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de sa charité dans le Levant'. C'était un tribut que chaannée ils payaient à la mort; ce tribut n'arrêta jamais leur course. Il y avait au bagne du Grand-Seigneur de nombreux Chrétiens dont il fallait soutenir la foi, afin de leur rendre moins affreuse leur misérable condition. Ce fut le privilége exclusif des Jésuites, celui qu'ils réclamèrent toujours avec les plus vives instances. Dans cette enceinte, où toutes les calamités découlaient de la servitude, la première de toutes, ils ne trouvaient à remplir que de pénibles devoirs; ils ne se mettaient en contact qu'avec les maux du corps et de l'âme. Ils se condamnaient à toutes les souffrances pour adoucir celles des esclaves; ils les suivaient dans leurs rudes travaux ou sur les galères ottomanes; ils mendiaient pour les soulager; ils mouraient pour les encourager à supporter la vie. Ce dévouement était de tous les jours et de toutes les heures; et, dans l'année 1707, le Père Jacques Cachod, l'un de ces héros dont l'histoire dédaigne

Dans le cimetière public de Constantinople, sur la pierre tumulaire qui recouvre les restes des Pères de la Compagnie de Jésus morts au service des pestiférés, on lit l'inscription suivante, qui serait beaucoup plus longue si on eût réuni dans la même tombe tous les missionnaires frappés par le fléau.

+ IHS

HIC IACENT

PATRES SOCIETATIS IESU

PESTE INTEREMPTI.

P. LUDOVICUS CHIZOLA, MDLXXXV.

P. CAROLUS GOBIN, 1612.

P. LUDOVICUS GRANGIER, 1615.

P. FRANCISCUS MARTIN, 1662.

P. NICOLAUS DE STE-GENEVIEVE, 1680.

P. PETRUS BERNARD, 1685.

P. NICOLAUS VABOIS, 1686.

P. HENRICUS VANDERMAN, 1696.

P. FRANCISCUS RANGEART, 1719.

P. JACOBUS CACHOD, 1726.

P. MARCUS CHAROT, 1751.
P. ANSELMUS BAYLE, 1726.
P. PETRUS CLERGET, 1756.

la sublimité ignorée, écrivait de Constantinople: « Maintenant je me suis mis au-dessus de toutes les craintes que donnent les maladies contagieuses, et, s'il plaît à Dieu, je ne mourrai plus de ce mal après les hasards que je viens de courir. Je sors du bagne, où j'ai donné les derniers sacrements et fermé les yeux à quatre-vingt-dix personnes, les seules qui soient mortes en trois semaines dans ce lieu si décrié, pendant qu'à la ville et au grand air les hommes mouraient à milliers. Durant le jour, je n'étais, ce me semble, étonné de rien; il n'y avait que la nuit, pendant le peu de sommeil qu'on me laissait prendre, que je me sentais l'esprit tout rempli d'idées effrayantes. Le plus grand péril que j'aie couru et que je courrai peut-être de ma vie, a été à fond de cale d'une sultane de quatre-vingt-deux canons. Les esclaves, de concert avec les gardiens, m'y avaient fait entrer sur le soir pour les confesser toute la nuit et leur dire la messe de grand matin. Nous fûmes enfermés à double cadenas, comme c'est la coutume. De cinquante deux esclaves que je confessai et communiai, douze étaient malades et trois moururent avant que je fusse sorti. Jugez quel air je pouvais respirer dans ce lieu renfermé et sans la moindre ouverture. Dieu qui, par sa bonté, m'a sauvé de ce pas-là, me sauvera de bien d'autres. »

Douze ans plus tard, en 1719, Jacques Cachod, que les esclaves surnommaient leur père, périt au milieu de ces douleurs qu'il a tant de fois soulagées; d'autres Jésuites lui succédèrent. A Scio, ils ont créé un collége où ils forment à la vertu et à l'étude des belles-lettres plus de trois cents élèves. La mission a tellement prospéré qu'en 1695 onze Jésuites indigènes gouvernent cette Chrétienté, dépassant le chiffre de quatre-vingt mille. Ils sont en

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butte aux avanies des Turcs, qu'alimentent les excitations des Grecs schismatiques; mais les Pères ne se découragent pas : ils savent que la persécution les attend dans le succès, ils marchent toujours. Scio est catholique, ils rêvent de pénétrer dans les îles de Metelin et de Samos. Les Musulmans détruisent le collége; un viceconsul français leur est donné comme protecteur. Les Pères Albertin, Ottaviani et Gorré succombent dans la lutte: ils sont remplacés par deux autres Jésuites, Antoine Grimaldi et Stanislas d'Andria. Leur maison a été mise à sac, les pères en ouvrent deux autres où les enfants sont reçus sans distinction de culte et de patrie. Les uns travaillent à émanciper l'Orient par le Christianisme, les autres, comme le Père François Richard, s'élancent sur le mont Athos, tantôt pour y vérifier des observations scientifiques, tantôt pour étudier les vieux manuscrits ou appeler à l'unité les six mille moines qui, dans ces déserts, vivent de superstition et d'igno

rance.

