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juillet 1770, il écrivait à Voltaire 1 : « Ce bon Cordelier du Vatican me laisse mes chers Jésuites, que l'on persécute partout. J'en conserverai la graine précieuse pour en fournir un jour à ceux qui voudraient cultiver chez eux cette plante si rare. » Ce que Frédéric II, en correspondance avec Laurent Ricci, Général de l'Institut, se proposait de faire dès l'année 1770, il le réalisa trois ans plus tard. Il sentait le besoin de rendre la maison de Brandebourg populaire en Silésie. Cette contrée, nouvellement annexée à son empire, était Catholique, et le Roi respectait sa croyance. Elle tenait du fond des entrailles à la Société de Jésus, qui, depuis de longues années, y présidait à l'éducation de la jeunesse. En Pologne, la Société exerçait une légitime influence, et Frédéric n'osait pas briser tant de liens religieux. Il craignait de froisser les masses dans ce qu'elles ont de plus cher la liberté de la conscience et le droit de la famille. Malgré les supplications de ses favoris de France et de ses convives de Potsdam, il résolut, avec l'impératrice Catherine II, de préserver d'un suprême naufrage les débris de l'Institut.

Cependant, pour ne pas trop désoler d'Alembert, Frédéric lui avait mandé', le 4 décembre 1772: « J'ai reçu un ambassadeur du Général des Ignaciens, qui me presse de me déclarer ouvertement le protecteur de cet Ordre. Je lui ai répondu que, lorsque Louis XV avait jugé à propos de supprimer le régiment de Fitz-James, je n'avais pas cru devoir intercéder pour ce corps; et que le Pape était bien maitre chez lui de faire telle réforme qu'il jugeait à propos, sans que des hérétiques s'en mélassent. "

1 OEuvres de Voltaire, i. Lxv, p. 408 (Paris, 1784).

' OEuvres philosophiques de d'Alembert, 1. XVII.

Voyons de quelle manière Frédéric tint la promesse implicite que contenait cette lettre, dont les Encyclopédistes répandirent des copies dans toute l'Europe. Aussitôt que le Bref Dominus ac Redemptor noster fut connu à la cour de Berlin, le monarque philosophe promulgua le décret suivant : « Nous, Frédéric, par la grâce de Dieu, Roi de Prusse, à tous et un chacun de nos fidèles sujets, salut.

"

Quoique vous soyez déjà informés que vous ne pouvez faire circuler aucunes Bulles ou Brefs du Pape sans avoir reçu notre approbation à ce sujet, nous ne doutons nullement que vous ne vous conformiez à cet ordre général, en cas que le Bref du Pape portant suppression de la Compagnie des Jésuites parvienne au tribunal de votre juridiction. C'est pourquoi nous avons jugé nécessaire de vous en rappeler encore le souvenir; et comme, sous la date de Berlin du 6 de ce mois, nous avons résolu, pour raisons à ce nous mouvant, que cet anéantissement de la Société des Jésuites, expédié depuis peu, ne soit pas publié dans nos États, nous vous ordonnons gracieusement de prendre dans votre juridiction les mesures nécessaires pour la suppression de ladite Bulle du Pape; à quelle fin vous ferez en notre nom, dès la réception de la présente, défense expresse, sous peine d'un rigoureux châtiment, à tous ecclésiasti ques de la Religion catholique romaine, domiciliés dans votre juridiction, de publier ladite Bulle du Pape qui annule la Société de Jésus; vous enjoignant de tenir soigneusement la main à l'exécution de cette défense, et de nous avertir sur-le-champ au cas où des ecclésiastiques supérieurs étrangers s'avisassent de glisser dans ce pays des Bulles de cette nature. »

Clément XIV n'avait aucun moyen de vaincre cette pré

voyance monarchique. Là où les Philosophes échouaient, l'intervention du Pape devait rester sans effet. Frédéric, Luthérien, s'opposait dans ses États à la destruction des Jésuites; il fallait donc les y laisser vivre. Le roi de Prusse ne s'était pas contenté d'un acte officiel; il avait écrit à l'abbé Columbini, son agent à Rome, une dépêche autographe par laquelle il le prévenait de ses intentions. La dépêche, encore inédite et datée de Potsdam le 13 septembre 1773, est ainsi conçue : « Abbé Columbini, vous direz à qui voudra l'entendre, pourtant sans air d'ostentation ni d'affectation, et même vous chercherez l'occasion de le dire naturellement au Pape et au premier ministre, que, touchant l'affaire des Jésuites, ma résolution est prise de les conserver dans mes États tels qu'ils l'ont été jusqu'ici. J'ai garanti au traité de Breslaw le statu quo de la Religion catholique, et je n'ai jamais trouvé de meilleurs pretres à tous égards. Vous ajouterez que, puisque j'appartiens à la classe des hérétiques, le Pape ne peut pas me dispenser de l'obligation de tenir ma parole ni du devoir d'un honnête homme et d'un Roi.

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Cette lettre, qui est tout à la fois un outrage, un défi et une grande leçon adressés à Clément XIV, produisit dans la ville de Rome un effet extraordinaire. D'Alembert fut chargé d'amortir le coup que les mesures prises par Frédéric portaient aux espérances des ennemis de la Religion. Le 10 décembre 1773, il ne lui dissimula pas « que la Philosophie avait été un moment alarmée de voir Sa Majesté conserver cette graine. » Il lui fit entrevoir qu'un jour il se repentirait peut-être d'avoir donné asile aux gardes prétoriennes jésuitiques que le Pape, avouait-il, a eu la maladresse de licencier. Il lui rappela que, dans la guerre de Silésie, les Pères, qui

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