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» Notre sainte Mission, grâce à Dieu, va assez bien et est actuellement fort tranquille. Le nombre des Chrétiens augmente tous les jours. Les Pères Dollières et Cibot ont la réputation de saints, et le sont en effet. Le premier est celui qui maintient la dévotion du SacréCœur de Jésus dans l'état le plus florissant et le plus édifiant. Ce même Missionnaire a converti presque toute une nation qui habite les montagnes à deux journées de Péking. Je m'y suis trouvé toutes les fois que ces bons Chinois sortaient d'auprès de ce Père, à qui ils avaient demandé le Baptême. J'ai remarqué dans eux les mêmes attitudes et les mêmes expressions de tête que nos meilleurs peintres ont su donner, ou saisir si bien dans les tableaux de la prédication de notre sainte Foi par saint François-Xavier. C'est ici qu'on peut mieux connaître combien grande est la grâce que Dieu nous a faite, en nous faisant naître dans un pays chrétien.

» Autant que l'on peut humainement juger de notre digne Empereur, il paraît qu'il est encore bien éloigné d'embrasser notre sainte Religion catholique; il n'y a même aucune raison de l'espérer, quoiqu'il la protége dans ses États, et c'est ce qui peut se dire pareillement de tous les autres grands de l'empire. Hélas! qu'il y a de vastes contrées dans cet univers où le nom de Dieu n'est pas encore parvenu! Je fais toujours mon emploi de peintre, et je suis le peintre, ou le serviteur de la Mission française pour l'amour de Dieu. Je me glorifie de l'être pour son pur amour, et je suis bien résolu de mourir dans cette sainte Mission quand Dieu le voudra. »

Il n'avait pas été possible de proscrire les Jésuites de la Chine, on les sécularisa. Ils acceptèrent la dure loi qui leur était imposée, mais ils n'en continuèrent pas

moins leurs travaux apostoliques ou scientifiques. Le Père Amiot, au dire de Langlès, savant académicien français, jetait une vive lumière sur la littérature des Chinois et des Tatars Mantchoux. Le Père Joseph d'Espinha exerçait au nom de l'Empereur les fonctions de président du tribunal d'astronomie, et l'évêque de Macao le nommait administrateur de l'évêché de Péking. Félix de Rocha présidait le tribunal des mathématiques avec André Rodriguez. Le Père Sichelbarth remplaçait Castiglione dans la charge de premier peintre de l'Empereur. D'autres Jésuites étaient répandus dans les provinces; ils évangélisaient les peuples sous l'autorité de l'Ordinaire.

Cet état de choses subsista ainsi assez long-temps, et, le 15 novembre 1783, le Père Bourgeois écrivait au Père Duprez : « On a donné notre Mission à messieurs de Saint-Lazare. Ils devaient venir l'an passé, viendrontils cette année? Dieu le veuille; nous n'en savons encore rien. Ce sont de braves gens; ils peuvent s'assurer que je ferai tout mon possible pour les aider et les mettre en bon train. Nous avons un évêque portugais, il s'appelle Alexandre de Govea. C'est un religieux de Saint-François dont on dit beaucoup de bien. Il ne tiendra moi certainement qu'il ne pacifie la Mission. »

pas à

Cinq ans plus tard, le 7 novembre 1788, Bourgeois écrit au Père Beauregard, l'orateur chrétien de la fin du dix-huitième siècle. Dans sa lettre, le supérieur des Jésuites en Chine rend hommage aux Lazaristes qui ont

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Langlès suivit lord Macartney dans sa célèbre ambassade, et il traduisit le Voyage en Chine de Holmes. Il dédia, en 1805, cet ouvrage au Jésuite mort en 1794. La dédicace est conçue en ces termes : « Hommage de véuération, de regrets et de reconnaissance offert à la mémoire du Révérend Père Amiot, Missionnaire apostolique à Pékin, correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, savant infatigable, profondément versé dans l'histoire des sciences, des arts et la langue des Chinois, ardent promoteur de la langue et de la littérature tatare-mantchoue, »

pris leur place au nom du gouvernement. Cette abnégation personnelle, en présence des vertus d'un rival, a quelque chose de vraiment religieux.

Très-cher et très-ancien confrère, ainsi s'exprime Bourgeois, continuez toujours à faire connaître et aimer notre bon Maître, et à vous montrer toujours digne enfant de saint Ignace,

» Messieurs nos Missionnaires et successeurs sont des gens de mérite, pleins de vertus et de talents, de zèle et d'une très-bonne société. Nous vivons en frères; le Seigneur a voulu nous consoler de la perte de notre bonne mère; et nous le serions entièrement si un enfant de la Compagnie pouvait oublier sa sainte et aimable mère. C'est un de ces traits qu'on ne peut arracher du cœur, et qui demande à tout moment des actes de résignation. »

Dans une autre lettre, Bourgeois parle du Missionnaire qui le remplace, et, en faisant l'éloge de ses vertus, il ajoute : « On ne sait pas si c'est lui qui vit en Jésuite ou nous qui vivons en Lazaristes. »

Ce n'est pas seulement la correspondance intime des Peres qui garde les traces de cette obéissance jusqu'à la mort; on en recueille partout des preuves, et lorsqu'en 1777 le Saint-Siége envoie d'autres Missionnaires pour prendre possession, chez les Hindoux, de l'œuvre des Jésuites, le meme exemple se renouvelle. Les enfants de Loyola déposent en d'autres mains l'héritage de François Xavier, multiplié par deux siècles de travaux et de martyres. «Ils avaient, dit un de ces nouveaux Missionnaires', pour supérieur le Père Mozac, vieillard octogénaire, qui avait blanchi sous le faix du ministère apostolique, qu'il avait exercé pendant quarante ans. Voyage dans l'Indostan, par M. Perrin, 11 part., ch. iv, p. 174.

