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et, pour encourager les Jésuites, ce grand Pape s'exprime ainsi1:

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Lorsque, excité par les enseignements du Christ Notre Seigneur, et par l'exemple des Pontifes qui nous ont précédé, nous cherchions avec anxiété par quel moyen nous pourrions enfin réellement obtenir ce que nos prédécesseurs avaient tant désiré, il arriva fort à propos que les Missionnaires de la Compagnie de Jésus, auxquels surtout sont confiées les Missions du Maduré, de Maïssour et de Carnate, après nous avoir demandé une déclaration sur l'article des pariahs, se sont offerts et nous ont promis (si cependant nous l'approuvions) de déléguer quelques Missionnaires qui seraient spécialement occupés de la conversion et de la direction des pariahs. Nous avons espéré que ce moyen pourvoirait suffisamment à leur conversion et à leur salut; le recevant donc avec une joie paternelle, nous avons pensé qu'à cause des circonstances du temps, il fallait l'approuver et le recommander. »

Cette séparation éternelle des Jésuites Missionnaires, ce mur infranchissable qu'ils élevaient volontairement entre eux, afin de travailler sur la même terre au bonheur d'une population que des préjugés invincibles divisaient, cette vie de grandeur et d'abaissement à laquelle les uns et les autres se condamnaient, tout cela était accepté avec joie. Les plus heureux étaient les Pères qui obtenaient l'honneur des humiliations, et, dans une lettre d'un Missionnaire de Goa, écrite à Rome, on voit quels étaient les transports de ceux qui se dévouaient à la dégradation pour servir les pariahs. Le Jésuite s'exprime ainsi :

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Allez, allez par ce royal chemin de la Croix, fidèles

Bullarium Benedicti XIV, t. 1, p. 421.

compagnons du Christ, votre chef et votre maître. Vous voilà, suivant le langage de l'Apôtre, réputés comme les ordures du monde, comme les balayures rejetées de tous, mais en réalité la gloire véritable de notre Compagnie et le plus bel ornement de cette province. Que votre cœur ne se trouble pas de ce que vous êtes devenus étrangers à vos frères, inconnus aux fils de votre mère, en sorte qu'ils vous refuseront les embrassements ordinaires et fuiront votre abord, bien que, si la chose était permise, ils voulussent vous rendre tous les devoirs de la charité. Lorsqu'en les rencontrant vous leur répéterez avec Paul: Vous voilà nobles, et nous misérables, je vous réponds que vous leur tirerez des larmes des yeux, que vous les forcerez à envier saintement votre ignominie.

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Cette exaltation religieuse ne s'affaiblit jamais; les Jésuites avaient trouvé le seul moyen de réunir les castes indiennes; ils espéraient les amener à l'égalité par le Christianisme. Ce fut une pensée morale qui les dirigea dans l'accomplissement d'une œuvre aussi difficile; par les résultats qu'ils obtinrent, on peut conjecturer que, dans un temps donné, ils auraient brisé la barrière placée entre les enfants d'un même Dieu et d'un même pays. Des difficultés venues du fond de l'Europe, et la suppression de l'Ordre ne permirent pas de réaliser ces projets.

Brahmes ou pariahs, les Jésuites ne tendaient qu'à un but unique: ils l'atteignirent, et, animés par la même pensée, quoique séparés par les flots ou par les préjugés de culte, ils marchaient tous au développement de l'idée civilisatrice. Le nombre des Chrétiens vivant au cœur des Indes était incalculable: les Missionnaires avaient trouvé ces peuples lâches, efféminés, sans carac

tère, toujours accessibles à la flatterie, toujours prêts à se laisser séduire par l'indolence ou par l'attrait du plaisir. La Foi réveilla dans ces natures inertes l'énergie qui sommeillait depuis de longs siècles; elle leur communiqua une nouvelle vie, elle épura leurs moeurs, elle les fit généreux et constants, forts contre la persécu tion et grands dans les souffrances. La guerre passa souvent sur cette immense presqu'île; on désola à diverses reprises, on brûla, on égorgea toutes les populations qui ne se réfugiaient pas dans les forêts. Les Marati vinrent en corsaires ravager les côtes du Maduré, d'autres descendirent des montagnes du nord-ouest et saccagèrent les provinces. Les Européens, à leur tour, se mêlèrent à ces dévastations: Maures et Chrétiens, Français et Hindoux, s'attaquèrent, se poursuivirent sans relâche pour conserver ou pour conquérir l'empire. Les Jésuites éprouvèrent le contre-coup de tant de déchirements. Les Européens, dans les Indes, commirent des excès de plus d'une sorte; ces excès retentissaient au loin, ils justifiaient l'aversion instinctive que le naturel d'un pays porte à l'étranger qui veut le dominer; ils rejaillissaient jusque sur la religion, en détruisant dans l'esprit des Hindoux le salutaire effet que produisaient la vérité de ses dogmes et la pureté de sa morale. En présence de ces fléaux, les Jésuites ne se sentirent pas découragés, et ce que les Pères Bouchet, Dolu, Lopez, Acosta, Diusse, Mauduit, Petit, Carvalho, Berthold, Tachard, Lafontaine, du Tremblay, Saignes, d'Origny, Barbosa, de Lemos, Borghièse, Timothée Xavier, Artaud, Cœurdoux, Celaya, Pimentel, Alexandri, Laynės, Martin, Saint-Estevan et Yard, entreprirent de 1700 à 1770, d'autres le continuèrent avec un égal succès. Dans cet espace de plus d'un demi-siècle, les Français et les

