choses politiques et civiles, son autorité est si absolue, qu'il décide sans appel, pour tout l'empire, ce qu'il faut faire et penser au sujet des rites, et qu'il définit dans quel sens il faut entendre les écrits des anciens. Ajoutez à l'autorité de sa définition la haute réputation qu'il s'est acquise par sa science dans tout l'empire. »

Ce projet, dont Leibnitz a loué la prudence', ne satisfit pas les justes scrupules de la Chaire apostolique : elle cherchait un moyen terme entre une funeste condescendance et des rigueurs qui pouvaient anéantir un siècle de travaux. Elle hésitait, espérant toujours qu'elle

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L'Empereur assembla les Grands, les Mandarins et les Lettrés, et tous proclamèrent qu'en invoquant King-Tien, ils invoquaient l'Être suprême, le Seigneur du Ciel, le dispensateur de tous les biens, qui voit tout, qui connaît tout, et dont la providence gouverne cet univers.»

2 Dans les OEuvres de Leibnitz (t. vi, p. 191, lettre 27, édit. de Genève de 1768', on lit: « Je ne vois pas comment on peut récuser le jugement de l'empereur de la Chine et des hommes remarquables de ce pays, quand il s'agit de la signification des mots. Supposez que l'opinion contraire à celle des Jésuites eût prévalu jusqu'ici, elle cesse certainement du moment où l'empereur a exposé dans quel sens il faut interpréter les rites et les autres signes de la pensée. »

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