Il abdiqua sa place avec la simplicité d'un enfant. »>

Le 15 novembre 1774, il se passa à Fribourg un trait plus étrange encore. Les Jésuites, proscrits par Clément XIV, voulurent prier pour lui. Ils réunirent dans leur église collégiale les habitants de la cité, et le Père Mattzell, en prononçant l'oraison funèbre du Souverain Pontife, s'écria, au milieu de l'émotion générale :

Amis, chers amis de notre ancienne Compagnie, qui que vous soyez, et où que vous puissiez être, si jamais nous avons été assez heureux pour rendre des services dans les royaumes et dans les villes, si nous avons contribué en quelque chose au bien de la Chrétienté, soit en prêchant la parole de Dieu, soit en catéchisant ou en instruisant la jeunesse, en visitant les malades ou les prisonniers, ou en composant des livres édifiants (quoique dans notre situation actuelle nous ayons beaucoup d'autres grâces à demander), nous vous prions, avec les plus vives instances, d'arrêter toutes plaintes amères et peu respectueuses pour la mémoire de Clément XIV, chef souverain de l'Église. "

Ainsi, sur tous les points du globe, et par tous les témoignages, les Jésuites n'ont pas résisté à l'arbitraire qui les bannissait de leurs Missions, qui les dépouillait de leurs biens; ils ne maudirent pas le SaintSiége, les sacrifiant à une paix impossible. Ils ne luttèrent point contre le pouvoir temporel, ils se soumirent avec une douloureuse résignation au Bref de Clément XIV. On ne les entendit protester ni par un doute, ni par un murmure, ni par un outrage. Il faut maintenant les suivre dans leur dispersion.

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CHAPITRE VI.

Le cardinal Pacca et le pro

Confusion d'idées après la destruction des Jésuites. testant Léopold Ranke, Situation morale de la Compagnie. Les Saints et les Vénérables. - Les Pères Wiltz, Cayron et Pépé. - Le Parlement de Toulouse et le Père Sorane. Les villes de Soleure et de Tivoli élèvent une statue à deus Jésuites. Marie-Thérèse et le Père Delphini. Le Père Parhamer fonde une maison pour les orphelins de l'armée. Le Père de Matteis à Naples. — Les Jésuites choisis par les évêques du Nouveau-Monde comme Visiteurs des diocèses.— Les Jésuites en présence des Missionnaires leurs successeurs. Témoignages de M. Perrin. Busson et Gibeaume. Les Jésuites retournent à Cayenne, sous les

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Le Père Lanfant.

Les Jésuites espagnols Les Jésuites mathémati

auspices du Pape et du roi de France. -Les Jésaites prédicateurs en Europe. Le Père Duplessis et les évêques. Le Père Beauregard à Notre-Dame de Paris.Sa prophétie. Colère des Philosophes. - Le jubilé de 1775. - Réaction religieuse dans le peuple. — Les Philosophes et les Parlements en rendent les Jésuites responsables. - Le Père Nolhac à la glacière d'Avignon. Les Jésuites dans les journées des 2 et 3 septembre 1792. pendant la peste d'Andalousie. Les Jésuites évéques. ciens, astronomes et géomètres. Leurs missions scientifiques. — Leurs travaux utiles. -Les Jésuites à la tête des séminaires et des colléges. Les Jésuites dans le monde. Leur éducation, Boscowich appelé à Paris. — Poczobut, à Vilna.— Hell, à Vienne. - Liesganig, à Lemberg. · Le Frère Zabala, médecin. — Eckel, numismate. Requeno et le télégraphe. — Le Père Lazari, examinateur des évêques. - Les Jésuites proscrits et théologiens du Pape. - Les Jésuites historiens et philosophes. - Feller en Belgique. — Zaccaria dirige les études des nonces apostoliques. Les Jésuites ascètes. Berthier et Brotier. - Fréron et Geoffroy. Les Jésuites prédicateurs. Michel Denis et ses poésies allemandes. — Bérault Bercastel et Guérin du Rocher. Ligny et Naruscewicz. - Schwartz et Masdeu. Jésuites illastres par la naissance.

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Les Jésuites n'existent plus comme congrégation religieuse. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si leur abolition, sollicitée au nom de la Foi, de la morale, de l'éducation publique, des franchises de l'Église et du salut des monarchies, a rendu les peuples plus catholiques, les hommes plus vertueux, la jeunesse plus ardente à l'étude qu'au vice, le Pape et les Évêques plus libres, les princes plus heureux sur leurs trônes, les différents pays plus tranquilles. Nous n'avons point à rechercher si l'aurore des beaux jours promis à la terre par la suppression de l'Institut de Loyola ne s'est pas transformée

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