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D'ailleurs, comment dire qu'elle attaque l'honneur du siége de Rome en maintenant les hommes les plus propres à défendre la Religion catholique?

Tels sont les motifs qui ont déterminé la profonde sagesse de l'auguste Czarine à s'éloigner de la pensée des autres pays. Elle espère que sa déclaration sera regardée par le Souverain Pontife comme une preuve de son amitié impériale, d'autant qu'elle n'a pas l'habitude de rendre raison à personne des résolutions qu'elle prend dans son gouvernement. L'Impératrice se flatte qu'on n'en voudra pas à l'évêque de Mohilow pour avoir entrepris une chose avantageuse à ses peuples, honorable au nom catholique, par conséquent au SaintSiége, et qu'il savait être en même temps très-agréable à la Czarine. »

A ce document impérial, le comte de Stackelberg ajoute de nouvelles considérations. Le cardinal Pallavicini, secrétaire d'État de Pie VI, et tout dévoué à l'Espagne, réclame diplomatiquement contre l'usage que l'évêque de la Russie-Blanche a fait de l'autorité qui lui était confiée. Stackelberg répond au ministre romain par l'entremise d'Archetti : « Nous n'avons que le bien de la chose en elle-même à juger. Or, en la considérant sans aucune prévention, Votre Excellence sentira aussi bien que moi quels avantages les Catholiques de la RussieBlanche peuvent retirer d'un établissement qui seul doit procurer une éducation raisonnable et dissiper les ténèbres que la superstition a répandus sur le culte du peuple et d'une partie du Clergé. Par sa place ici, par sa dignité dans l'Église et ses lumières, Votre Excellence appréciera bien mieux que moi l'étendue du mal qui en résulte pour la Religion. Le seul moyen d'y remédier efficacement et constamment était de confier l'éducation

de la jeunesse à un corps pieux, éclairé et permanent. Par quels encouragements et quelles récompenses pourrions-nous espérer d'attirer dans la Russie-Blanche un nombre suffisant d'hommes instruits pour remplir des vues aussi sages? Il n'y avait qu'une résolution comme celle de l'expulsion des Jésuites du Midi de la Chrétienté pour opérer dans le Nord le reflux heureux de ces hommes voués par état à la culture des sciences et des lettres. Ainsi, les recueillir et leur offrir une patrie en dédommagement de celle qui les rejette, rassembler en même temps les membres épars de la Société qui se sont trouvés chez nous, et ne perpétuer leur association que dans la vue de l'instruction publique, comme le déclaré expressément ma cour, me paraît un acte de sagesse autant que d'humanité, et nullement une infrac tion dans le système hiérarchique et spirituel de la Cour dé Rome. »

Il n'y a point ici à discuter avec les faits. Si le Pape n'eût pas tacitement encouragé les Jésuites à se reconstituer par le noviciat, il n'avait qu'à dire un mot, et ils auraient obéi malgré Catherine II. Ils se seraient volontairement dispersés, ou en continuant, sous l'égide de l'Impératrice, à élever la jeunesse, ils n'auraient pas du moins songé à ressusciter l'oeuvre de saint Ignace. Il en fut autrement. L'acte de l'évêque de Mohilow compromettait les relations de la Cour de Rome avec les puissances, qui avaient tant fait pour la destruction des Jésuites; et Pie VI, au lieu de parler du haut de la chaire apostolique, se contenta de laiser au cardinal Pallavicini le droit inutile de protester par des notes diplomatiques. Le ministre le fit avec aigreur, il déclara que mandement du légat était en dehors des intentions du Pape; il représenta cet acte comme le fruit de la mau

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vaise foi et d'une indigne supercherie. Cependant, personne ne se laissa tromper par ce langage; chacun comprit en effet qu'il n'y avait rien de plus aisé que de trancher cette difficulté. Pie VI ne la résolvait pas; il se portait médiateur entre les deux partis: il fallait donc que le Pape vit un grand intéret catholique dans cette résurrection qu'il lui était interdit de favoriser ouvertement, mais qu'il autorisai de tous ses vieux secrets'.

L'éveque de Mohilow, la Czarine et le Pape étaient supçonnés de ouer double ju dans l'intérêt de l'Eglise. Pie VI fit offrir au roi d Espagne toute espèce de satisfaction; mais, sous prétexte de ne pas indisposer Impératrice contre les Catholiques russes, il savait se résoudre à avoir l'air de subir une contrainte morale, et il laissa Is Jésuites se propager. Le 2 février 1780, jour de la Purification, l'habit de la Compagnie fut solennellement donné à quelques novices. C'était l'investiture de la Société. Au mois de mai, Ca