Sous la protection de Louis XIV, qui sait faire honorer le drapeau de la France à tous ces peuples, le Père Braconnier a maintenu la Foi parmi les Chrétiens. de Constantinople; il a pu même ramener à l'Église catholique le fameux comte Éméric Tékéli, ce héros que de Lutheranisme et l'ambition poussèrent dans les rangs de l'armée ottomane'. Braconnier, était missionnaire avant tout; mais son apostolat ne l'empêchait pas de chercher à instruire l'Europe, tout en évangélisant les Orientaux. Il détermine la position de l'ancienne Philippes, capitale de la Macédoine; puis, sur les lieux mêmes, le 29 janvier 1706, il établit une résidence à Thessalonique. Deux Jésuites, Vincent et Pipéri, l'accompagnent; pour les

1 Relation manuscrite du Père Jean-Baptiste Souciet.

mettre à l'abri des insultes, le roi de France et son ambassadeur, le marquis de Fériol, leur ont accordé des brevets diplomatiques. Ils travaillent avec tant d'ardeur à la propagation de la foi romaine et de l'archéologie, qu'ils ont bientôt visité toutes les Chrétientés voisines, et déchiffré les inscriptions gravées sur les vieux monuments contemporains d'Alexandre. Braconnier a entrepris une œuvre aussi difficile que périlleuse. Il est au milieu des Grecs, et il leur prêche l'unité. Il a gagné l'estime de Michel Paléologue, l'un des adeptes de l'erreur; en 1709, Paléologue revient à l'Église; il consacre une maison pour servir de lieu de prières et de collége aux familles que les Jésuites ont faites Catholiques. Elles étaient encore peu nombreuses; mais Braconnier, dont l'éloquence est presque aussi grande que la charité, ne connaissait pas d'obstacles. La contagion ne l'effrayait pas plus que les mauvais traitements. Le bâton des Turcs se levait souvent sur sa tête; ici on le frappait, là on le mutilait; le Père n'en continue pas moins son entreprise. La guerre et et la peste déciment incessamment ces populations; les premiers soins du Jésuite sont pour ceux qui l'ont meurtri ou persécuté. Il est au bagne des esclaves encore plus souvent que dans la demeure des riches, et lorsqu'en 1716 la mort couronna une vie si pleine de travaux, la Mission de Thessalonique n'avait plus besoin que d'ouvriers. Les Pères Souciet, Tarillon et Gresset lui succédèrent.

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· La Société de Jésus avait en Orient une multitude de résidences, dont les principales étaient à Constantinople, Smyrne, Thessalonique, Scio, Naxos, Sidon, Eubée, Trébizonde, Santorin et Damas, l'œil de l'Orient, ainsi que Julien surnommait cette ville, De là, ils se dispersaient dans le Levant et portaient

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partout les lumières de l'Évangile. La conviction ne se faisait jamais jour dans les âmes qu'après de pénibles discussions. Ils n'avaient point, dans ces climats, de sauvages à dompter et de tribus barbares à conduire peu à peu à la civilisation. Le Schismatique grec et l'Arménien ne se laissaient pas facilement convaincre; depuis de longs siècles, ils professaient leur culte, ils en avaient sucé avec le lait les erreurs et les préjugés. Enfants dégénérés d'un grand peuple, ils vivaient en mendiants orgueilleux sur une gloire qu'ils ne pouvaient raviver, et au milieu des débris de la Grèce, dont ils ne comprenaient ni la poésie ni les splendeurs mortes. C'était cette opiniâtreté qu'il importait de déraciner. Les Jésuites se firent une loi de la patience et dans une lettre du Père Tarillon au comte de Pontchartrain, le Missionnaire explique au secrétaire d'État la marche adoptée. Quant au rit grec, qui en soi n'a rien de mauvais, écritil en 1713, nous n'obligeons personne à le quitter pour passer au latin. Lorsqu'il se trouve des curés ou autres ecclésiastiques qui errent dans quelques articles de la Foi, les Orthodoxes ont sur cela les règles du SaintSiége, selon lesquelles ils peuvent communiquer avec eux en ce qu'elles ont de bon et d'utile, et doivent constamment rejeter le reste. C'est sur ces règles que nous nous conduisons et que nous conduisons les autres. Ceux qui refusent de s'y conformer, ne reçoivent de nous aucune absolution; nous ne les excluons pas pourtant des églises latines, quand ils viennent implorer le secours de Dieu, nous proposer leurs difficultés, et prendre l'estime et le goût de nos cérémonies. Cette condescendance gagne les esprits, et nous avons l'expérience que c'est la voie la plus efficace pour les faire rentrer dans le sein de l'Église."

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