Anglais luttèrent pour savoir à qui resterait enfin l’influence sur ces contrées lointaines, où le nom de Joseph Dupleix, de Lally et de Suffren retentit encore, les Jésuites souffrirent, mais ne désespérèrent jamais du triomphe de l'Évangile. Les Brahmes et les pariahs se réunissaient dans une pensée de haine contre les Européens; les Jésuites, victimes eux-mêmes de tant de guerres acharnées, se firent un devoir de calmer leur irritation; mais, à ces obstacles renaissants, il s'en joiguit un autre qui ne fut pas moins fertile en désastres.

Le champ ouvert à la prédication était si étendu que les Missionnaires accoururent de tous côtés, afin de le défricher. Le zèle les poussait, l'esprit de discorde se glissa parmi eux; il produisit de funestes querelles et des controverses qui de l'Orient passèrent bien vite en Europe, pour raviver les inimitiés et justifier les jalousies.

Les rites malabares consistaient à omettre quelques cérémonies dans l'administration du baptême, en respectant toutefois l'essence du sacrement, à cacher les noms de la Croix et des objets du culte catholique sous des appellations moins communes, à marier les enfants avant l'âge de puberté, à laisser aux femmes un bijou nommé Taly, qu'elles reçoivent le jour des fiançailles, et sur lequel était gravée l'image d'une idole; à éviter de soigner les pariahs dans leurs maladies, et à les pri ver de certains secours spirituels. Les Jésuites du Maduré, du Mysore et de Carnate se trouvèrent en face de tant de superstitieuses pratiques, qu'ils crurent devoir tolérer celles qui, à leur avis, ne préjudiciaient pas à la Religion chrétienne. Ils étudièrent les mœurs de ces nations, ils s'appliquèrent à distinguer les coutumes populaires d'avec les fausses croyances ou les usages païens.

Comme tous les peuples sans mouvement intellectuel, sans commerce avec l'extérieur, les Indiens s'immobilisaient dans leurs préjugés, devenus la suprême loi. Afin de sauver l'essentiel, les Jésuites sacrifièrent l'accessoire. Ils n'avaient pas renoncé à leur patrie, à leur famille, à leur avenir, ils ne s'étaient pas condamnés à de périlleuses navigations, à un jeûne absolu, à une vie misérable, sous un ciel dévorant, pour entretenir les naturels dans leur idolâtrie. Ils commençaient à réaliser le bien, ils voulurent aller jusqu'au mieux, et ils s'égarèrent.

croyan

La question des rites malabares était déjà un sujet de division entre les Missionnaires des différents ordres religieux épars sur ces continents, lorsqu'en 1703 CharlesThomas Maillard de Tournon, patriarche d'Antioche, nommé par Clément XI légat du Saint-Siége aux Indes et en Chine, prit terre à Pondichéry. Investi de tous les pouvoirs ecclésiastiques, il avait ordre de mettre fin à des disputes qui menaçaient les chrétientés naissantes. Tournon venait pour réformer les abus qu'un zèle peutêtre excessif introduisait par les Jésuites dans les ces religieuses; afin de se pénétrer de l'étendue de ses devoirs, il consulta deux Pères de la Compagnie. Le mandement qu'il publia sur les rites malabares a souvent été invoqué; mais, par une inexplicable préoccupation, les historiens, les polémistes qui citent ce document ont oublié de relater un fait qui s'y trouve consigné. L'archevêque d'Antioche ignorait les causes déterminantes de la mésintelligence, il les apprit de la bouche même des Jésuites, c'est ce passage du mandement que tous les écrivains ont omis. Le Légat parle ainsi': « Ce que nous n'avons pu faire immédiatement par nous

1 Bullarium romanum XV1, 232.

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