En 1780, 'orsque l'empereur Joseph II vis'ta l'impératrice Catherine dans son célè bre voyage der mée, il é ait accompagné d'un ancien Jésuite hongrois, nommé Franço's-Xavier Ka'ata: Joseph II l'avait pris en affection; il voyageait avec lui, et, dans une de ses lettres, Kalata: raconte ce qu'il a vu et en enda: A Mohilow, dit-il, et au fond de toutes les provinces dernièrement démembrées de la Pologne, les Jésuites existent encore sur l'ancien p'el; ils sont paissamment protégés par l'impératrice, à cause de leurs talents pour d'éducation de la jeunesse catholique dans la science et dans la pié é. Je demandai à salier 11⁄2 Provincial, quand nous allâmes voir le collége. C'est un homme véritablement vénérable. Je l'interrogeai, lui et ses inférieurs, afin de savo'r sur quoi ils se basalent pour refuser de se soumettre au bref de suppres sion. Il me répondit : « Ch me (tissima imperatrice nostra protegente, populo derelicto exigente, Roma sciente et non contra licente, » Alors il me montra une lettre du Pape regnant, dans laquelle le Pontife les console, les exhorte à persévérer dans l'état où ils sont jusqu'à nouveaux arrangements Il les engage à recevoir des Novices et à admettre les Jésuites des autres provinces qui désireraient se réunir à eux pour reprendre ce doux joug de Jésus-Christ, qu'on leur avait violemment arraché, Le Provincial ajouta que tous les Jésuites russes étaient prêts à tout abandonner au premier signe authentique de la volonté du Pape, qu'ils n'attendaient qu'une signification canouique, Voilà le v ritable esprit de la Compagnie de Jésus, conservé en sa première vigneur dans ses faibles restes. »

il

Ainsi un Jésuite sécularisé, devenu favori d'un des princes qui ont détruit l'Inst.tut, s'étonne que ses anciens frères vivent encore, et, en constatant leur existence, affirme qu'ds sont prêts à l'obéissance la plus aveugle.

therine vint à Mohilow pour recevoir Joseph II, elle s'arrêta à Polotsk afin de donner aux Jésuites un témoignage de satisfaction. Ils lui devaient plus que la vie; ils la reçurent en souveraine et en bienfaitrice. Elle examina en détail ce collége si brillant, dont le prince Potemkin lui faisait les honneurs avec le Père Czerniewicz. Elle demanda que les Novices lui fussent présentés comme les rejetons de l'Institut mis sous sa protection. L'Impératrice avait visité les Jésuites; l'année suivante, le grand-duc Paul, à son tour, les honora de sa présence. Au fond de toutes ces démonstrations, il y avait chez Catherine un sentiment d'équité religieuse, de devoir monarchique et de prévenance politique. Cette princesse, qui savait soumettre ses plaisirs et ses passions à la raison d'État, ne se déguisait pas que la force était impuissante à convaincre, et que l'éducation ferait plus de conquêtes que les armées les mieux disciplinées. Elle avait au plus haut degré l'instinct de l'autorité; elle en combinait, elle en faisait jouer admirablement les ressorts. Dans un siècle où la plupart des Rois s'amoindrissaient au contact des Philosophes, elle sut leur distribuer ses éloges ou ses faveurs pécuniaires, tout en les tenant à distance et en se faisant d'eux un piédestal. Catherine était réellement une femme exceptionnelle. Ses crimes et ses vices, comme ceux de Pierre-le-Grand, s'effaceront sous la main du temps. L'histoire les expliquera par ce vieux levain de barbarie qui n'avait pas encore disparu des mœurs russes pour faire place à l'esprit de famille; mais en même temps l'histoire grandira l'Impératrice qui a préparé l'avénement des Romanoff dans les affaires de l'Europe, et qui leur a tracé le plan dont ses héritiers n'ont jamais dévié.

Catherine avait mille sujets d'occupation : elle rece

vait les hommages des Philosophes français et de l'Empereur d'Allemagne; elle composait un Code pour son empire; elle régnait, elle gouvernait tout en se mélant aux spirituelles causeries des Ségur, des Cobentzl et des princes de Ligne. Elle traçait à Potemkin et à Suwarow leurs plans de campagne; elle créait des palais d'or et de marbre; elle ressuscitait dans le Nord la Sémiramis antique; et, par un singulier contraste, cette femme, dont l'âge n'amortissait aucune des passions, s'occupait avec une rare persévérance de quelques pauvres prêtres que l'Europe catholique avait proscrits. La question des Jésuites était à ses yeux une question vitale. Tout ce qui s'y rattachait était pour elle de la plus haute importance, car il s'agissait de l'éducation de ses peuples, et Catherine en appréciait vivement le bienfait. L'évêque de Mohilow l'avait secondée; elle s'empressa de récompenser son zèle en donnant une forme plus légale à la juridiction exercée par ce prélat dans les domaines de l'empire. Elle songea à lui faire conférer la dignité archiepiscopale; et, afin de le soulager dans l'administration d'un aussi vaste diocèse, elle voulut lui nommer un coadjuteur. Le général Michelson, l'heureux vainqueur de Pugatschew, proposa à Catherine et à Potemkin un ancien Jésuite lithuanien, son parent, et qui aspirait à rentrer dans la Compagnie. Il se nommait Benislawski; il était pieux et discret.

Potemkin avait pris les Pères en affection. Ce guerrier homme d'État, dont les projets avaient toujours quelque chose de sublime ou de trivial, nourrissait l'idée de fixer en Russie l'Ordre de saint Ignace, régénéré par Catherine. Il cherchait, il invoquait le moyen de consolider cette Société, dont il entrevoyait la grandeur dans le passé. Un Jésuite lui démontra que la Compa

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