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pied. Il arriva, il alla remercier l'Évêque avec un ton d'édification qu'il avait eu toute la vie. Le Prélat l'ayant envisagé fut effrayé d'une pâleur mortelle qui couvrait son visage, et lui dit de se coucher promptement pour recevoir les derniers secours de l'Eglise. On l'administra, en effet, sur-le-champ; mais à peine eut-il reçu les derniers sacrements, qu'il se leva et alla expirer au pied d'un crucifix.

» On trouva sur son corps un rude cilice qu'il n'avait pas quitté, dit-on, depuis quinze ans qu'il était arrivé dans l'Inde, et nous apprîmes de ses disciples plusieurs autres particularités édifiantes, qui nous persuadèrent que nous n'avions pas connu la moitié de ses vertus'. »

Au témoignage de cet écrivain, le Père Busson n'était pas le seul vétéran du sacerdoce et de la Compagnie de Jésus digne des éloges de l'histoire et de la Religion.

«Le Père Ansaldo, natif de Sicile, dit M. Perrin ', était encore un autre modèle de toutes les vertus chrétiennes et apostoliques. C'était un homme d'un génie profond, ayant une âme sublime et une tête parfaitement organisée. Content d'opérer le bien, il en abandonnait volontiers la gloire aux autres... Il faisait autant d'ouvrage qu'auraient pu faire six autres Missionnaires. Il entendait les confessions depuis cinq heures du matin jusqu'à dix tous les jours. Il dirigeait une communauté de Carmélites du pays. Il avait établi plusieurs filatures de coton, où une jeunesse nombreuse travaillait sous les ordres d'excellentes maîtresses. Le Père Ansaldo faisait le catéchisme dans ces établissements, y réglait la police, et pourvoyait à tous les besoins. Il était chargé en outre de l'administration de la moitié

Ibidem, p. 173.

2 Ibidem, p. 177.

de la ville de Pondichery; et lorsqu'il avait quelques instants libres, il les employait à composer, à étudier les hautes sciences ou à en donner des leçons, à apprendre de nouvelles langues ou à former quelque nouveau projet de piété. »

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La destruction de leur Société ne les avait pas corrigés. Les Jésuites étaient dans l'Indostan ce qu'on les rencontre partout, et M. Perrin en cite un exemple qui lui est personnel. « Le Père de Gibeaume, dit-il, vieillard de soixante-quatorze ans, accablé des infirmités que lui avait procurées un long apostolat, et qui, malgré toutes ses souffrances, avait conservé l'enjouement du plus heureux caractère, me voyant sur le point de partir, me prit à part et me dit d'un air mystérieux : Puisque vous nous quittez, et qu'il y a apparence que » ce sera pour long-temps, je vous prie de me rendre » un service qui dépend de vous. Ne demandez pas ce » que c'est, il suffit que vous sachiez que je ne veux rien » que de possible et de permis. » Je lui engageai ma parole d'honneur que je ferais ce qu'il désirait, trop heureux de pouvoir lui être utile de quelque manière que ce fût. « Fort bien, ajouta-t-il, vous voilà pris; j'ai » votre parole. Je veux donc et j'exige que vous accep» tiez la moitié de mon trésor. » Il ouvre aussitôt sa cassette et partage, de frère à frère, tout ce qu'elle contenait.

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Il n'est pas permis d'oublier de tels hommes et de ne pas croire à leurs vertus. »

Ce ne sont pas seulement les émules de la Compagnie de Jésus dans les Missions qui déplorent leur ruine à Rome, le même regret se fait jour. Dans son India orientalis, le carme Paulin de Saint-Barthélemy ne peut s'empêcher de constater la décadence de la Foi au mi

lieu de ces nations que les Jésuites civilisèrent par le Christianisme.« Si des hommes, s'écrie-t-il, supérieurs et animés par le zèle, proclamèrent autrefois la Religion dans les Etats de Tanjaour, du Maduré, de Maïssour, de Concan, de Carnate, de Golconde, de Balaghat, de Delly, et dans les autres régions indiennes situées au milicu des terres, leur zèle et le flambeau de la Foi se sont évanouis par la difficulté des temps et des lieux, parce que personne ne leur envoie de collaborateurs, et que personne ne soutient leur œuvre. La Compagnie de Jésus ayant été supprimée, presque toutes ces églises languissent privées de pasteurs, et les chrétiens errent sans loi qui les dirige, sans flambeau qui les éclaire. »

Les Évèques du Nouveau-Monde invoquaient le concours des Jésuites, il vint un jour où la République française leur demanda leur appui dans ces régions où ils avaient popularisé le nom de leur patrie. Le Père Poisson vivait encore à Péking, et, dit Christophe de Murr2, «< ce Jésuite contribua beaucoup à faire conclure le traité de commerce entre la Chine et la République française."

Christophe de Murr' recucille un fait qui confirme pleinement ces témoignages. L'écrivain protestant raconte qu'en 1777 Louis XVI demanda au Pape quelques Missionnaires pour Tile de Cayenne; mais il était nécessaire qu'ils sussent la langue des naturels. La Propagande n'en avait plus: Pie VI, avec l'agrément du roi de France, fit passer à la Guyane quatre anciens Jésuites portugais. Au mois de novembre 1777 ils débarquent à Cayenne. Ils sont revêtus du costume de leur

India orientalis christiana, etc., auctore P. Pauli o a S. Bartholomeo, Carmelita discalceato, p. 199 (Romæ, 1794).

2 Mon nouveau journal, t. 1oo, p. 95.

3 Journal de Christophe de Murr, t. ix, p. 225.

Ordre, ils parlent la langue du pays. Les Insulaires reconnaissent cet habit qu'ils vénèrent. On leur a dit qu'il n'y avait plus de Jésuites, et ils en revoient encore. Ces hommes à demi civilisés se jettent à leurs pieds, ils les mouillent de larmes. Ils s'engagent à vivre désormais en Chrétiens, puisqu'on leur rend les Pères qui les engendrèrent au vrai Dieu.

Le zèle de la maison du Seigneur emportait une partie de la Société de Jésus vers des rivages inhospitaliers; l'autre restait dans l'intérieur de l'Europe afin de lutter plutôt contre le vice et l'erreur que contre les adversaires de la Compagnie. Elle eut encore de ces orateurs qui soumettent les multitudes. Sur les traces des Pères Duplessis, Nicolas Zucconi, Munier, Vigliani, Tschupick, Beauregard, Armand Bol, le Chapelain et Delpuits, on vit ces Jésuites que la proscription allait frapper renouveler l'esprit des populations. Xavier Duplessis était sollicité par les villes. Les Prélats, dans leurs mandements, annonçaient sa présence comme une faveur insigne. Il évangélisait les cités ainsi que les campagnes, et l'Évêque de Laon saluait sa venue en ces termes : « C'est par un effet singulier de la divine miséricorde, N. T. C. F., que nous possédons un Missionnaire célèbre que tous les diocèses s'empressent d'avoir, et dont Dieu a béni les infatigables travaux et par des conversions innombrables et par des prodiges inouïs. »

Le nom du Père Nicolas Beauregard' éclipse toutes

Le Père Beauregard termina sa vie au château de Grouing, chez la princesse Sophie d'Hohenlobe. Nous avons sous les yeux le testament olographe du Jésuite, à la date du 29 novembre 1803, et nous y lisons: a En 1719, Dieu m'ayant fait la grâce insigne de m'appeler à la Compagnie de Jesus, d'y faire les derniers vœux et d'y être reçu Profes; par une secondle grâce, presque aussi privilégiée que la première, et par une seconde vocation ayant été agrégé et incorporé à la Province des Jésuites de Russie, par le révérend Père Gruber, alors Général de cette même Compagnie, en vertu de mon vœu de pauvreté, que je renouvelle en ce moment de très-grand cœur ainsi que

ces gloires de l'éloquence sacrée. Né, en 1731, à Pontà Mousson, le Jésuite avait su, comme Bridayne, dominer la foule par des traits d'un génie quelquefois abrupt, mais qui enchaînaient la pensée, et triomphaient des plus mauvais instincts. Cependant il aurait eu de la peine à surmonter l'oubli si à son souvenir ne se rattachait un événement extraordinaire. Pendant le Jubilé de 1775 le Jésuite prêchait à Notre-Dame de Paris. La foule était grande; car le Père Beauregard, par l'impétuosité de sa parole, par la trivialité même de quelques-unes de ses images, savait lui inspirer une respectueuse admiration. Là, dans cette chaire que dix-huit ans plus tard, en 1793, Hébert, Gobel et Chaumette rempliront de leur athéisme légal, en face de cet autel où les déesses de la Raison et de la Liberté viendront s'asseoir à la place de la Vierge, d'étranges, de prophétiques paroles s'élancèrent de son cœur. Le Jésuite s'écria: « Oui, c'est au Roi et à la Religion que les philosophes en veulent, la hache et le marteau sont dans leurs mains. Ils n'attendent que l'instant favorable pour renverser le trône et l'autel. Oui, vos temples, Seigneur, seront dépouillés et détruits, vos fêtes abolies, votre

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mes autres vœux, et par obéissance à nos saintes règles et constitutions, que je révère plus encore à ma mort que pendant ma vie, vœux et constitutions qui ne nous permetteut pas de tester, ce qui serait le plus grand acte de propriété, je déclare donc et affirme que tout ce qui paraît m'appartenir ne m'appartient pas, mais, et sans aucune réserve, aux Jésuites de Russie, auxquels je supplie son altesse la princesse Sophie de l'envoyer. D

Dans sa feuille du mardi 2 octobre 1804, le Journal des Débats parle en ces termes de la mort du disciple de saint Ignace : « Le Père Beauregard, ancien Jésuite et l'un des derniers orateurs qui ont illustré la chaire chrétienne dans le dix-huitième siècle, vient de mourir à Hohenlohe, en Allemagne, dans la soixante-treiz ème année de son âge. I fut célèbre, en France, par le succès de ses prédications et par la sainteté de

sa vie. »

Après avoir exalté les travaux et les vertus du Père, le Journal des Débats conc'uait ainsi : «En déplorant de si grandes pertes, on ne peut s'empêcher de se demauder qui remplira ces vides que la mort cause chaque jour, et comment nous viendront d'autres hommes pour remplacer de pareils hommes? »

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